Quand Schumacher remportait la première de ses 91 victoires
Le 30 août 1992, un an après ses débuts en Formule 1, Michael Schumacher remportait avec Benetton le Grand Prix de Belgique, la première de ses 91 victoires dans la discipline reine.
Photo de: LAT Images
Il y a 30 ans, jour pour jour, Michael Schumacher s'offrait au terme du Grand Prix de Belgique son tout premier succès en Formule 1, un peu plus d'un an après ses débuts prometteurs dans le Championnat du monde avec Jordan. Cette victoire fut acquise avec l'écurie Benetton, emmenée par un certain Flavio Briatore, qui avait réussi à subtiliser l'espoir allemand à Eddie Jordan après seulement un GP disputé dans le giron de l'Irlandais.
Clap de fin pour Brabham
Damon Hill à bord de la Brabham BT60B sur la grille du GP de Hongrie 1992
Mais retour à Spa en 1992. Le paddock arrive en Belgique avec une certitude : Nigel Mansell est le Champion du monde. Comme cela n'était jamais arrivé auparavant, un pilote était en effet sacré alors qu'il restait encore cinq épreuves au programme. Le couronnement chez les constructeurs de Williams, qui engage cette saison-là une FW14B poussant l'innovation au rang d'art, ne fait pas vraiment de doutes non plus. L'un des rares enjeux est finalement de savoir si, armé de cette monoplace ultra performante mais dont il n'apprécie pas les sensations procurées par la suspension active, Riccardo Patrese va parvenir à accrocher le titre honorifique de vice-champion.
Le paddock arrive également délesté d'une de ses structures historiques : en effet, Brabham, l'équipe fondée par Jack Brabham et Ron Tauranac en 1962, vainqueur de quatre titres mondiaux sous leur commandement (doublé pilotes-constructeurs en 1966 et 1967) auxquels se sont ajoutés deux sacres pilotes avec Nelson Piquet sous la direction de Bernie Ecclestone en 1981 et 1983, n'est plus que l'ombre d'elle-même. L'année 1992 marque sa fin : exsangue financièrement, sous le contrôle de l'entreprise japonaise Middlebridge Group Limited, l'écurie ne parvient à prendre le départ que de trois GP, le dernier en date ayant été celui de Hongrie deux semaines plus tôt avec le jeune Damon Hill. Un destin à mettre en parallèle avec celui d'un autre constructeur emblématique bien que moins victorieux, March, qui quittera définitivement la discipline au terme de la campagne 1992.
Senna au secours de Comas
La scène de l'accident d'Erik Comas
Dès les essais libres du vendredi, le GP de Belgique 1992 est marqué par une image forte : après une sortie de piste ultra violente à Blanchimont, Erik Comas gît inconscient dans sa Ligier, qui a rebondi en plein milieu de la piste après un choc violent contre des barrières. Le Français de 28 ans a été frappé au casque par l'un de ses pneus avant mais son pied est toujours appuyé sur l'accélérateur. Premier pilote à arriver sur les lieux, juste après l'incident, Ayrton Senna passe à faible vitesse à côté de l'épave et arrête sa McLaren quelques dizaines de mètres plus loin.
Alors que d'autres monoplaces déboulent, en ayant tout de même ralenti devant la présence de drapeaux jaunes, le triple Champion du monde court vers l'épave de la F1. Le Brésilien s'est rendu compte que Comas était sonné mais surtout que le V10 Renault hurlait toujours, créant le risque d'un incendie. Immédiatement arrivé près du cockpit, il actionne le coupe-circuit pour éteindre le moteur avant de redresser la tête de son homologue, qui émerge progressivement, pour la maintenir droite dans l'attente des secours. En dépit de la violence de l'incident, Comas pourra retrouver son volant dès le GP suivant, en Italie, estimant que Senna l'a, ce jour-là, sauvé.
Mansell loin devant, Andrea Moda dans les bas-fonds
Roberto Moreno au volant de l'Andrea Moda pour sa dernière sortie officielle
La séance qualificative du vendredi après-midi voit Mansell signer le meilleur temps avec 2"198 d'avance sur son premier poursuivant, Senna. Schumacher est troisième à 2"676 et Patrese quatrième à 3"012. La seconde séance de qualifs du week-end, le lendemain, est en revanche disputée sur une piste humide, ce qui fige donc les positions et les chronos établis la veille ; Mansell y inscrit malgré tout là encore le meilleur temps, avec plus de trois secondes et demie d'avance sur le second. Le Britannique réalise donc sa 10e pole en 12 Grands Prix cette saison-là.
