Interview

Pourquoi Hamilton refuse de vivre dans le passé après l'émotion de 2021

Dix mois après les événements du Grand Prix d'Abu Dhabi, Lewis Hamilton est parvenu à s'en relever. S'il risque de vivre sa première année sans victoire, le pilote Mercedes maintient toute sa motivation quant à une carrière dans l'élite qui pourrait durer encore longtemps.

Lewis Hamilton, Mercedes AMG

En janvier prochain, Lewis Hamilton fêtera ses 38 ans. Combien de temps encore le septuple Champion du monde va-t-il écumer les grilles de départ en Formule 1 ? À l'heure où nous écrivons ces lignes, il reste sur 20 Grands Prix consécutifs sans victoire, du jamais-vu dans sa carrière. On pourrait imaginer que face à l'échec, après une si longue carrière, une sorte de lassitude s'empare de lui – d'autant qu'en parallèle, il a de nouveaux projets, ayant lancé plusieurs initiatives visant à favoriser la présence des minorités en sport auto.

Pourtant, Hamilton est sous contrat avec Mercedes jusqu'à fin 2023, et il a la ferme intention de poursuivre l'aventure en F1 au-delà, toujours avec la marque à l'étoile. "Nous allons trouver un nouvel accord", assure le Britannique. "Nous allons nous réunir et en discuter dans les deux prochains mois, je dirais. Mon objectif est de continuer avec Mercedes."

"Je suis chez Mercedes depuis mes 13 ans. Et Mercedes-Benz est vraiment ma famille. Ils m'ont soutenu contre vents et marées. Ils m'ont soutenu quand j'ai été renvoyé de l'école [un élève avait été roué de coups par plusieurs autres et Hamilton avait été accusé à tort, ndlr]. Ils m'ont soutenu face à tout ce qui s'est passé en 2020 [la pandémie de COVID-19 et les rumeurs sur l'avenir de Hamilton, dont la prolongation avec Mercedes n'a été annoncée qu'en février 2021, ndlr]. Ils m'ont soutenu quand j'ai commis des erreurs, et face aux conneries publiées par la presse. Ils m'ont soutenu au fil des hauts et des bas."

L'émotion d'Abu Dhabi

Des hauts et des bas, il y en a eu énormément lors des deux dernières années, du record de victoires de Michael Schumacher battu jusqu'aux difficultés de 2022, en passant par le duel à couteaux tirés avec Max Verstappen l'an passé. Ce dernier a culminé en ce final polémique à Abu Dhabi, où la direction de course a dérogé à deux éléments du Règlement Sportif, faisant basculer le titre en faveur de Verstappen. Si Hamilton a félicité son adversaire pour son sacre, la pilule était difficile à avaler.

"On croirait que ça fait des années", souffle Hamilton. "C'était certainement déchirant, dévastateur, peu importe comment on veut le dire. Y a-t-il véritablement eu un moment où j'ai pensé ne pas revenir ? Je ne suis pas du genre à abandonner ainsi."

"Ce qui était vraiment désolant, c'est le simple fait de croire que la F1 puisse faire quelque chose de tel, que cela puisse se produire dans ce sport, compte tenu de tous les gens dont on dépend : on s'attend à ce que le travail soit fait comme il faut. Et là, le dénouement d'un Championnat du monde – pour lequel tant de gens ont travaillé si dur – change à cause d'une mauvaise décision de quelqu'un, vous voyez ?"

La voiture de sécurité, Lewis Hamilton, Mercedes W12, Lando Norris, McLaren MCL35M, Fernando Alonso, Alpine A521, et le reste des monoplaces

Lewis Hamilton derrière la voiture de sécurité à la fin du Grand Prix d'Abu Dhabi, avant que le championnat ne bascule

"Mais j'ai passé du temps avec ma famille et c'est vraiment ce que j'ai préféré quand j'étais en train de m'en remettre. J'ai consacré tout mon temps aux enfants, à faire des bonhommes de neige et à être simplement présent avec eux. Cela m'a permis de vraiment m'en remettre, de vraiment rebondir. Si je n'avais pas été avec eux, j'aurais été dans de beaux draps."

Hamilton a déjà connu un titre perdu sur le fil, alors qu'il était bien parti pour le remporter : c'était lors de sa première saison, en 2007, où Kimi Räikkönen avait remonté en deux courses un écart de 17 points – quand deux victoires en valaient 20 – pour lui damer le pion à une unité près. Cette expérience a permis au pilote Mercedes de mieux gérer ses émotions l'an dernier.

"J'ai tourné la page", assure-t-il. "Je refuse de vivre dans le passé. J'ai déjà connu ça en 2007 et, étant jeune, ça m'a vraiment empêché de dormir, c'était simplement négatif. Quand on s'accroche à la négativité, à la haine ou quoi que ce soit, on ne peut pas avancer. Moi, je vais de l'avant, peu importe ce qui est arrivé par le passé. J'ai choisi de ne pas m'appesantir là-dessus. Je ne pouvais rien y faire. J'ai tout donné, j'ai vraiment tout donné et j'ai fait des sacrifices. Mais je recommencerai volontiers. C'est dans cette optique que je travaille."

Avec le plafond budgétaire, l'histoire se répète-t-elle ?

Or, les décisions de la direction de course à Abu Dhabi ne sont pas le seul élément à remettre en question le dénouement de la saison 2021. L'on a appris il y a quelques semaines que Red Bull était la seule écurie à avoir dépassé le plafond budgétaire l'an passé.

