Les courses sprint, source des blessures selon de nombreux pilotes

Les pilotes tirent la sonnette d'alarme après la première saison des courses sprint. Ils sont nombreux à juger leur arrivée responsable des blessures à répétition vues en 2023, Joan Mir allant jusqu'à affirmer que c'est une preuve que ce format "n'a pas fonctionné".

Les chutes de Luca Marini, VR46 Racing Team, Pol Espargaro, Tech3 GASGAS Factory Racing, Stefan Bradl, Team LCR Honda, au départ

La saison 2023 a été marquée par de très nombreuses blessures en MotoGP.  Huit pilotes, soit le tiers du plateau, ont dû déclarer forfait après des blessures pendant les week-ends de compétition, certains cumulant même plusieurs absences au fil de la saison. Sur les 39 courses au programme (19 sprints et 20 Grands Prix), aucune ne s'est disputée avec l'intégralité des titulaires au départ !

Comment expliquer ces blessures à répétition ? Les courses sprint concentrent l'attention des pilotes et plusieurs d'entre eux se sont blessés dans cet exercice : Enea Bastianini à Portimão, Joan Mir à Termas de Río Hondo, Álex Rins au Mugello, Luca Marini à Buddh et Miguel Oliveira à Losail. "L'une des choses qui inquiète plus les pilotes, c'est le nombre de blessures que l'on a eues", a confié Marc Márquez à ce sujet. "La plupart ont été en course sprint donc c'est une chose à analyser pour l'avenir."

La nature des courses sprint suscite un certain danger, avec un départ supplémentaire, séquence où les pilotes sont regroupés et tentent de gagner autant de places que possible, un phénomène accentué par le faible nombre de tours pour faire la différence.

Les courses sprint ont également densifié le programme des Grands Prix, en obligeant les pilotes à faire un tour rapide dès le vendredi pour tenter d'assurer une place en Q2, et la mesure mise en place à Silverstone, à savoir ne plus comptabiliser la première séance du week-end pour cette entrée directe en Q2, n'a eu que des effets modérés. L'intensité des week-ends mais aussi du calendrier a selon de nombreux pilotes une influence sur les blessures, le tout dans un plateau très compact.

"Les sprints augmentent peut-être un peu les blessures mais on est tout le temps de plus en plus performants, les motos sont plus similaires", a souligné Álex Márquez. "Il faut être toujours à la limite, dès le vendredi matin. Je pense que ça augmente un peu les blessures et les chutes. Tout le monde est à la limite."

"Avant, on avait plus de temps en piste, on pouvait réfléchir un peu plus, on pouvait essayer de contrôler les risques. Maintenant, dès le vendredi, on est à la limite. L'après-midi, ce sont des qualifications et le vendredi, tout n'est pas encore sous contrôle à 100%. C'est pour ça que ça a augmenté mais je pense que tout ce qui est concurrentiel augmente les blessures." 

Luca Marini estime aussi que le programme très intense influe sur les blessures et la longueur des absences. "C'est difficile quand on a autant de courses et qu'on n'a pas le temps pour sa convalescence d'une course à l'autre", a estimé l'Italien. "Si on ajoute une course le samedi, c'est encore plus dur parce qu'il faut pousser son corps à 100% pendant deux jours alors qu'[en 2022] tout était plus facile avec les EL4."

Luca Marini, VR46 Racing Team

Luca Marini s'est fracturé la clavicule au départ de la course sprint en Inde.

"C'est le programme actuel, et probablement celui pour l'avenir, donc on doit s'adapter et comprendre s'il y a des opportunités pour nous faciliter les choses, et que ce soit plus sûr, pour tout le monde, avec une grille comptant tous les pilotes à tous les Grands Prix."

Franco Morbidelli confirme ces difficultés mais a néanmoins apprécié le rythme de la saison 2023. "Les week-ends de course ont clairement changé et sont devenus très, très intenses", a reconnu le nouveau pilote Pramac. "Ça a été une aventure et quand on en sort, on peut dire que ça a été sympa malgré tout."

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L'effet des courses sprint sur le spectacle est en effet indéniable mais pour Pol Espargaró, lourdement blessé l'an passé, cela s'est fait au détriment de la sécurité. L'Espagnol, désormais passé à un rôle de pilote essayeur, pense que le MotoGP sera rapidement amené à revoir le format des week-ends. "On ne peut pas voir [les blessures] comme un hasard, ou comme quelque chose qui n'arriverait qu'[en 2023]", a expliqué le Catalan.

