Analyse

FIA : ce que les pilotes veulent changer pour plus de cohérence

Cela fait des années que la question de la cohérence des sanctions pour les infractions au code de la route F1 est un casse-tête pour les arbitres du championnat, et elle a pris une nouvelle dimension cette saison.

Sebastian Vettel, Aston Martin, avec Mohammed bin Sulayem, président, FIA

Photo de: Mark Sutton / Motorsport Images

Durant son mandat de directeur de course FIA, Michael Masi a parfois eu une approche différente de celle de son prédécesseur, Charlie Whiting. De même, les nouveaux directeurs de course de la F1, Niels Wittich et Eduardo Freitas, ont interprété le règlement à leur manière, ce qui n'a pas toujours correspondu à ce que les pilotes et les équipes comprenaient auparavant.

L'on a ressenti beaucoup de frustration chez les pilotes cette saison, plusieurs étant d'accord pour dire que Masi faisait du bon travail avant d'être mis à la porte à la suite de la controverse d'Abu Dhabi. Wittich et Freitas assument tour à tour le rôle principal ou celui d'adjoint et travaillent en équipe, bien que le WEC oblige Freitas à ne pas être présent à toutes les courses.

Inévitablement, la cohérence de leurs décisions a été remise en question, non seulement par rapport aux années précédentes mais aussi par rapport à eux deux. Cette frustration a été silencieuse pendant un certain temps mais au GP d'Autriche, Max Verstappen a décidé d'exprimer son point de vue en public : "Je ne pense pas nécessairement que cela soit lié au fait d'avoir un seul directeur de course. Je pense qu'il s'agit surtout de travailler davantage avec les pilotes au lieu de camper sur ses positions et d'être bornés."

"Nous voulons rendre la situation meilleure pour tout le monde, ce n'est pas comme si nous nous battions pour notre propre compte. Nous avons de bonnes discussions entre nous, les pilotes, et au bout du compte nous sommes d'accord sur la plupart des sujets. Bien entendu, chacun a sa propre opinion sur certaines choses."

Max Verstappen, Red Bull Racing

Max Verstappen, Red Bull Racing

Au GP de France et à la demande du GPDA, l'association des pilotes, Freitas et Wittich sont revenus sur de récents incidents lors du briefing des pilotes. À l'aide de vidéos et d'angles de caméra différents, il a été demandé aux participants si une pénalité aurait dû être distribuée par les commissaires ou non.

Parmi les incidents examinés, l'on retrouvait le contact entre George Russell et Sergio Pérez et celui entre Alexander Albon et Sebastian Vettel au GP d'Autriche. Le premier avait été pénalisé mais pas le second, ce qui en faisait des cas intéressants.

La plupart était d'accord pour dire que Russell était en tort et beaucoup ont choisi la pénalité pour l'incident Albon/Vettel, bien que certains ont mis de l'eau dans leur vin en soulignant le fait que les officiels de la FIA n'avaient pas un travail facile.

Le sérieux de cette réunion a été quelque peu atténué lorsque l'attention s'est portée sur l'incident de Fernando Alonso au GP du Canada, le pilote Alpine ayant été pénalisé pour avoir changé de trajectoire plus d'une fois devant Valtteri Bottas. Une sanction injuste selon Alonso, qui a eu la chance de se défendre avec un revisionnage de la scène sous plusieurs angles. Apparemment, les zigzags d'Alonso étaient si peu subtils que la salle s'est mise à rire. Seuls l'Espagnol et son coéquipier Esteban Ocon étaient contre la pénalité...

Comme c'est généralement le cas lors du briefing des pilotes, les quatre commissaires se chargeant de distribuer les pénalités étaient également présents. Aucun d'entre eux ne l'était pour le GP d'Autriche, bien que le président Gerd Ennser ait été de service pour le cas Alonso au Canada.

Bernd Maylander, pilote du Safety Car, et le directeur de course Eduardo Freitas.

Bernd Maylander, pilote du Safety Car, et le directeur de course Eduardo Freitas.

Ce n'est pas la première fois que des incidents du passé sont examinés en détail lors d'un briefing, cela arrivait souvent sous Whiting et Masi, mais c'était une première cette saison. Il est également intéressant de noter que Wittich et Freitas ont été tenus à l'écart des journalistes par la FIA, une réponse directe à Abu Dhabi 2021, afin d'éviter de leur donner la même image que Masi.

