Que se passe-t-il pour Mercedes depuis Barcelone ?
La douleur de Lewis Hamilton lorsqu'il est sorti de sa Mercedes à Bakou était bien loin de la joie ressentie après le Grand Prix d'Espagne.
Il y a seulement trois courses, un ensemble de changements introduits pour le Grand Prix de Barcelone semblait avoir transformé le rythme de la W13. La Mercedes avait affiché sa meilleure forme de la saison et la remontée de Lewis Hamilton pour finir cinquième faisait dire à Toto Wolff, le patron de l'équipe, qu'il avait la voiture la plus rapide ce jour-là.
Mais tous les espoirs de voir les progrès de Barcelone marquer un tournant dans la tentative de Mercedes de dompter sa monoplace 2022 ont été rapidement anéantis. Monaco et Bakou se sont avérés incroyablement difficiles pour les pilotes, avec le marsouinage excessif toujours présent et qui leur a nui en termes de compétitivité, et de souffrance au sens propre que Hamilton a endurée en Azerbaïdjan.
Alors, Barcelone était-il un faux espoir pour Mercedes avec des circonstances qui ont favorisé sa voiture ? Ou bien les deux dernières courses n'ont-elles tout simplement pas été à la hauteur de ce que l'équipe sait faire ?
La réponse tient en fait un peu des deux.
Lewis Hamilton se tenant le dos à la sortie du cockpit de la W13
Compromis d'ingénierie
La problématique de Mercedes cette année a consisté à faire rouler sa voiture avec des réglages de hauteur de caisse et de suspension qui la rapprochent le plus possible du sol, mais sans déclencher le marsouinage et le rebondissement qui gênent les pilotes et nuisent à sa performance.
Si vous faites rouler la voiture à une hauteur assez élevée et avec des suspensions assez souples pour atténuer le rebond, elle n'est pas assez rapide, mais si vous la faites rouler à une hauteur trop basse et avec des suspensions trop rigides, le marsouinage est là pour de bon.
Comme l'a expliqué le responsable de l'ingénierie de piste Andrew Shovlin, la confrontation entre ces deux exigences contradictoires est un casse-tête perpétuel. "Nous nous rendons compte que c'est en fait un problème très, très compliqué", a-t-il déclaré.
"Ce n'est pas quelque chose auquel on peut appliquer une solution, qui disparaît et qu'on peut oublier. Il sera toujours là : vous devez le contourner. Peut-être que cela prend plus de temps que nous ne l'aurions pensé, mais je pense que le souci est qu'à mesure que vous retirez les couches du problème, il y a d'autres couches qui apparaissent. C'est un peu : plus vous apprenez, plus vous réalisez que vous ne savez pas."
George Russell, Mercedes W13
Les facteurs Monaco et Bakou
Le cœur du problème de Mercedes est que sa W13 produit son appui maximal lorsqu'elle roule très près du sol. Et sa capacité à le faire est facilitée lorsque la piste est lisse et régulière, comme à Barcelone.
Lorsque la surface de la piste est plus irrégulière et cahoteuse, comme ce fut le cas à Monaco et à Bakou, la W13 n'est plus en mesure de fonctionner dans sa zone de confort. Ce que Mercedes ne sait pas encore, c'est quelle est la part de l'aérodynamique dans ce phénomène, et quelle est la part de la mécanique.
"C'est un défi", admet Shovlin. "Et ce à quoi nous avons été confrontés ici [à Bakou] a été en grande partie le prolongement de Monaco. Nous avons fait des progrès à Barcelone, parce que nous parcourions les lignes droites et que c'était très plaisant, calme et confortable pour les pilotes. Mais il semble que sur les circuits bosselés, le comportement est redevenu un problème."
"Vous ne pouvez pas déterminer exactement ce qui est aérodynamique et ce qui est mécanique, ni le lien avec la souplesse de la suspension et de l'amortissement. Mais le plus important, c'est que nous avons encore du travail à faire."
Lewis Hamilton, Mercedes W13
Les leçons de Barcelone
Si Monaco et Bakou ont été difficiles, les leçons tirées de ces week-ends ont permis de souligner pourquoi le GP d'Espagne était si bon. Et cela va au-delà du simple fait que Barcelone est beaucoup plus lisse que les deux derniers circuits urbains.
Ce que les données GPS de Barcelone ont montré, c'est que lorsque la W13 est dans sa zone de confort et qu'elle évolue dans la fenêtre où le marsouinage ne la freine pas, elle peut faire des choses qui font même de l'ombre aux Red Bull et aux Ferrari. En comparant les tours de qualification de George Russell, Charles Leclerc et Max Verstappen au GP d'Espagne, la Mercedes est la plus rapide dans plusieurs zones de la piste.
