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Franco Uncini, d'un pari fou à la consécration

Franco Uncini, l'un des cinq champions qu'ait connus Suzuki dans la catégorie reine des Grands Prix moto, vivait il y a quarante ans l'aboutissement d'une carrière méritante mais dont la fin serait bientôt précipitée.

Franco Uncini

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

L'épopée Suzuki

Motorsport.com retrace l'Histoire de Suzuki en 500cc et en MotoGP à travers un dossier spécial.

C'est l'histoire d'un pilote entré au palmarès après avoir réussi le pari fou de s'engager dans la catégorie reine des Grands Prix moto avec une Suzuki privée, puis passé à la légende quelques mois après son titre pour avoir survécu à la typologie d'accident la plus redoutée qui soit. Entre-temps, il fut durant quelques mois un adversaire redoutable pour cet Américain propulsé roi, le maître Kenny Roberts dont il fit son ami, tout simplement.

Franco Uncini est déjà un visage connu des Grands Prix lorsqu'il intègre la catégorie 500cc en 1979, à 24 ans. Touché par la passion dix ans plus tôt, il a réussi à convaincre ses parents de dépasser leurs craintes pour le soutenir et, très vite, il a pu se mettre à courir. On l'a vu écumer les pistes, gagner rapidement en Italie lors d'épreuves de 750cc quand il avait 19 ans. Puis deux ans plus tard, il commence à collectionner les podiums mondiaux en 250cc et 350cc tantôt sur une Yamaha tantôt sur une Harley Davidson. Dès sa deuxième saison en Grand Prix, il s'impose même en quart de litre et termine dauphin de Mario Lega au championnat.

Mais son rêve ultime a toujours été de courir en 500cc, n'en déplaise à ceux qui ne le voient pas physiquement apte à performer au-delà des "petites" cylindrées, jugé trop petit et trop léger. Décidé à forcer le destin, le voici donc qui s'achète une place dans la grande classe en 1979, déterminé à montrer de quoi il est capable en investissant sur une Suzuki privée. Et il y arrive : dès sa première année en 500cc, il se classe cinquième du championnat, puis quatrième la saison suivante, le tout avec plusieurs podiums en poche. Ses performances dans une équipe très familiale ne passent pas inaperçues. Pourtant, la saison 1981 s'avère plus difficile, marquée par des problèmes techniques et aussi des blessures pour le pilote italien, qui commence à trouver le temps long maintenant qu'il a fait ses preuves.

Et puis, un coup du destin lui ouvre soudain les grandes portes en rappelant aux responsables de Suzuki qu'il existe : le départ inattendu de Marco Lucchinelli, qui vient de décrocher le titre pour la marque et qui décide pourtant de rejoindre Honda.

Si l'équipe officielle est formée de Randy Mamola et Virginio Ferrari, c'est bien au guidon d'une Suzuki d'usine qu'Uncini prend place sur la grille de départ du Grand Prix d'Argentine en mars 1982, sous la houlette de l'équipe Gallina. L'épreuve est remportée par Kenny Roberts, au guidon d'une nouvelle Yamaha, l'Italien devant se contenter de la quatrième place, mais très vite il décroche une première victoire en Autriche, dans le froid glacial du Salzburgring où le printemps tarde tant à percer en ce début mai que le Grand Prix est un temps menacé par la neige !

Une semaine plus tard, le troisième Grand Prix, en France, est marqué par une grève des pilotes et ne pèse donc pas dans la course au titre, tous les grands noms ayant décidé de quitter Nogaro sans prendre le départ, critiquant le manque de sécurité du circuit. Mais la suite est une démonstration de la part du binôme Uncini-Suzuki : en six courses, il gagne quatre fois (notamment à Misano, un duel de toute beauté contre Spencer et une victoire à domicile qui le marquera longtemps, ou à Assen malgré un orage qui scinde la course en deux et mène à l'addition des points des deux parties) et ajoute deux autres podiums à son score.

Franco Uncini, ici au GP des Pays-Bas 1982 avec Graeme Crosby, Eddie Lawson et Freddie Spencer

Franco Uncini, ici au GP des Pays-Bas 1982 avec Graeme Crosby, Eddie Lawson et Freddie Spencer

La première partie du championnat a donné lieu à un superbe duel entre Uncini et Roberts, puis un petit nouveau, Freddie Spencer, vient se mêler à la lutte en remportant à 20 ans et 196 jours sa première victoire, en juillet, ce qui fera de lui pendant plus de trente ans le recordman de précocité. L'épreuve suivante marque un tournant majeur : on est à Silverstone et Kenny Roberts ainsi que Barry Sheene, alors à égalité de points, se blessent et voient leur saison s'arrêter. Uncini, grand seigneur, met d'abord un point d'honneur à s'enquérir de la santé de son ami Kenny et refuse les félicitations alors que le titre lui est désormais promis.