Cela signifie également que les pilotes et les équipes ne reçoivent plus d'informations supplémentaires de la FIA sur les incidents via les médias dans les jours qui suivent chaque Grand Prix.

Dans l'environnement actuel, assez tendu, la coopération des directeurs de course en France a été appréciée par les pilotes. "Je pense que nous voulons tous nous asseoir ensemble, regarder ces incidents ensemble, avoir le point de vue des pilotes, essayer de comprendre la manière de penser des commissaires, pour que nous puissions tous être sur la même longueur d'onde", a expliqué George Russell, pilote Mercedes et président du GPDA.

"En fin de compte, c'est ce que nous voulons tous. Nous voulons tous cette cohérence, mais nous devons comprendre le processus de réflexion pour ces incidents et ils doivent comprendre ce que nous ressentons aussi. Je pense que ça a été constructif et nous avons probablement besoin de le faire davantage."

Russell était impliqué dans l'une des études de cas choisies, il avait donc des intérêts directs dans ce qui a été débattu. "Ils ont suivi le règlement à la lettre", a-t-il indiqué au sujet de sa pénalité au GP d'Autriche. "J'étais en tort mais il faut parfois regarder au cas par cas."

"S'il y a une voiture à l'extérieur qui a la bonne trajectoire, qui est dans de l'air propre et qui tourne, et que le pilote à l'intérieur n'a nulle part où aller, même s'il est devant, ils vont entrer en contact. C'est comme un tacle au football, on ne peut pas dire 'c'est comme ça qu'il faut tacler, ce n'est comme ça que l'on tacle'. C'est légèrement différent pour tout le monde. Et l'on doit donner ce sens à la course."

Albon, qui a échappé à la pénalité en Autriche mais qui s'est tout de même excusé auprès de Vettel pour l'avoir sorti de la piste, a aussi pris la parole lors de la réunion. "Je n'ai pas dit que j'étais en tort", a-t-il nuancé. "J'ai expliqué les raisons, ce que les commissaires ont dit, parce que je pense que personne dans la salle n'a compris pourquoi je n'ai pas eu de pénalité et pourquoi George en a eu une. J'ai donc expliqué le raisonnement, pourquoi les commissaires ont dit ça."

Albon a également estimé que l'utilisation de la vidéo était utile au moment de juger d'un incident : "Je pense tout d'abord que ça montre que ce n'est pas si facile pour [les commissaires]. Nous savons que ce n'est pas un travail facile pour la FIA mais il s'agit plutôt pour nous de comprendre pourquoi, par exemple, George a reçu une pénalité et pas moi, et de pouvoir apprendre comment les commissaires font leur travail pour que nous pilotes puissions aussi savoir comment se battre [en piste]. Il s'agissait surtout de ça."

La discussion entre les pilotes et la FIA a été constructive.

La discussion entre les pilotes et la FIA a été constructive.

Alonso, qui n'a jamais hésité à critiquer les commissaires après avoir reçu une pénalité, a également apprécié l'opportunité offerte par le débat. "Je pense que c'est pour améliorer les choses en nous montrant certains incidents et [en nous expliquant] pourquoi ils donnent des pénalités et pourquoi ils n'en donnent pas. Je pense que c'est pour le bien de tous d'essayer de mieux comprendre leur approche", a-t-il affirmé.

"Il faudra voir pour les prochaines courses parce que ça peut avoir un double effet. Quand on regarde une vidéo et que ça devait être pénalisé, alors nous aurons peut-être à l'esprit qu'il s'est passé exactement la même chose [en course] et pourquoi ils n'ont pas donné de pénalité. Nous pourrions donc avoir une série de vidéos à analyser, ce qui pourrait être intéressant. Au moins, il y a une approche de la FIA qui montre qu'ils veulent améliorer les choses, faire tout ce qui est possible et sortir des sentiers battus, parce que nous n'avons jamais fait ça dans le passé. Je suis assez content de ça."

La discussion au Paul Ricard a aussi porté sur d'autres sujets épineux. Sebastian Vettel, qui a écopé d'une amende de 25 000 euros avec sursis pour avoir quitté le briefing du GP d'Autriche avant son terme, a tenu à parler des vibreurs de type "saucisse", particulièrement dangereux lorsqu'ils sont escaladés à haute vitesse.