Elle est en tête des radars à la fin de la ligne droite principale et dans la pleine charge vers le virage 10, mais plus intéressant encore, elle est en tête tout au long du virage 3, un endroit qui montre les forces aérodynamiques des F1 modernes.
Tout ceci indique que la Mercedes est plus performante dans les virages à grande vitesse (lorsque la voiture ne rebondit pas) que dans les virages à faible vitesse qui sont plus courants à Monaco et Bakou. Comme l'explique Shovlin : "Si vous regardez où nous avons compensé cette performance en Espagne, nous étions d'une petite marge les plus rapides en ligne droite. De peu, nous étions les plus rapides dans les deux virages rapides. Nous n'étions pas assez bons dans les virages lents."
"La conclusion que nous en avons tirée est que nous devions travailler sur [les virages] à basse vitesse. Et puis vous arrivez à Monaco et à Bakou où il y a une grande domination des [virages] lents. En plus de cela, il y a les problèmes de hauteur de caisse."
"Il y aura des circuits qui nous conviendront mieux que ceux-ci. Mais pour nous, il ne s'agit pas d'attendre avec impatience ceux-là et de ne faire que s'inquiéter pour les autres. Il s'agit de comprendre le problème, de travailler sur la façon de l'améliorer, car il est clair que d'autres équipes ont fait un meilleur travail."
George Russell, Mercedes W13
Attention la secousse
Ce que les leçons de Barcelone, Monaco et Bakou mettent en évidence, c'est que Mercedes n'est pas prêt de trouver une certaine constance dans ses performances. Les pistes bosselées, comme celle de Montréal ce week-end, vont continuer à être un casse-tête jusqu'à ce que des réponses soient trouvées, alors qu'il devrait y avoir des raisons d'être optimiste sur les circuits lisses et rapides comme Silverstone et le Paul Ricard.
Mais Shovlin pense qu'il serait préjudiciable pour l'équipe de simplement miser sur le calendrier pour trouver des circuits adaptés. Il est conscient que Mercedes a besoin d'une voiture qui soit performante partout. "Ce que l'on pourrait dire après Monaco et Bakou, c'est que les écarts que nous constatons semblent se creuser lorsque nous évoluons sur un circuit bosselé."
"Quand vous regardez ce à quoi nous avons affaire, en termes de données, ou si vous regardez les images embarquées et ce à quoi les pilotes doivent faire face, vous pouvez comprendre pourquoi. La voiture n'est pas stabilisée. Elle n'absorbe pas bien les bosses. Elle ne reste pas immobile dans les lignes droites, elle bouge beaucoup."
"Montréal n'est pas un circuit lisse, mais peut-être que sur des circuits comme le Ricard et Silverstone, cette voiture fonctionnerait mieux. Mais même si nous arrivons sur un circuit lisse, nous sommes bien conscients que la performance de base n'est pas là non plus pour le moment. Nous devons améliorer les choses."
Lewis Hamilton, Mercedes W13
Changement de concept
L'ampleur des problèmes à Monaco et à Bakou a également relancé le débat sur le concept Mercedes, et sur la nécessité éventuelle de revoir les choses pour 2023. Le patron de l'équipe, Toto Wolff, a déclaré après la course de Bakou qu'il n'y avait pas de "vaches sacrées" sur la voiture, à savoir de concepts ou orientations qui ne seraient pas abandonnés si l'équipe estimait que de meilleures choses pouvaient être faites à la place.
Mais pour l'instant, Shovlin indique que l'accent est mis sur l'obtention de réponses techniques, et il tempère l'idée qu'un changement de la forme des pontons, par exemple, serait la solution miracle pour résoudre les problèmes. "Il est peu probable que les problèmes de comportement soient dus à la forme de la carrosserie de la voiture, car ils sont en partie d'origine mécanique."
"Si vous avez une voiture qui génère de l'appui, [qui est] plus proche de la piste et dont le pic est plus bas, alors vous avez moins de place pour jouer avec. Et vous devez intrinsèquement la rendre plus rigide. Il y a beaucoup de domaines que nous étudions. Donc je pense que c'est probablement simplifier les choses que de dire : 'allons-nous soudainement faire une voiture radicalement différente, et partir dans une direction différente ?'"
"La façon dont nous voyons les choses en tant qu'ingénieurs est que nous allons identifier les domaines qui sont suffisamment bons et ceux qui ne le sont pas. Et nous travaillerons sur ceux-là. Pour l'instant, la liste des domaines qui ne sont pas assez bons est plus longue que nous le souhaiterions. Nous devons donc nous atteler à la tâche."
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