La vente de Williams, ce scénario inévitable et crucial

Fin 2009, l'attachée de presse de Frank Williams a appelé chez Cosworth pour me demander si je pouvais assister à une réunion. Elle a ajouté que ce serait "aujourd'hui à midi" avant de préciser : "Sir Frank viendra dans vos bureaux. Il aimerait faire un tour de l'usine puis ensuite tenir une réunion. Un déjeuner ne sera pas nécessaire".

Dans les deux heures qui ont suivi, les sols ont été nettoyés, les bancs nettoyés et tout mis en ordre à temps pour accueillir l'un des plus grands patrons d'écurie de la Formule 1. Vainqueur de 113 Grands Prix (c'était évidemment avant Pastor Maldonado), de sept titres pilotes et neuf titres constructeurs, celui qui avait défié la tétraplégie à un point rendant insignifiant le défi de la F1 avait un air calme, poli et légèrement terrifiant. Je me souviens de ce moment où, comme dans Transformers, son fauteuil roulant l'a redressé pour le placer en position debout. J'étais là, à le regarder. Frank s'est excusé : "Je dois faire ça toutes les 20 minutes environ, pour la circulation".

Voici que Williams a été vendu à BCE Limited, une société gérée par le fonds d'investissement privé Dorilton Capital, basé à New York. La transaction moyennant 150 millions d'euros a été annoncée douze semaines après la mise en vente de l'équipe. Claire Williams a confirmé que BCE n'avait rien à voir avec un certain Bernard Charles Ecclestone : Dorilton, c'est la société d'investissement d'une famille finalement très européenne. Fondée en 2009 par Matthew Savage et Darren Fultz, des anciens de Rothschild, elle investit dans des entreprises de tailles moyennes et rentables. Williams cochait ces deux cases jusqu'à très récemment, les pertes étant l'exception plutôt que la règle.

Qu'est-ce que cela signifie pour l'équipe ?

Tout d'abord, cela signifie que Williams continuera en Formule 1, et que l'héritage de Sir Frank est intact. Le communiqué de presse a très vite confirmé que le nom de l'écurie et la nomenclature des voitures resteraient identiques, tout comme le siège social dans l'Oxfordshire. Les nouveaux propriétaires comprennent clairement la valeur du nom et des succès qui y sont associés.

Deuxièmement, il a été expliqué qu'une partie de l'argent serait utilisée pour rembourser les dettes, laissant plus de 110 millions d'euros à répartir entre les actionnaires de l'équipe, parmi lesquels Frank Williams, le cofondateur Patrick Head, l'entrepreneur américain Brad Hollinger et Toto Wolff. Certains ont estimé que le prix de vente de l'équipe était peu élevé, mais Dorilton a proposé une somme qui contentait Frank, sa famille et les actionnaires. Le changement viendra (en fait, il a déjà eu lieu) alors que les nouveaux propriétaires évaluent le personnel, les infrastructures et les possibilités de croissance, caractéristique clé des investissements de Dorilton jusqu'à maintenant.

Une attention particulière sera également apportée à Williams Advanced Engineering, dont la majorité a été vendue en décembre dernier à la société d'investissement privé EMK Capital. Cette vente avait semblé un peu précipitée, la famille se séparant en quelque sorte de l'argenterie. EMK et Dorilton vont donc devoir discuter puisqu'ils se retrouvent associés autour du seul élément qui a connu la croissance chez Williams.

La signature des nouveaux Accords Concorde et l'introduction du plafonnement budgétaire ont sans aucun doute joué un rôle important pour donner confiance à Dorilton. Il faut s'attendre à ce qu'ils essaient de faire de Williams un acteur à nouveau reconnu, comme McLaren, sachant que la croissance et la rentabilité de toute entreprise en Formule 1 est liée à la performance en piste. Marquer des points rapporte des primes, Sir Frank ne le sait que trop bien, et il serait bon de retrouver un certain niveau de compétitivité pour l'équipe qui reste l'œuvre de sa vie. Ceux qui sont derrière l'arrivée de Dorilton le veulent aussi.