Abiteboul : La rivalité avec Horner a été "exagérée" par Netflix

Désormais éloigné du monde de la F1, Cyril Abiteboul est revenu sur la série Drive to Survive de Netflix, dont il a été l'une des stars lors des trois premières saisons, et son impact sur le monde de la discipline reine.

Désormais hors du paddock depuis la fin de saison 2020, l'ancien responsable de l'écurie Renault Cyril Abiteboul, à présent directeur général de CDK Technologies, qui fabrique des voiliers pour les courses au large, garde toujours un œil sur la Formule 1. Cet univers dans lequel il a gravité pendant 15 ans a beaucoup évolué ces dernières années, notamment depuis l'entrée en lice d'un nouvel acteur, Netflix via la série Drive to Survive, qui faisait suite à la prise de contrôle de Liberty Media sur la discipline.

Dans un entretien pour Le Figaro, Abiteboul est revenu sur ce moment charnière d'une discipline en plein regain de popularité, y évoquant le rôle joué par Renault dans la mise en place de ce programme. "Quand Liberty a proposé ce programme, les avis étaient mitigés avec des écuries très opposées et d’autres favorables. J’étais très clairement dans la seconde catégorie. C’était une aubaine pour les écuries moins médiatisées. Dans le milieu, la médiatisation est proportionnelle aux résultats."

"C’est Renault qui a coordonné l’ensemble de la négociation avec Netflix pour toutes les écuries. Ce n’était absolument pas gagné. Deux éléments inquiétaient les écuries : la peur de se fâcher avec plusieurs médias et la problématique de gestion de l’image et de la réputation. Tout d’un coup, vous devez donner un accès très privilégié. Finalement, Red Bull, très frileux au départ, a compris qu’il y avait quelque chose à y gagner. Mercedes et Ferrari l’ont réalisé un peu plus tard."

Un accès privilégié mais qui n'interdit pas la possibilité pour les écuries d'intervenir si elles l'estiment nécessaire : "La confiance nous a incités à leur donner un accès extraordinaire, inimaginable initialement. Quand on leur disait 'on coupe', il n’y avait pas la moindre négociation. C’est une relation agréable et très différente de celle avec les médias audiovisuels traditionnels. Rien n’a été fait à notre insu."

Des pilotes et des directeurs d’écurie ont vu leurs relations se dégrader très fortement après la diffusion

Cyril Abiteboul, à propos de Drive to Survive

"En plus de cela, chaque écurie dispose d’un droit de visionnage avant la diffusion, à actionner seulement pour des bonnes raisons : secrets techniques, propos diffamatoires... J’ai utilisé ce droit une fois pour faire retirer une séquence avec Daniel Ricciardo et protéger son image. Précision : nous n’avons accès qu’aux images qui nous concernent. On ne voit pas le fameux 'final cut' et donc la série dans sa totalité. On l’a découverte en même temps que tout le monde. J’admets que j’ai parfois été surpris du résultat final."

Malgré tout, le Français ne se faisait pas d'illusions : "Il ne faut pas se leurrer, Drive to Survive reprend les codes de la téléréalité. La dimension télé compte énormément et ce n’est pas 100% de réalité. La série dépeint une bonne représentation générale du contexte et des personnages mais les faits racontés sont parfois exagérés et caricaturaux. Des pilotes et des directeurs d’écurie ont vu leurs relations se dégrader très fortement après la diffusion."

"La Formule 1 y a gagné quelque chose"

Max Verstappen arrive sur la grille de départ du GP d'Espagne

Max Verstappen arrive sur la grille de départ du GP d'Espagne

L'un des épisodes marquants de la première saison de la série se focalisait autour de la rivalité entre Red Bull et Renault (que ce soit sur le plan des moteurs ou des pilotes), notamment incarnée à l'écran par une séquence de discussion prétendument tendue entre Christian Horner et Abiteboul lui-même. "Cette histoire est typiquement exagérée", explique l'ancien responsable de l'écurie d'Enstone au sujet de la "guerre" entre les deux hommes, sans être vent debout contre le procédé.

"Même s’il y avait un antagonisme entre nous, bien sûr. Le montage intègre les images d’un Grand Prix pour les réattribuer à un autre et ainsi créer un effet dramatique. Mais je comprends la logique. C’est un produit de divertissement qui coûte d’ailleurs très cher à Netflix. À la fin, la Formule 1 y a gagné quelque chose. Quand auparavant, il y avait difficilement 30 000 spectateurs au Grand Prix de Barcelone ou Monaco, et qu’aujourd’hui on en compte 120 000, il n’y a pas de débat."

Christian Horner est le meilleur pour sortir des punchlines de manière industrielle

Cyril Abiteboul

Interrogé sur les interviews face caméra, qui constituent un aspect essentiel de cette série, Abiteboul d'expliquer : "C’est toujours un exercice un peu dur. Les journalistes posent les questions plusieurs fois pour obtenir leurs réponses qu’ils ont déjà en tête. Moi je n’étais pas très à l’aise, j’étais même le pire client. L’anglais, comme tout le monde l’a remarqué, n’est pas ma langue natale ! (rires) Christian Horner est le meilleur pour sortir des punchlines de manière industrielle."

S'il indique n'avoir reçu "aucune rémunération" pour sa participation au show, ayant au passage uniquement signé "une décharge pour l'utilisation de notre image", les revenus étant collectés par le détenteurs des droits commerciaux et redistribués via les primes aux écuries, il ajoute : "Je sais que des pilotes ont essayé d’obtenir une rémunération mais sans, me semble-t-il, y arriver."

Un impact mesuré au fil des saisons

Quand bien même il a été, à son corps défendant, l'une des stars du programme lors des trois premières saisons, Abiteboul assure n'avoir pas cherché à obtenir un tel statut et avoir plutôt voulu, contrairement à d'autres, protéger sa vie privée : "J’ai eu les mêmes propositions [que Horner de tourner des séquences chez lui] mais je ne voulais pas du tout exposer ma famille. Quand on représente Renault, une marque populaire marquée par des évolutions sociales fortes, il est hors de question de se starifier à titre individuel. La narration devait passer par les pilotes et non par moi-même."

Concernant les retombées diverses de la série, Abiteboul estime qu'elles ont été de plus en plus palpables en interne au fil des saisons : "D’année en année, l’impact a progressivement été mesurable. La première saison est passée relativement inaperçue. C’est surtout à partir de la troisième saison qu’on a connu un phénomène d’amplification, d’attente."

"Alors que j’étais totalement incognito, je suis devenu un acteur de Netflix. Les gens oubliant que j’avais un vrai métier par ailleurs. Encore aujourd’hui, alors que je n’apparais plus, il n’y a pas une journée où l’on ne m’arrête pas pour me demander la date de mon retour ou un selfie."

Et justement, sur le plan personnel, il n'apparaît plus depuis son départ de la tête du projet Renault/Alpine début 2021, un événement évoqué très brièvement dans la saison 4 et dont Abiteboul assure avoir refusé d'en faire une séquence de la série : "Il y avait des très fortes divergences d’opinions et de valeurs avec Renault", déclare-t-il concernant son départ. "Je suis quelqu’un de convictions et je n’avais pas envie de revenir sur certaines d’entre elles. Le groupe avait un projet en tête et c’était le bon moment pour une nouvelle incarnation."

"Netflix m’a proposé que je raconte mon départ, dans une mise en scène au jardin du Luxembourg. J‘ai réfléchi mais, connaissant bien l’exercice, je me suis dit qu‘il n’y avait pas de bonnes façons de traiter ce sujet qui ne regarde que moi et l’entreprise. Il valait mieux en rester là."

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