Patrick Tambay, 1949-2022
Patrick Tambay, notamment connu comme celui qui a remplacé Gilles Villeneuve à la Scuderia Ferrari en 1982, est décédé à l'âge de 73 ans.
Pendant ses deux années à Maranello, Patrick Tambay n'a remporté que deux victoires en Grand Prix, mais il a joué un rôle de leader alors que l'écurie vivait une période traumatisante, la mort de Gilles Villeneuve ayant été suivie quelques mois plus tard par un autre accident terrible ayant mis un terme à la carrière de Didier Pironi.
La personnalité facile à vivre de Tambay faisait de lui la personne idéale pour endosser une tâche si difficile. Avec son sourire irrésistible et son savoir-vivre irréprochable, il se faisait des amis où qu'il aille. Qu'il ait souvent renoué avec des écuries et des techniciens pour une seconde collaboration en dit long : sa compagnie était appréciée.
Comme tant de Français de sa génération, Tambay a été propulsé en Formule 1 par Elf. Skieur accompli dans sa jeunesse, il aimait piloter des voitures de route sur la neige, et aller au Grand Prix de Monaco lui a donné envie de faire ses gammes à l'école de pilotage Winfield au Paul Ricard. À déjà 23 ans, il a remporté le Volant Elf après avoir convaincu le jury, ce dernier composé notamment de Ken Tyrrell et François Cevert. Il a ainsi gagné une saison financée en Formule Renault pour 1972.
Sa seconde campagne l'a vu finir vice-champion derrière René Arnoux dans le championnat français, et ayant convaincu Elf qu'il devrait sauter la F3, il a rejoint la F2 d'emblée en 1974 avec Alpine. Il s'est classé septième du championnat et, à nouveau avec le soutien d'Elf, a rejoint l'écurie d'usine March pour 1975. Une victoire à Nogaro et cinq deuxièmes places l'ont vu obtenir le deuxième rang du général à égalité, loin derrière le champion Jacques Laffite.
Tambay a rempilé pour une troisième saison en 1976 avec l'écurie Martini, s'imposant à nouveau à Nogaro et finissant troisième du championnat derrière Jean-Pierre Jabouille et son coéquipier Arnoux. Cette année-là, il a également fait ses débuts au Mans dans une Renault d'usine aux côtés de Jabouille et a goûté à la scène américaine lors d'une course de F5000 avec l'équipe Theodore Racing de Teddy Yip.
Il était temps pour Tambay de quitter la F2. Pour 1977, il a pris la décision inhabituelle de rejoindre le CanAm, où il a remplacé Brian Redman, blessé, chez Haas. Il a gagné six courses et remporté le titre, avec une seconde apparition au Mans pour Renault.
Patrick Tambay au volant de la Ferrari 126C3 sur l'Österreichring
C'est cet été-là que Tambay a eu sa chance en F1. Un baquet Surtees lui a été proposé à la dernière minute pour sa course à domicile, à Dijon, mais il n'est pas parvenu à se qualifier. Il avait déjà signé pour piloter une Ensign engagée par Theodore Racing lors du reste de la saison, à partir de Silverstone. Après des débuts solides, le tricolore s'est classé sixième dès sa seconde course, à Hockenheim, puis a même occupé la troisième place à Zandvoort avant de tomber en panne d'essence, finalement classé cinquième.
Ces performances ont attiré l'attention de Ferrari, mais un rendez-vous a été reporté car Enzo était souffrant. Avant que l'opportunité ne se représente, McLaren et son patron Teddy Mayer l'ont fait signer pour remplacer Jochen Mass en 1978.
"Je devais retourner au Canada pour une course de CanAm", se souvenait Tambay. "Mais je suis allé voir John Hogan de Marlboro pour discuter de ce que je devrais faire, ceci, cela. Soudain, sans crier gare, Teddy Mayer est entré dans le bureau avec son très bel attaché-case en cuir. Nous avons commencé à discuter. Il m'a dit : 'Tu as une offre de Ferrari ? Tu ne vas pas bien t'intégrer avec Carlos Reutemann, c'est quelqu'un d'étrange, l'ambiance va être délicate, la relation va être difficile. Et ils passent aux Michelin, ça ne va certainement pas être une bonne première année'."
"Puis il a ouvert son bel attaché-case et en a sorti un contrat McLaren. Je n'avais pas de manager, je n'avais pas d'agent, je n'avais rien. J'ai appelé mon père et il m'a dit : 'Écoute, mon garçon, fais ce que tu veux. C'est ton travail, et si tu penses pouvoir gérer ça, mieux vaut jouer la sécurité'. J'ai donc pris un stylo, j'ai signé et je suis parti au Canada."
