Patrick Tambay, l'ami puis le successeur de Gilles Villeneuve

Patrick Tambay et Gilles Villeneuve étaient de véritables amis. Le Français, qui s'est éteint ce dimanche à l'âge de 73 ans, avait eu la tâche délicate de remplacer le Québecois chez Ferrari après sa disparition tragique en 1982.

Patrick Tambay, Ferrari 126C2

Patrick Tambay, Ferrari 126C2

LAT Images

Patrick Tambay et Gilles Villeneuve se sont rencontrés pour la première fois sur le circuit urbain de Trois-Rivières, en 1976, lorsqu’ils étaient rivaux dans une course de Formule Atlantique ; une monoplace semblable à la Formule 2. L’année suivante, ils ont continué à se côtoyer, car Villeneuve courait toujours en Atlantique et Tambay avait accepté une offre de Carl Haas pour courir en championnat Can-Am.

Les deux compères ont disputé leur premier Grand Prix de Formule 1 en même temps, sur le tracé de Silverstone en Grande-Bretagne, en 1977. Tambay était aux commandes d’une Ensign N177 tandis que Villeneuve était au volant d’une McLaren M23. Les deux amis sont devenus pilotes titulaires la saison suivante. Villeneuve était chez Ferrari tandis que Tambay était chez McLaren. Alors que Villeneuve décrochait des victoires avec la Scuderia, Tambay vivait des moments difficiles au sein d'une écurie McLaren encore dirigée par Teddy Mayer. Ron Dennis n’avait pas encore pris le contrôle le l’écurie à ce moment-là.

"Inévitablement, tous les pilotes français sont devenus amis avec Gilles Villeneuve", nous confiait Tambay il y a quelques années. "Il nous a fait découvrir la province de Québec et les Québécois. Il nous emmenait dans de folles expéditions dans les bois avec son pick-up. Après notre première rencontre, nous sommes devenus de très bons amis. Quand il a commencé à courir pour Ferrari, je l’ai aidé à se trouver une résidence en Europe et nous sommes restés proches."

Patrick Tambay et Gilles Villeneuve au GP d'Argentine 1978.

Patrick Tambay et Gilles Villeneuve au GP d'Argentine 1978.

Gros crash à Las Vegas

Après avoir passé deux saisons infructueuses chez McLaren, Tambay retourne courir en Can-Am aux États-Unis, puis revient en F1 en 1981, d’abord chez Theodore, puis chez Ligier. Sa saison se termine par un accident violent survenu au Grand Prix des États-Unis, sur le fameux parking de l'hôtel Caesar’s Palace à Las Vegas. Au troisième tour de la course, sa Ligier refuse de tourner dans un virage et percute de face le mur de pneus. L'avant de la monoplace est arraché et les pieds de Tambay se retrouvent suspendus dans le vide ! Le Français s’en sort avec quelques douleurs, mais il prend alors conscience des vrais dangers de la Formule 1.

Quelques mois plus tard, en mai 1982, Tambay, qui est une nouvelle fois retourné courir en Can-Am, s’effondre quand il apprend que son ami cher, Gilles Villeneuve, s’est tué sur le circuit de Zolder en Belgique : "J’étais à Hawaï quand j’ai appris la nouvelle. Peu de temps après, j’ai eu un appel de Didier Pironi [le coéquipier de Villeneuve chez Ferrari]. Il m’a confié avoir été mandaté par Enzo Ferrari et Marco Piccinini pour savoir si je voulais prendre la place de Gilles au volant de la voiture numéro 27".

Tambay, que Gilles Villeneuve avait choisi pour être le parrain de son fils Jacques, s'est alors retrouvé devant une décision particulièrement difficile à prendre : "J’ai d’abord hésité. Un appel de Ferrari est magique. Par contre, je me suis demandé si le fait de prendre la place de Gilles n’allait pas entraîner une sorte de handicap psychologique ou sentimental pour moi".

Patrick Tambay au volant de la Ferrari 126C2 en 1982.

Patrick Tambay au volant de la Ferrari 126C2 en 1982.

"On me demandait d’occuper le baquet de mon ami qui venait tout juste de se tuer. Ça me rendait très inconfortable. Ce fut une décision très dure à prendre. J’en ai parlé avec des amis chers. J’ai finalement accepté. Je me suis rendu à Maranello. J’ai effectué mes premiers tours de piste sur le circuit de Fiorano et j’avoue que j’ai ressenti que l’esprit de Gilles y flottait encore. Les mécanos de Gilles étaient évidemment très tristes, mais aussi extrêmement professionnels. Ils m’ont beaucoup aidé à surmonter mes appréhensions."

Tambay dispute son premier Grand Prix sous les couleurs de Ferrari aux Pays-Bas, où il termine huitième, un tour derrière le vainqueur, son coéquipier Didier Pironi, qui dispose alors de bonnes chances d'être sacré Champion du monde en fin de saison. Il grimpe sur la troisième marche du podium lors du Grand Prix suivant, au Royaume-Uni. Chez lui, en France, Tambay se classe quatrième.

Ferrari secoué encore une fois

Il remporte sa première victoire en Formule 1 lors du rendez-vous suivant, en Allemagne, mais dans des circonstances pénibles. Le samedi matin, lors des essais libres organisés sous un déluge à Hockenheim, Pironi est victime d’un spectaculaire accident quand sa Ferrari s’envole après avoir touché les roues d’une autre monoplace. Il échappe au pire mais sa jambe droite est broyée. Ses blessures prendront des années à guérir, seulement partiellement.

Tambay se retrouve donc capitaine du navire Ferrari. Il prend le départ depuis la quatrième place sur la grille et effectue une belle remontée. Il est second quand le leader, Nelson Piquet sur Brabham-BMW, s’accroche avec un retardataire. Il hérite des commandes de l'épreuve et ne craque pas sous la pression, ne commettant aucune erreur de pilotage en dépit des puissants sentiments qui l’habitent.

À 33 ans, Tambay décroche sa première victoire en F1 et met ainsi un peu de baume sur le cœur d'une Scuderia Ferrari meurtrie. "J'avais décidé de quitter la F1 et je me suis soudainement retrouvé propulsé leader d'un top team et capable de gagner des courses ! J'étais habité par des sentiments très contradictoires. Après la perte de Gilles et de Didier, j'avais surtout la responsabilité de tirer l'équipe hors de son malaise. Et au final, Ferrari a remporté le Championnat du monde des constructeurs cette année-là."

Patrick Tambay victorieux du GP d'Allemagne 1982.

Patrick Tambay victorieux du GP d'Allemagne 1982.

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