Montoya et la méthode Marko : "Il veut que tu sois un homme"
Treizième du Championnat d'Europe de Formule Régionale en 2022, Sebastián Montoya a rejoint le Red Bull Junior Team pour sa saison 2023 en FIA F3. C'est l'occasion pour son père Juan Pablo de se remémorer avec Motorsport.com sa propre année sous les ordres du conseiller sportif de la marque au taureau, Helmut Marko…
Votre fils Sebastián vient de rejoindre le Red Bull Junior Team. Ce n'est pas la première fois que Helmut Marko fait signer un Montoya. Vous avez roulé pour son écurie en F3000 en 1997. Quels sont vos souvenirs de cette année-là et de votre collaboration avec Helmut ?
C'était bien. C'était dur à l'époque, mais avec le recul, il a fait de moi un meilleur pilote. Il a toujours dit que j'avais beaucoup de problèmes, il a toujours dit que j'étais fou, et tout ça. Mais il m'a poussé à toujours être une meilleure personne. Je pense que Helmut a toujours de bonnes intentions. C'est dur, car de nos jours, il y a beaucoup de gamins à qui il faut parler gentiment. Helmut est plutôt comme moi, il est plutôt à l'ancienne…
Je suis enthousiasmé. Je pense que Sebas a une excellente opportunité ici : apprendre beaucoup de choses à leurs côtés. Le programme d'entraînement est très bon, ils ont tout. Pour moi, en tant que père, c'est vraiment enthousiasmant. Et en tant que pilote, je dois reconnaître que je suis un petit peu envieux.
À l'époque, Helmut était-il aussi sévère que maintenant ?
Il paraît qu'il est plus sympa maintenant qu'avant ! (rires) Franchement, la meilleure anecdote avec Helmut… Il m'a invité chez lui pour le déjeuner, et je ne mangeais pas de légumes. J'en mange maintenant, mais à l'époque, je n'en mangeais pas du tout. Et il m'a donné une salade à manger. Et il m'a laissé chez lui, alors j'ai dû rentrer au bureau en courant ! J'ai dû courir pendant une heure pour rentrer au bureau ! Mais c'était sa manière de me pousser à être meilleur. Sur le coup, j'étais énervé contre lui, mais avec le recul, ma vie à Graz [en Autriche] était une bonne expérience pour moi. J'ai dû me battre pour ça, c'était une leçon d'humilité. Je n'avais quasiment pas d'argent. Et il était bon envers moi. Je ne peux rien dire d'autre.
Juan Pablo Montoya (RSM Marko)
Il était énervé et l'est encore à ce jour car il croit que j'ai renoncé au titre [de F3000] exprès au Mugello. Et ce n'est pas le cas. C'est juste que nous avions les mauvais rapports de boîte. Chaque fois que j'atteignais le plus haut rapport, la voiture avait des ratés car il était trop long. À chaque fois, j'étais sur une super lancée – je me souviens que c'était Jason Watt devant moi – et je me disais : "Je vais le doubler, je vais le doubler". Mais il prenait le large. C'était extrêmement frustrant, toute la course a été comme ça. Et même aujourd'hui, il pense que j'ai renoncé au titre car j'allais chez Super Nova [pour 1998]. C'est marrant, car l'histoire avec Super Nova est arrivée bien plus tard.
Le titre vous a échappé face à Ricardo Zonta, qui a gagné l'avant-dernière course au Mugello alors que vous avez fini troisième derrière Jason Watt.
Exactement. Et quand j'ai gagné [la dernière course] à Jerez, c'était fou car Frank [Williams] m'a invité à venir voir la course [de F1] et m'a proposé le test à Barcelone. Et quand ils m'ont choisi [pour être essayeur], il m'a proposé le volant chez Super Nova. C'était donc un mois après le Mugello, voire deux, car le test était début décembre. C'est là que j'ai piloté une Formule 1 pour la première fois.
C'était assez fou, car la plupart des équipes souhaitent bien te traiter, voire te chouchouter, mais Helmut veut que tu sois un homme. Helmut est de l'avis que si tu as envie de quelque chose, tu dois te battre pour l'avoir. Et pour nous, c'est super qu'il ait donné à Sebastián cette opportunité sur la base de ce qu'il a fait l'an dernier. Maintenant, c'est entre ses mains. Nous lui disons : "On est là pour toi et on t'aidera autant qu'on peut, mais en fin de compte, tu sais comment ça marche chez Red Bull, il faut que tu aies les résultats." C'est tout.
