Opinion

Audi en F1, un défi colossal en six ans seulement

L'arrivée d'Audi en Formule 1 a été officialisée à la fin de l'été, lors du Grand Prix de Belgique. C'est la première fois depuis le retour difficile de Honda avec McLaren en 2015 qu'un nouveau constructeur franchit le pas dans l'ère hybride. La puissance d'Audi en fera certainement une place forte de la F1 à terme, mais l'ampleur de la tâche est énorme.

La monoplace de de présentation d'Audi F1

Photo de: Mark Sutton / Motorsport Images

Audi a fait preuve de beaucoup de précision au moment de justifier son entrée en Formule 1, agissant d'ailleurs d'une manière qui ne ressemble pas vraiment à l'image plutôt austère de la marque. Dans le tout premier paragraphe de l'annonce confirmant son arrivée comme motoriste, on trouve cette phrase : "C'est la première fois depuis plus de dix ans qu'un moteur de Formule 1 sera fabriqué en Allemagne". À Ingolstadt, le conseil d'administration a la conviction de pouvoir battre Mercedes sur la piste comme en dehors.

On peut voir cette phrase comme une pique amusante ou inutile, c'est selon. En revanche, Audi n'échappera pas à l'ampleur de la tâche à accomplir. Désormais, la marque aux anneaux doit embaucher à tour de bras et réaménager ses installations dédiées à la compétition, à Neubourg, afin qu'elles atteignent les standards requis pour concevoir une unité de puissance hybride.

Pendant ce temps, à Milton Keynes, Christian Horner a confirmé que le tout nouveau département baptisé Red Bull Powertrains avait démarré pour la première fois durant l'été un bloc répondant à la future réglementation 2026. Les ingénieurs ont pris le risque d'aller aussi loin en travaillant sur la R&D avant que la FIA ne fixe des données précises pour certaines spécifications. Mercedes est également sur la même voie et va pouvoir dédier davantage de ressources à ce projet maintenant que son engagement en Formule E est terminé.

Audi a donc déjà du retard. Certes il est possible de regagner du terrain en recrutant des gens dont l'expérience en F1 est énorme, afin de rattraper des années de savoir-faire. Mais le constructeur ne peut pas se contenter de frapper à la porte du conseil d'administration du groupe Volkswagen et de demander un chèque en blanc pour de tels recrutements. Car le plafonnement budgétaire pour les moteurs était une condition préalable à l'engagement d'Audi en Formule 1, afin de rassurer la direction sur la maîtrise des coûts.

À partir de 2026, les motoristes pourront dépenser jusqu'à 130 millions de dollars par an. En tant que nouvel arrivant, Audi se verra accorder un dépassement de 10 millions de dollars au cours des deux premières saisons, puis de cinq millions de dollars lors de la troisième. Sur le papier, cette dérogation peut aider à rattraper le retard mais dans le contexte de la Formule 1, ces dix millions se sont qu'une goutte d'eau dans l'océan pour lutter contre Mercedes, Renault et Ferrari, qui auront alors derrière eux douze années d'expérience de la technologie turbo hybride. Il en faudra beaucoup plus que ça, alors qu'Audi prévoit la mise à niveau du projet de V6 1,6 litre que Porsche avait développé puis mis au placard.

Audi a un plan de marche ambitieux et rapide.

Audi a un plan de marche ambitieux et rapide.

Ce n'est un secret pour personne, Audi va prochainement s'allier à Sauber pour concevoir et construire un châssis, alors que les logos d'Alfa Romeo disparaîtront des monoplaces suisses d'ici la fin de saison 2023. On sait aussi que Sauber opère aujourd'hui bien en dessous du plafond budgétaire en vigueur, ce qui explique la lenteur de certaines évolutions. Audi a donc des dépenses à prévoir pour extraire un maximum de performance le plus rapidement possible. Le patron de la marque aux anneaux, Markus Duesmann, a fixé des objectifs clairs à cet égard : "Idéalement, on devrait être très compétitifs dans les trois premières années".

Audi a donc six ans et demi pour atteindre ce but, et ce n'est pas beaucoup. Quand Renault a fait son retour avec une écurie d'usine en 2016, il y avait un plan sur cinq ans pour gagner des titres. Six saisons plus tard, on ne compte que la victoire d'Esteban Ocon au Grand Prix de Hongrie 2021. Et à partir de 2022, Alpine a fixé un nouveau plan de 100 courses pour parvenir à ses fins.

Chez Audi, les vitrines sont pleines de trophées décrochés en rallye et sur piste. Quand on pense à Audi au 21e siècle, c'est un prototype qui vient à l'esprit. La marque était au sommet de l'Endurance en 2013, avant que Toyota ne prenne le dessus. Dès que la concurrence s'est intensifiée et que Porsche a mis les choses en ordre de marche en 2015, Audi a été distancé, puis a débranché son programme LMP1 fin 2016. Le défi suivant fut la Formule E. Il y a eu un titre pilotes avec Lucas di Grassi en 2016-2017 puis un titre constructeurs acquis de justesse la saison suivante. Puis Audi a glissé au deuxième rang, au sixième, et a fini sur une quatrième place avant de se retirer.

Rien de tout ça signifie qu'Audi ne peut pas être compétitif en Formule 1 en y décrochant des podiums en un temps record, et c'est sa volonté. Mais il faut bien se rendre compte de l'ampleur de la tâche et de la taille des obstacles à surmonter pour y parvenir.

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