"Statiquement, si on court deux fois par week-end, c'est plus dangereux, et surtout sur de courtes distances. Mais on veut tous plus de fans, que plus de gens suivent notre sport, donc c'est difficile de trouver l'équilibre au milieu de tout ça. Être plus fun, avoir plus de courses et être plus attractif pour les gens et que, dans ce sport dangereux, il n'y ait pas de blessures, c'est très compliqué."

"Je crois que c'est un compromis très difficile à trouver. C'est la première année, le premier test, et au bout de deux ou trois ans, il y aura peut-être des changements dans le championnat mais je crois qu'on attire beaucoup plus de gens que [lors de la saison 2022] par exemple, et c'est bien." 

On peut facilement dire qu'en termes de sécurité, ce format n'a pas fonctionné.

Joan Mir, touché par trois blessures au cours de la saison 2023, estime de son côté que la priorité ne doit pas aller au spectacle, qu'il s'agisse du plaisir pris par les pilotes ou du divertissement offert au public, mais à la sécurité. Et selon le Champion du monde 2020, le bilan de la première année des sprints est clairement mauvais sur ce point.

"L'opinion que je peux avoir en m'amusant plus ou moins, c'est une chose", a commenté Mir. "En tant que pilote, j'aime faire des courses, encore plus quand je gagne, donc c'est un peu moins le cas en ce moment. L'opinion du pilote est une chose. En termes de sécurité, on n'a fait aucun progrès. On a vu beaucoup de blessures, on n'a jamais eu l'intégralité des pilotes sur la grille. Si on s'inquiète pour la sécurité, il faut faire des changements parce que ça n'a pas fonctionné."

Joan Mir, Repsol Honda Team

Joan Mir

"Avant ce format, il y avait déjà des risques en MotoGP et on l'assume en tant que pilote. Maintenant, je pense que le niveau de stress est beaucoup plus élevé que les années précédentes. On a vu que le vendredi, on doit faire des [tours de] qualifications dans le deuxième relais, il faut être rapide immédiatement. Le samedi, on a les qualifications directement, juste une petite séance [avant], mais on a des qualifications le matin, puis une course. Et une autre course le dimanche."

"Je ne serai pas celui qui dira ou qui proposera quelque chose, parce que ce n'est pas mon travail, mais pour moi, on peut facilement dire qu'en termes de sécurité, ce format n'a pas fonctionné. Je pense que l'on devrait y réfléchir."

Zarco pense que les pilotes prennent trop de risques

Ce constat est partagé par de nombreux pilote mais ne fait pas l'unanimité parmi eux. Pour Johann Zarco, le nombre de blessures en hausse est "peut-être plus dû aux motos", devenues si extrêmes qu'il est nécessaire de prendre de gros risques pour réussir un dépassement. Il en appelle à la responsabilité de chacun pour éviter des accrochages ou des chutes.

"On a beaucoup amélioré l'accélération et le freinage donc ensuite, c'est assez difficile de tourner, on ne peut pas faire une grosse différence en courbe", a détaillé le Français. "C'est assez difficile, on n'a plus la moindre marge. Je pense que c'est plus le règlement technique que le format du week-end [qui provoque les chutes]."

Johann Zarco, Team LCR Honda

Plus prudent, Johann Zarco a échappé aux blessures en 2023.

"Je pense qu'on peut avoir moins de blessures, je l'espère, si chaque pilote est un peu plus calme ou apprend de [la saison 2023]", a ajouté Zarco. "Si on a moins de blessures la saison prochaine, ça sera parce que tout le monde aura tiré les leçons de cette année."

"On peut sentir le stress dans les courses. Certains pilotes se disent qu'il faut vraiment tenter et que si on ne gagne pas trois positions en un virage, la course est finie. C'est le problème. Certains pilotes le tenteront toujours. Quand on y parvient, c'est incroyable, on fait des choses magiques, on passe pour un héros dans les interviews après la course. Mais la plupart du temps, on a des blessures."

Zarco craint que cette situation reste inchangée au cours des prochaines saisons, aucun changement majeur dans le règlement n'étant prévu avant la saison 2027 : "Pour avoir plus de marge, il faudra revenir en arrière dans le règlement technique, faire une moto moins performante. C'est à l'opposé du développement que l'on fait actuellement donc je ne sais pas comment y parvenir."

Avec Léna Buffa

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