"Une explosion d'émotions" pour Bastianini après sa victoire
C'est la beauté du sport : voir un athlète toucher le fond et trouver les ressources pour revenir au sommet. C'est ce qu'a réalisé Enea Bastianini en remportant une victoire inattendue, précisément au moment où sa place semble menacée.
Enea Bastianini n'avait clairement pas la cote la plus élevée lorsque le paddock s'est installé à Sepang, cette semaine. Absent sur près de la moitié du championnat, il a vécu un calvaire pour sa première année en tant que pilote officiel. Lui qui, il y a un an, craignait l'adaptation à ce rôle et ses nouvelles responsabilités dans le développement de la Ducati, il n'a finalement jamais pu réellement l'endosser.
D'abord, il y a eu les blessures. Envoyé au tapis pendant la première course sprint de l'année, il s'est fracturé la clavicule et n'a pu reprendre la compétition qu'au Mugello, deux mois et demi plus tard, toujours dans une condition imparfaite. Ce n'est qu'au retour de la pause estivale qu'il a finalement retrouvé sa condition physique. Et cela n'a pas duré longtemps, puisque début septembre, il se blessait à nouveau dans un carambolage à Barcelone. Cela lui a encore valu trois week-ends d'absence, avant son retour en Indonésie il y a un mois.
Et puis, il y a eu son adaptation à la version 2023 de la Desmosedici, lui qui pilotait le modèle 2021 l'an dernier dans le team satellite Gresini Racing. Longtemps, très longtemps, il a cherché à retrouver son efficacité au freinage et en entrée de virage, sans parvenir à rivaliser avec ses collègues. Lui, le gros freineur, n'était plus que l'ombre de lui-même.
Et soudain, le week-end de Sepang a marqué un tournant, avec des changements sur le frein moteur de sa machine et la mise en place d'un système de frein au pouce. Samedi matin, il en tirait le bénéfice en se qualifiant en première ligne, lui qui n'était plus entré dans le top 10 des qualifications depuis sa blessure du Portugal, et à la course sprint il décrochait une solide quatrième place, avec visiblement un peu de réserve qu'il n'avait pas exploitée pour ne pas mettre en danger Pecco Bagnaia.
Il avait alors senti que la victoire dimanche serait possible, et il s'y est employé en prenant la tête dès le premier virage pour ne plus se laisser rattraper par la suite. "Mon objectif était de passer le premier virage en premier, puis de rester là. Ça a été le cas et j'ai attaqué comme un bâtard pendant toute la course", décrit-il au micro du site officiel du MotoGP, lui qui a ensuite brillamment tenu Álex Márquez à distance. "Álex m'a mis sous pression parce qu'il est resté à une demi-seconde pendant toute la course, à part dans les cinq ou six derniers tours où j'ai plus creusé l'écart."
Pour la première fois depuis Aragón l'an dernier, Enea Bastianini a donc passé l'arrivée en vainqueur, frappé par une vague d'émotions fortes. "Une explosion d'émotions, de colère, de défoulement… Ça a été l'un après l'autre", décrit-il. "Et puis, j'étais surtout vraiment fini, donc j'avais du mal à célébrer. Ça a été une belle libération après une telle année de merde."
Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images
L'émotion d'Enea Bastianini dans le parc fermé.
Avec la huitième place pour meilleur résultat jusqu'ici, c'est peu de dire que Bastianini a connu une année difficile, en effet. "La saison n'a pas été difficile, elle a été désastreuse ! J'ai eu beaucoup de blessures, trop, et beaucoup de douleurs, surtout après la première blessure. Il m'était impossible de m'entraîner, j'ai passé six mois sans m'entraîner en salle. Je ne pouvais faire que les jambes, un petit peu, mais il faut travailler aussi sur le reste si on veut être rapide en MotoGP ! Maintenant, mes sensations sont vraiment incroyables, ça a été une super course."
Pourquoi, au milieu du soulagement que représente ce succès, a-t-il ressenti de la colère ? "Parce que rien ne venait. On a changé tout un tas de choses et rien n'est jamais venu. Ce week-end, quelque chose a changé. Il est clair que la tête fait parfois la différence. Quand on a confiance, on arrive à s'exprimer à 100% et sur cette course j'y suis arrivé. Donc la colère est pour ça, pour ne pas y être arrivé plus tôt et pour tout ce qui m'est arrivé, ce que j'ai traversé et que beaucoup de personnes ne savent pas."
La colère, c'est pour ne pas y être arrivé plus tôt et pour tout ce qui m'est arrivé, ce que j'ai traversé et que beaucoup de personnes ne savent pas.
"Ma famille a toujours été à mes côtés. Ma copine a passé tout son temps à la maison avec moi pendant une vingtaine de jours, elle explosait un peu et c'est normal. Alors, cette victoire c'est précisément à elle que je veux la dédier. À ma mère et mon père aussi, qui sont restés proches de moi, mais avant tout à elle parce que je pense qu'elle a souffert autant que moi."
Une victoire inattendue après avoir "touché le fond"
"Après cette saison de merde pour moi, cette victoire arrive et c'était inattendu", admet le pilote italien, qui avait pourtant envoyé des signaux samedi. "On a commencé le week-end avec un état d'esprit différent parce qu'on a compris quelle était la solution. Mon chef mécanicien m'a appelé il y a une semaine et il m'a dit qu'il n'avait pas arrêté de regarder les données et qu'il savait de quoi j'avais besoin. Au final, ça m'a aidé et ce super résultat est arrivé."
"Je savais que des pistes qui pouvaient m'aider arrivaient, comme celle-ci, et peut-être que c'est précisément ce qui m'a fait franchir un cap mentalement. Je suis arrivé ici en ayant vraiment envie de bien faire. Évidemment, je ne pensais pas faire aussi bien", sourit Enea Bastianini, qui n'ignore pas que la direction de Ducati regarde de près les performances explosives de Jorge Martín au point d'envisager un échange entre leurs places.
"L'émotion est énorme… Quand on essaye beaucoup de choses, qu'on fait beaucoup de changements, à l'entraînement, sur la moto, et que rien ne se passe, qu'on connaît juste des mauvaises situations, ça n'est pas facile de revenir. Mais ma copine et ma famille m'ont toujours soutenu. C'était impossible pour moi, j'ai touché le fond et j'ai dit que je devais revenir plus fort, et ce moment est maintenant arrivé."
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