Le samedi à Spa est aussi marqué par l'un des derniers épisodes de la rocambolesque aventure de l'écurie Andrea Moda. Andrea Sassetti, qui dirige la marque de vêtements italienne, a racheté l'équipe Coloni en 1991 pour engager en 1992 des voitures conçues par Simtek en 1990 ; non seulement elles sont obsolètes mais toute la saison transpire le manque de professionnalisme de la part de l'équipe. Sur le plan sportif, elle ne réussira qu'à prendre un seul départ, avec Roberto Moreno, à Monaco.
Dans le paddock du GP de Belgique, où l'un des pilotes, Perry McCarthy a claqué la porte après avoir été envoyé en piste au volant d'une monoplace dont on savait que la colonne de direction était endommagée (lui valant une sortie dans le Raidillon), Andrea Sassetti est arrêté pour une affaire de fraude fiscale et d'usage de faux. S'appuyant sur cette arrestation, la FISA prendra la décision d'exclure l'équipe de la F1 à Monza deux semaines plus tard, en raison de l'atteinte à l'image de la discipline.
Schumacher, la sortie de piste qui change tout
Michael Schumacher (Benetton) entre Mike Häkkinen (Lotus) et Jean Alesi (Ferrari) dans la ligne droite de Kemmel au départ
Le dimanche, place au sport. Quelques ondées ont humidifié le circuit mais, au moment de s'élancer, les pilotes font le choix des pneus slicks. Senna est le plus prompt à l'envol, et s'empare des commandes devant les deux Williams. Schumacher se fait ainsi surprendre par Patrese mais également par la Ferrari de Jean Alesi. Après avoir résisté à la Lotus de Mika Häkkinen dans Kemmel, il parvient ensuite à reprendre le Français. Devant, les conditions plus humides de la fin du tour ne sied guère à la McLaren de Senna, plus en difficulté à la réaccélération, qui voit les deux Williams se jouer de lui à la fin de la deuxième boucle, et Mansell reprendre les commandes.
La pluie va alors se mettre à tomber un peu plus fort : Mansell fait le choix de passer par les stands dès la fin du troisième tour pour chausser des pneus pluie, suivi par Alesi qui le passe même en raison d'un arrêt lent chez Williams. Lors de la boucle suivante, c'est Schumacher qui s'arrête ; l'Allemand ressort devant Mansell, mais ce dernier l'efface vite. Le même sort attendra Patrese qui, s'étant arrêté à la fin du cinquième tour, retrouvera la piste devant son équipier avant d'être avalé juste avant l'Eau Rouge.
Sur un tracé certes de plus en plus humide mais avec des portions largement sèches, Senna fait alors le pari de rester en piste sur les slicks. Le Brésilien perd du temps sur les autres pilotes, emmenés provisoirement par Patrese après qu'une erreur d'Alesi à La Source ait entraîné l'abandon du Français et fait perdre un peu de temps à Mansell. Mais le Champion du monde n'allait pas tarder à retrouver la tête du groupe de chasse composé de son équipier ainsi que de Schumacher et Brundle, ce train fondant sur la McLaren frappée du 1 à raison de trois secondes au tour.
Les Benetton passent Ayrton Senna (McLaren) toujours en pneus slicks
Au 11e passage, le pari de Senna, déjà bien mal embarqué, est définitivement perdu : Mansell le passe à l'Arrêt de bus. Il parviendra à garder Patrese et Schumacher derrière lui un peu plus longtemps, mais le barrage finira par complètement céder au 13e tour et le triple Champion du monde fera le choix de rentrer au 14e passage. Pendant ce temps, Mansell s'est constitué une avance de sept secondes alors que Patrese se retrouve sous la menace des deux Benetton.