"Quand j'ai entendu parler de cette histoire de budget, c'est sûr que quelques émotions ont émergé", admet Hamilton. "Parce que je les ai plus ou moins enterrées, et ça les a ravivées. Alors recommence la phase où on les refoule et où on va de l'avant."

Le deuxième Lewis Hamilton, Mercedes AMG, et le vainqueur Max Verstappen, Red Bull Racing, se félicitent dans le parc fermé

Lewis Hamilton et Max Verstappen se sont battus pour la victoire à Austin, alors que le non-respect du plafond budgétaire par Red Bull soulève le débat dans le paddock

L'Anglais serait-il favorable à ce que Red Bull et Verstappen reçoivent une pénalité qui changerait l'issue du championnat 2021 en sa faveur ? "Non, parce que le mal est fait", répond-il. "J'ai ma propre opinion de ce que nous avons accompli en équipe, de la manière dont nous l'avons fait et de ce que nous avons véritablement accompli, et je peux la garder pour moi. Nous avons tout donné, nous l'avons fait de la bonne manière, et j'en suis fier."

Le défi du marsouinage

Après le duel de titans auquel nous avons eu droit en 2021, l'idée d'une revanche opposant Hamilton à Verstappen avait de quoi mettre l'eau à la bouche. Tout aussi impressionnante que la Mercedes W13 soit visuellement, il s'est avéré qu'elle avait un défaut de conception fondamental, qui a provoqué un marsouinage chronique et un manque de vitesse de pointe. Les performances en berne (bien que tout soit relatif) ont été difficiles à accepter pour l'écurie alors octuple Championne du monde en titre.

"Nous nous sommes réunis en février et étions tous optimistes", relate Hamilton. "Ils nous disaient tous que nous allions avoir une voiture super rapide, et je suis sûr que tous ceux qui s'en occupaient étaient excités après tout le travail réalisé pendant l'hiver. C'est une période éreintante pour toute l'équipe, c'est le moment critique où ils font des heures de fou. Dans la vie normale, on s'attend à ce que cette période soit plus détendue pour les gens."

"Mais là, se rendre compte que la foutue voiture ne marche pas et qu'on a du marsouinage, c'était dur pour tout le monde. Tout le monde avait vraiment du mal avec ça, je pense. Nous avons tous géré ça, chacun à sa manière. Et ça peut paraître surprenant, mais je pense que la puissance de ce moment nous a vraiment tous transformés. Nous sommes devenus une équipe plus forte, plus soudée."

Lewis Hamilton, Mercedes W13

Le marsouinage a causé des maux de tête à Mercedes, surtout en début de saison

Mais cela a pris du temps. "Je pense que la phase initiale, au début, ne paraissait pas trop difficile. Mais ça a commencé à être usant, parce que nous avions l'espoir de rebondir et ça n'a pas été le cas pendant un moment. Puis, tout d'un coup, il a commencé à y avoir ces courses où nous avons fini deuxième, mais la suivante non. La voiture est bonne un week-end, puis il y en a un, deux, trois, quatre où elle ne l'est pas, et ensuite elle remonte à la surface. Et on ne sait pas. On fait tout le travail dans le simulateur, et le simulateur dit quelque chose de différent de ce qu'on a en piste. Toutes les émotions ont été déroutantes cette année."

"On se dit que la voiture devrait être assez bonne ce week-end, ou bien les ingénieurs annoncent une évolution qui vaut trois dixièmes, mais quand on arrive là-bas, elle est un dixième plus lente. Et on se dit 'oh, zut'. Je crois avoir appris à ne pas m'emballer."

De nombreux parallèles ont été dressés avec la saison 2009, également théâtre d'une révolution technique, où McLaren avait mal négocié le virage réglementaire et avait passé la première moitié de saison dans le bas du classement, avant que Hamilton ne remporte deux victoires.

"Ce n'est pas comme si je n'avais jamais connu une saison comme ça", souligne l'intéressé. "Je dirais plutôt que j'ai mieux géré ça que les autres fois – au sein de l'équipe, dans ma communication, dans la manière dont j'encourage les gens. Je pense être un meilleur équipier vis-à-vis de mes collègues que jamais auparavant. Et je pense avoir un équilibre encore meilleur qu'auparavant dans ma vie extérieure."

Vers l'avenir

Désormais, Hamilton est tourné vers l'avenir. Et bien qu'il soit très occupé en dehors du paddock avec la Commission Hamilton et ses initiatives Ignite et Mission 44, s'il y a quelque chose qu'il n'envisage pas, c'est de tourner le dos au pilotage prochainement.

"À la fin de l'année, j'essaie d'analyser mon année et mon plan pour les trois à cinq suivantes. C'est difficile de faire dix. Mais où est-ce que je me vois ? Quelles sont les choses que je veux faire ? Quels sont mes objectifs ? Et des choses s'ajoutent à la liste. J'ajoute beaucoup de choses côté business. J'en ai beaucoup sur le feu."

"J'ai beaucoup de choses réussies et vraiment positives qui ont de grandes chances de succès à l'extérieur. Mais je veux continuer la course. J'adore ce que je fais. Ça fait 30 ans que je le fais, et je ne pense pas devoir arrêter. Je pense être encore en train de prouver que je mérite d'être là, je dirais. Je veux encore faire mieux. Et je prévois de rester plus longtemps."

Lewis Hamilton, Mercedes W13

Avec Jonathan Noble

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