L'écurie avait déjà un jeune pilote en la personne de Gilles Villeneuve, qui avait fait ses débuts à Silverstone, et la signature de Tambay était une surprise.
Le vainqueur Patrick Tambay aux côtés de René Arnoux et de Keke Rosberg au Grand Prix d'Allemagne 1982
"J'ai dit à Gilles : 'Tu avais une option avec McLaren pour 1978, je viens de signer un contrat avec eux. Mais en même temps, j'ai une offre de Ferrari, alors tu devrais aller les voir à Monza'. C'est comme ça que nous faisions les choses, étant amis. J'ai suggéré à Gilles : 'Dépêche-toi, va à Monza, parle-leur, ils veulent un jeune pour aller avec Carlos, peut-être que ça peut marcher'. Je ne me doutais pas que ça marcherait."
"Pendant ce temps, après Monza, je suis allé voir Il Grande Vecchio avec [Mauro] Forghieri, pour m'excuser d'avoir signé avant de lui avoir parlé. Forghieri a traduit toute la conversation, et à la fin, Il Grande Vecchio a dit en français : 'Patrick, quelle erreur stupide tu as commise. Tu aurais été Champion du monde avec nous, et tu aurais gagné bien plus d'argent...'"
James Hunt avait remporté deux des trois dernières courses de la saison 1977, alors cela se présentait bien pour Tambay avec McLaren, qui a toutefois perdu du terrain en 1978, distancé par Lotus au début de l'ère des monoplaces à effet de sol. Hunt n'a pas tardé à se désintéresser, tandis que Tambay a peiné à se faire remarquer avec la M26. Le Français a fini quatrième en Suède puis dans le top 6 à quatre autres reprises, se classant 14e au championnat des pilotes. Villeneuve, lui, était devenu une grande star avec Ferrari.
"J'ai marqué des points, mais pas assez", a reconnu Tambay. "J'étais arrivé là avec tant d'espoirs. Je crois que fin 1977 je faisais partie des jeunes loups prometteurs, avec Gilles. Il s'est avéré que j'étais sur une pente descendante et lui sur une pente ascendante. Ça ne me dérangeait pas. Si ça avait été René Arnoux, ça m'aurait énervé ! Mais c'était Gilles, alors je pouvais pardonner tout ça et faire avec. En fait, j'étais content pour lui."
Patrick Tambay pilote la Ferrari 126C3 à Monza
Pour 1979, avec Tambay désormais associé à John Watson, McLaren a tenté de rattraper son retard sur la technologie à effet de sol, mais la M28 a été un désastre. "Je me rappelle la première fois qu'ils ont fait sortir la voiture de l'atelier pour la photo. Trois roues étaient sur le trottoir, et la quatrième était en l'air. Toute l'équipe se tenait derrière, et je me suis assis sur la roue qui était en l'air. Alors nous avons entendu ce craquement : apparemment, c'était mal fixé et j'y infligeais un essai de torsion ! Ils avaient l'air très, très inquiets, je vous le dis. Je ne sais pas ce qui s'est passé après ça, mais je pense qu'ils ont dû faire un concours pour rigidifier ça !"
La monoplace s'est avérée si problématique que Tambay a même dû revenir à l'ancienne M26 pour le second Grand Prix de l'année, au Brésil. À la mi-saison, une M29 préparée à la hâte est arrivée mais n'était pas bien meilleure. Tambay n'a pas marqué le moindre point, et Mayer l'a remplacé par une star de la F3, Alain Prost, pour 1980.
"À la fin de la saison, Teddy m'a appelé et a dit qu'il fallait que j'aille au Paul Ricard pour des essais, et qu'il y avait un nouveau qui allait se joindre à moi, du nom de Prost. 'Quoi ? Je ne vais pas faire une confrontation contre Prost. Vous m'avez donné du fil à retordre toute l'année avec cette voiture, je ne suis pas près de me laisser comparer à lui'. Je ne voulais pas de confrontation, je n'en méritais pas. Mais j'ai ouvert la porte à Alain en ne me rendant pas à ces essais. Ils ont dû prendre une décision, et peut-être que Marlboro insistait pour que ce soit lui. J'ai renoncé, car je ne pensais pas mériter d'être comparé à lui."