La piste séchant progressivement, la question de repasser en pneus slicks se pose alors. C'est alors qu'une erreur et une légère sortie de piste de Schumacher à Malmedy (qui va permettre à Brundle, alors le plus rapide en piste, de le passer) va précipiter sa décision et le sort de la course : il est le premier des leaders à rentrer au stand pour changer de gommes, à la fin du 30e tour. En ressortant, il devient rapidement le pilote le plus rapide en piste et fait l'undercut sur Brundle, qui s'est arrêté un tour plus tard. Chez Williams, on tergiverse un peu : Patrese puis Mansell sont finalement arrêtés à la fin des 32e et 33e tours.
Trop tard : Schumacher est passé en tête, et il compte alors six secondes d'avance sur Mansell. Le Britannique se lance immédiatement à l'attaque pour aller chercher la Benetton et enchaîne les meilleurs tours pendant que l'Allemand peine à se défaire du trafic. Mais la chasse ne va pas durer bien longtemps : bientôt, au 39e des 44 passages prévus, Mansell est victime d'un problème d'allumage. Il perd de la puissance et doit ralentir grandement le rythme. Schumacher continue sa marche en avant en profitant d'une piste qui s'améliore mais la course est gagnée : il franchira la ligne d'arrivée en tête pour la première fois de sa carrière en F1, avec 36 secondes d'avance sur Mansell et 43 sur Patrese. Williams décroche ainsi le titre constructeurs.
Ce premier succès allait être suivi de 90 autres en F1 pour Michael Schumacher, s'étalant sur une période allant jusqu'en 2006, soit 15 saisons consécutives avec au moins une victoire, le tout assorti de sept titres et 68 pole positions. Un record d'années consécutives que seul Lewis Hamilton est parvenu à approcher et à égaler, le Britannique étant toujours en lice pour le battre s'il parvient à gagner une course d'ici la fin de saison 2022.
Podium : le vainqueur Michael Schumacher, Benetton
Photo de: Ercole Colombo
Grand Prix de Belgique 1992
Pos | Pilote | Voiture/Moteur | Tours | Écart/Cause |
---|---|---|---|---|
1 | Michael Schumacher | Benetton/Ford | 44 | 1h36'44"570 |
2 | Nigel Mansell | Williams/Renault | 44 | +36"595 |
3 | Riccardo Patrese | Williams/Renault | 44 | +43"897 |
4 | Martin Brundle | Benetton/Ford | 44 | +46"059 |
5 | Ayrton Senna | McLaren/Honda | 44 | +1'08"369 |
6 | Mika Häkkinen | Lotus/Ford | 44 | +1'10"030 |
7 | JJ Lehto | Dallara/Ferrari | 44 | +1'38"237 |
8 | Andrea De Cesaris | Tyrrell/Ilmor | 43 | +1 tour |
9 | Aguri Suzuki | Footwork/Mugen Honda | 43 | +1 tour |
10 | Eric van de Poele | Fondmetal/Ford | 43 | +1 tour |
11 | Karl Wendlinger | March/Ilmor | 43 | +1 tour |
12 | Emanuele Naspetti | March/Ilmor | 43 | +1 tour |
13 | Johnny Herbert | Lotus/Ford | 42 | Moteur |
14 | Mauricio Gugelmin | Jordan/Yamaha | 42 | +2 tours |
15 | Stefano Modena | Jordan/Yamaha | 42 | +2 tours |
16 | Gianni Morbidelli | Minardi/Lamborghini | 42 | +2 tours |
17 | Ukyo Katayama | Venturi/Lamborghini | 42 | +2 tours |
18 | Bertrand Gachot | Venturi/Lamborghini | 40 | Tête-à-queue |
Ab | Thierry Boutsen | Ligier/Renault | 27 | Accident |
Ab | Ivan Capelli | Ferrari | 25 | Moteur |
Ab | Gabriele Tarquini | Fondmetal/Ford | 25 | Moteur |
Ab | Michele Alboreto | Footwork/Mugen Honda | 20 | Boîte de vitesses |
Ab | Jean Alesi | Ferrari | 7 | Tête-à-queue |
Ab | Olivier Grouillard | Tyrrell/Ilmor | 1 | Tête-à-queue |
Ab | Pierluigi Martini | Dallara/Ferrari | 0 | Tête-à-queue |
Ab | Gerhard Berger | McLaren/Honda | 0 | Transmission |
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