Les blessures des deux hommes laissent Spencer mais aussi le pilote Agostini-Yamaha Graeme Crosby − qui ne gagne pas, mais se montre diablement régulier − aux prises avec Uncini. Mais l'Italien a pris une belle avance. La fin du championnat sera plus compliquée pour lui, avec trois abandons en trois courses, et pourtant ses derniers adversaires sont déjà impuissants : dès ce début du mois d'août, Franco Uncini est sacré Champion du monde !

Voilà donc son grand rêve qui se réalise dès sa première année au guidon d'une machine officielle. Il a alors 27 ans et peut espérer avoir de bonnes années devant lui. "C'était vraiment fantastique ! Quand vous remportez le Championnat du monde c'est un rêve qui devient réalité. C'est comme si quelqu'un vous donnait les clés pour ouvrir n'importe quelle porte", décrira-t-il.

Comme tout pilote atteignant un tel niveau de performance, Uncini se voit faire durer le plaisir. Et il peut aussi espérer s'appuyer sur Suzuki pour cela, la marque étant alors en plein âge d'or durant cette première ère de son programme. Elle a un temps occupé une large partie de la grille en fournissant moult pilotes privés, et s'est imposée au classement des constructeurs de façon ininterrompue entre 1976 et cette année 1982, période qui contient également les deux titres de Sheene et ceux de Lucchinelli et Uncini. Elle collectionne les succès, et pourtant, à l'époque déjà une décision brutale va bientôt stopper cet élan. Mais avant cela, Franco Uncini lui-même va connaître un coup d'arrêt majeur.

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Un drame évité de peu

Dès l'acquisition de son premier scooter, en 1969, le jeune Franco avait pris l'habitude de porter un casque. À une époque où il n'était pas encore si commun d'en voir, l'adolescent subissait l'injonction familiale et faisait déjà de cet accoutrement parfois moqué et pourtant essentiel à la sécurité un élément indissociable de sa pratique de la moto. Bien des années plus tard, c'est en voyant sa tête sans casque, alors qu'il gisait inerte sur la piste d'Assen, que l'on allait craindre le pire pour lui.

En réalité, en ce 25 juin 1983, son casque vient de lui sauver la vie en encaissant le choc redoutable de la moto de Wayne Gardner qui l'a heurté alors qu'il se trouvait déjà au sol après être tombé. On parle alors d'un impact à plus de 130 km/h, qui a cassé l'attache du casque et l'a envoyé dans les airs. Le visage d'Uncini a heurté le sol et ses blessures sont multiples. Après cinq jours de coma, le pilote italien revient pourtant à la vie et la saison suivante il fait même son retour sur les circuits, au guidon d'une Suzuki qui n'a cependant plus le soutien du constructeur. Car oui, déjà, Hamamatsu a décidé de se retirer des Grands Prix malgré ses succès phénoménaux.

Le départ du Grand Prix des Pays-Bas 1983 : Franco Uncini est sur la droite, avec le numéro 1

Le départ du Grand Prix des Pays-Bas 1983 : Franco Uncini est sur la droite, avec le numéro 1

Physiquement, il faudra environ un an à Uncini pour totalement récupérer et cet accident a bel et bien marqué un tournant dans sa carrière, bientôt amenée à se terminer. Souvent appelé à témoigner de ce drame évité de si peu et de l'importance de la protection qu'il portait, il allait alors devenir le meilleur porte-parole en faveur de l'obligation du port du casque à moto en Italie, débattue à l'époque avant d'être enfin adoptée. Stoppé prématurément dans sa carrière, il avait encore la passion de la course chevillée au corps, au point de bientôt devenir team manager pour Ducati en WorldSBK au début des années 1990, mais c'est surtout la sécurité qui allait le rappeler.

Choisi par les pilotes, il est devenu leur représentant en tant que Délégué à la sécurité auprès de l'IRTA à partir de 1993. Un poste dans lequel il s'est tant investi qu'il succèdera à Claude Danis en 2013 en tant que représentant de la sécurité auprès de la FIM sur les Grands Prix. Ce n'est qu'en cette fin de saison 2022 qu'il a raccroché, après avoir été un si fervent défenseur des pilotes durant trois décennies et avoir grandement contribué à l'amélioration continue des pistes qu'il a homologuées.

Côté carrière, Franco Uncini est resté durant 12 ans le dernier champion Suzuki et durant 19 ans le dernier Italien à avoir remporté le titre 500cc. Ses successeurs se sont appelés Kevin Schwantz et Valentino Rossi...

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