En 1980, Tambay a fait une nouvelle escale en CanAm, où il a remporté un second titre chez Haas, avec six autres victoires. Il est retourné en F1 l'année suivante, trouvant un accord avec Teddy Yip pour piloter de nouveau la peu compétitive Theodore.
Patrick Tambay dans la Ferrari 126C2 à Monza
En cours de saison, Tambay a rejoint Ligier pour remplacer Jabouille, blessé, aux côtés de Laffite. Il n'a toutefois pas fini la moindre course et peut s'estimer heureux de s'être sorti quasiment indemne d'un énorme accident à Las Vegas, où le train avant de sa monoplace a été arraché.
Après un faux départ avec Arrows, Tambay s'est retrouvé sur la touche début 1982, mais quand Villeneuve a trouvé la mort à Zolder, c'est à lui qu'Enzo Ferrari a fait appel pour épauler Pironi, son ancien rival en F2. Le nouveau pilote de la Scuderia a pris la troisième place pour sa deuxième course, à Brands Hatch, avant de s'imposer pour la quatrième à Hockenheim, au lendemain du grave accident de Pironi.
"C'était dramatique. L'esprit de l'équipe était anéanti, ils avaient perdu l'un de leurs pilotes puis l'autre juste après. Ils n'avaient pas du tout le moral, ils étaient déprimés, vraiment anéantis. Je venais juste de revenir, et je pouvais pas ressentir tout ça de manière aussi forte qu'eux. J'étais parti, et je ne faisais pas encore vraiment partie de l'équipe, cela ne faisait que deux ou trois courses que j'avais remplacé Gilles."
Tambay a aidé l'écurie à tourner la page, et ses points ont permis à Ferrari de remporter le titre des constructeurs. En 1983, il a été rejoint par son ancien coéquipier en F2, Arnoux, et a remporté une émouvante victoire à Imola, un an après le conflit Villeneuve/Pironi. Il a été candidat au titre pendant la première moitié de saison avant qu'une série d'abandons, trois depuis la pole position, ne l'empêchent de faire mieux que quatrième au championnat.
Remercié par Ferrari, Tambay a retrouvé Renault et Elf en 1984 aux côtés de Derek Warwick, qui le considère encore comme son coéquipier favori à ce jour. Une pole position et une deuxième place à Dijon ont laissé entrevoir de belles promesses, mais ces deux années au sein de l'écurie française se sont avérées difficiles, marquées par de nombreux problèmes de fiabilité.
Patrick Tambay au volant de la Renault RE60 à Imola
L'équipe Renault a fermé ses portes fin 1985 et Tambay a pris un nouveau départ avec la nouvelle écurie Beatrice Haas l'année suivante, associé à Alan Jones. Il y a renoué avec Carl Haas, son patron en CanAm, et des anciens de McLaren, Teddy Mayer et Tyler Alexander. On y retrouvait également des futurs ingénieurs stars de la F1, à savoir Adrian Newey et Ross Brawn.
Cette saison a également été difficile avec cette monoplace à moteur Ford, et Tambay n'a marqué de points qu'en Autriche, cinquième. Encore une fois, son écurie a mis la clé sous la porte à la fin de l'année, mais en l'occurrence, sa carrière en F1 était terminée.
En 1989, Tom Walkinshaw a recruté Tambay chez Silk Cut Jaguar en Championnat du monde des Voitures de sport, où il a fait équipe avec Jan Lammers. La XJR10 à moteur V6 turbo était largement dominée, et le seul bon résultat a été une deuxième place à Jarama, tandis qu'ils ont fini quatrièmes au Mans avec un moteur V12.
Par la suite, la carrière de Tambay sur circuit n'a pas duré. Il s'est concentré sur le rallye-raid avec des participations régulières au Paris-Dakar, où il est monté sur le podium à plusieurs reprises. Il a fait un retour en monoplace en Grand Prix Masters en 2005 et 2006, participant à des courses à Kyalami, au Qatar et à Silverstone.
En parallèle, Tambay est resté très occupé en dehors du cockpit. Brièvement impliqué dans l'écurie Larrousse, il a surtout fait carrière en tant que commentateur et qu'homme politique, sans oublier son rôle de mentor pour Jacques Villeneuve quand le jeune Canadien a commencé sa carrière. Par la suite, Patrick a aidé son fils Adrien à gravir les échelons.
Tambay souffrait de problèmes de santé depuis de nombreuses années, particulièrement de la maladie de Parkinson, et a malheureusement perdu sa dernière bataille.
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