Sebastián Montoya devant l'ORECA partagée avec son père Juan Pablo chez DragonSpeed
Comment est venu l'accord de Sebastián avec le Red Bull Junior Team ? C'est Helmut qui vous a appelé, et pas l'inverse.
Exactement. Parce que Sebastian était déjà un athlète [Red Bull]. Mais vu le travail qu'il a fait en F3 [Montoya a participé au meeting de Zandvoort et a fini huitième des deux courses, ndlr], les chaînes de télévision m'appelaient. Helmut nous a appelés et a dit qu'il y avait cette possibilité. Nous avons répondu : "Parfait !"
Sebastian va courir pour Hitech en F3, une écurie capable de gagner des courses si l'on se fie aux années précédentes. Quels sont les objectifs et les attentes pour cette saison ?
C'est dur à dire, franchement. Que voulons-nous faire ? Notre objectif est de gagner. Il faut que nous gagnions des courses, que nous répondions présent chaque semaine, que nous marquions les points quand c'est nécessaire et que nous jouions la victoire quand c'est possible. Ce sera toujours l'objectif. Et c'est enthousiasmant. J'apprécie vraiment l'équipe, c'est une très bonne écurie. Certes, être chez Prema est génial, c'est un excellent team, ils font du super travail et ils gagnent beaucoup. Nous avons commencé avec eux, et c'est la seule équipe qu'ait connue Seb jusqu'à présent. Mais je ne vois pas le changement d'ambiance comme une si mauvaise chose, car la manière dont ils travaillent est différente, et je pense qu'elle convient davantage à ce que je veux pour Sebastian.
Qu'aimez-vous en particulier dans la manière dont Hitech GP travaille ?
C'est juste une mentalité différente. L'approche Prema… Bien sûr, elle fonctionne, car ils gagnent beaucoup et ils font le travail, mais je pense que travailler avec une écurie anglaise est un peu différente. Être chez Red Bull et Hitech, je pense que ça va bien ensemble, car Hitech se trouve à Silverstone et Red Bull à Milton Keynes, alors c'est vraiment proche [environ 35 km par la route, ndlr]. Les deux équipes veulent qu'il passe du temps là-bas, alors ça colle.
Les Montoya père et fils sont montés sur le podium aux côtés de leur équipier Henrik Hedman en IMSA
Sebastian a-t-il plus de pression maintenant qu'il va évoluer en week-end de Grand Prix ?
Pas vraiment. C'est ce qui m'étonne chez lui : rien ne le décontenance. Je me rappelle quand nous faisions du karting et que nous avons commencé à faire le Championnat du monde, le Championnat d'Europe et toutes ces épreuves-là. Nous faisions huit ou dix courses par an quand tout le monde en faisait 20. Quand tout le monde faisait 18 journées d'essais, nous en faisions cinq. Et malgré cela, nous étions compétitifs. Quand nous étions en finale du Championnat du monde, il était si détaché, calme et serein. Je me disais : "Je suis en train de me faire dessus, et lui, c'est le mec le plus calme au monde. Comme s'il ne se passait rien et que tout allait bien". Ça me fait bizarre. C'est cool de voir ça.
Pour moi, c'est vraiment enthousiasmant. Il faut être là dans les bons et les mauvais moments. Il est encore en train d'apprendre et de faire des erreurs. Il en fait beaucoup. Et ce que je lui dis sans cesse, c'est : "Oui, ça fait chier que tu fasses des erreurs, mais l'essentiel avec les erreurs est d'en tirer des leçons et de s'assurer de ne pas refaire la même chose encore et encore". Et il le fait vraiment. Il comprend vraiment ce qu'il doit faire. On lui dit "Il faut que tu fasses ça", et il le fait. Je pense que c'est un grand atout.
Avec Helmut Marko, il y a toujours de la pression…
Avec Helmut, et avec tout le monde… Je pense que c'est une bonne expérience d'apprentissage. J'espère que ça fonctionnera pour Seb, j'espère qu'il fera le job, qu'il réussira et aura une opportunité avec Red Bull. En fin de compte, c'est une grande étape d'apprentissage pour lui, et il va en tirer le meilleur. En fin de compte, si l'on a les opportunités, il faut les utiliser comme il faut. Nous sommes là pour soutenir Seb autant que possible, être là pour lui et faire de lui le meilleur pilote possible. Puis tout dépend de lui, le pilote.
Vous faites moins de courses ces dernières années, davantage de coaching.
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