Ce n'était pas la première fois que l'Allemand soulignait que plusieurs pilotes des catégories juniors s'étaient blessés au dos après avoir décollé sur des vibreurs similaires, et il a estimé qu'il n'y avait pas de nécessité de les installer sur le Circuit Paul Ricard. Mais la FIA a justifié leur présence en évoquant la manche de Porsche Supercup, en support de la F1.

Freitas a néanmoins réfléchi à la demande de Vettel dans la nuit et le lendemain, le Portugais a confirmé dans une mise à jour de ses notes que les vibreurs avaient été retirés des virages concernés. "Au moins, elles ont été enlevées", s'est réjoui Vettel après le Grand Prix. "C'est simplement un risque inutile. Nous avons vu tellement d'incidents dans le passé avec ces saucisses donc je pense qu'elles ne devraient jamais revenir."

Vettel a reconnu que le briefing du Var avait été utile : "Nous voulons simplement nous parler, nous voulons ouvrir un dialogue et je pense que nous pouvons nous améliorer. C'est toujours utile. Ce n'est pas comme si nous faisions les règles, c'est juste pour nous permettre de comprendre ce que nous sommes autorisés à faire et ce que nous ne sommes pas autorisés à faire. Je pense que c'est toujours bon de discuter."

Les pilotes rejoignent la grille de départ au GP de France.

Les pilotes rejoignent la grille de départ au GP de France.

Il ne faut pas oublier que les pénalités sont distribuées par le groupe de quatre commissaires et non par la direction de course. Pour Russell, il aurait été utile d'avoir au Paul Ricard au moins l'un des commissaires qui l'avaient pénalisé en Autriche pour offrir un point de vue interne.

"On a les commissaires du week-end en cours", expliquait le pilote Mercedes en France. "Mais je pense que c'est là que nous avons besoin d'un peu plus de cohérence, probablement en ayant au moins l'un des commissaires du GP précédent qui se rend au suivant pour donner des explications. Nous avons reçu des explications de la part du directeur de course. C'est un travail en cours, c'est sûr."

Le fait que les commissaires changent d'une course à l'autre est un sujet régulièrement soulevé par les pilotes. Lorsqu'ils sont convoqués pour une infraction présumée, ils ne savent jamais à qui ils vont avoir affaire. Il est intriguant de se dire que sur les 12 Grands Prix déjà disputés cette saison, un grand total de 27 hommes et femmes ont occupé le poste de commissaire.

Parmi eux, on compte quatre présidents permanents (Ennser a participé à quatre courses cette année, Garry Connelly à quatre, Nish Shetty à trois et Tim Mayer à une), et six commissaires pilotes différents, le poste alternant entre Enrique Bernoldi, Danny Sullivan, Emanuele Pirro, Mika Salo, Derek Warwick et Tonio Liuzzi.

Dans un souci de cohérence, les présidents permanents partagent et passent en revue massivement les informations entre les Grands Prix, leurs notes étant transmises aux autres également. Cependant, il est inévitable que 27 personnes n'aient pas toujours la même réponse à un incident.

Par le passé officiait un président unique et permanent, mais les équipes ont rejeté cette manière de faire. Selon elles, une personne pouvait avoir des partis pris. Néanmoins, il est peut-être temps de réduire la taille du groupe des commissaires.

"Je pense que nous serions tous gagnants à avoir les mêmes commissaires course par course", a déclaré Russell. "Et c'est même clair pour les spectateurs ou les personnes dans le paddock que si un incident a lieu, tout le monde n'a pas toujours la même opinion. Si c'est toujours le point de vue d'une seule personne à chaque fois, on apprendra au moins au fil du temps le processus de réflexion dans ces décisions, et ça rendra la vie de tout le monde un peu plus facile."

Il convient également de rappeler qu'il y a une dizaine d'années, la FIA a organisé ce qui est décrit comme une réunion "extrêmement productive" d'une journée à Genève, loin de la pression du circuit, au cours de laquelle les commissaires et quelques pilotes et membres d'équipe ont échangé leurs points de vue. Il est peut-être temps d'en organiser une autre.

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