Pilotes usés, promoteur ravi : le difficile débat sur les courses sprints

Le nouveau format de course sprint introduit cette année a assurément apporté son lot de spectacle, mais plusieurs pilotes y sont restés farouchement opposés et ont déploré une saison surchargée. Une critique qui ne semble pas modifier les plans du MotoGP.

Le départ de la course sprint

À la conclusion de la saison 2023, qui a compté vingt Grands Prix et tout autant de courses sprints, Fabio Quartararo a longuement expliqué pourquoi il estimait que ce nouvel agencement des week-ends n'était pas la bonne méthode à suivre.

Lorsque le MotoGP a annoncé l'organisation de ces courses réduites de moitié et rapportant la moitié des points habituellement en jeu, les organisateurs ont tout de suite mis en avant leur volonté de se démarquer de la Formule 1 en en faisant un rendez-vous fixe, chaque week-end. Aucun promoteur de Grand Prix ne doit, selon eux, se sentir lésé en ne profitant pas de ce format, destiné notamment à faire converger un plus grand nombre de spectateurs sur les circuits en dehors du dimanche.

Les chiffres d'affluence des vingt Grands Prix 2023 montrent en effet une tendance à la hausse le samedi, confirmée pour 16 épreuves. Les bémols portent sur l'Argentine, qui a enregistré un tout petit peu moins de spectateurs que l'an dernier, et surtout sur l'Indonésie qui a vu ses chiffres du samedi baisser de façon notable. Il faut également exclure l'Inde des comparaisons puisqu'il s'agissait d'une première édition, ainsi que le GP des Amériques qui, comme depuis trois ans, ne communique pas ses chiffres.

Dans certains cas, la hausse a en tout cas été très forte le samedi, à l'image du GP de France qui a gagné plus de 23 000 spectateurs sur cette journée, au cœur d'un week-end qui a battu tous les records. Mais disputer deux courses par week-end n'a pas été sans effet pour les pilotes, soumis à plus de stress, à la fois physique et mental.

"Ça a évidemment été une saison longue, avec tous ces sprints, et je pense qu'il ne serait pas nécessaire d'en faire à toutes les courses", estimait donc Fabio Quartararo à l'heure de clore le championnat. Un constat s'imposait alors : aucune course n'a réuni tous les titulaires cette année, du premier sprint au Portugal où Pol Espargaró manquait à l'appel, jusqu'à l'ultime Grand Prix à Valence où Miguel Oliveira était absent.

En tant que pilote, je peux vous garantir qu'on est parfois beaucoup plus fatigué par la course sprint que par la course longue.

Entre-temps, les blessures ont été multiples, rares étant les pilotes qui y ont échappé au cours des huit mois de compétition. "Ça n'est pas une coïncidence, c'est un gros problème", a jugé le Français, alors que la saison 2024 comptera encore plus de courses, avec un nombre record de 22 Grands Prix. "Qu'il y ait 42 courses ou 44, ça ne va plus changer grand-chose, mais c'est dommage qu'on fasse toutes ces courses sans que tous les pilotes de la grille d'origine soient présents à toutes les courses. C'est dommage."

"C'est un sport qui est déjà dangereux, mais en tant que pilote je peux vous garantir qu'on est parfois beaucoup plus fatigué par la course sprint que par la course longue. Physiquement, la moto qu'on utilise est sans cesse plus physique et je ne pense pas qu'on ait besoin d'une course sprint à chaque Grand Prix", a insisté le Champion du monde 2021.

La course sprint de Valence a attiré plus de 85 000 spectateurs, contre 61 000 l'an dernier.

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

La course sprint de Valence a attiré plus de 85 000 spectateurs, contre 61 000 l'an dernier.

Prenant l'exemple de Valence, théâtre de la finale du championnat, Quartararo interrogeait alors : "On sait que c'est toujours plein, alors pourquoi vouloir ajouter une course de plus le samedi ? En F1, ils font des sprints mais ils en font quelques-uns", faisait-il remarquer. "On ne peut pas continuer à faire cela. Je ne suis pas la personne qui organise tout et je ne sais pas quelle est l'opinion des autres pilotes, mais je ne pense pas que ce soit la bonne manière de faire."

Cette opinion, d'autres pilotes la partagent. "Avec les sprints, pour moi c'est très dur maintenant. C'est de plus en plus dur course après course", a par exemple souligné Maverick Viñales. "Peut-être que cette année était un entraînement et que ce sera un peu mieux. On verra, je ne sais pas. Ce qui me fatigue le plus, ce sont les voyages, plus qu'autre chose."

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"Nous ne sommes pas des machines", lui a fait écho Aleix Espargaró, avec une pensée pour les petites mains du paddock. "J'ai une très belle vie, j'arrive sur les circuits en jet privé le jeudi, mais mes mécaniciens arrivent le mardi et repartent le lundi, et ils ne gagnent rien. On doit trouver un équilibre."

Trouver un meilleur équilibre, c'est également le point de vue qu'a défendu Franco Morbidelli, volontairement narquois pour faire un parallèle avec la F1, qui n'organise qu'un nombre minime de courses sprints durant sa saison. "Je pense qu'on devrait avoir un meilleur équilibre sur ce point. Les courses sprints tous les week-ends, c'est dur. Même en Formule 1, ils ne le font pas. Oui, c'est exigeant en F1 mais ils sont assis dans une voiture. Nous, on fait tout le temps bouger la moto, on se bat les uns contre les autres, on se fait tomber par terre… Et on le fait chaque week-end. C'est exigeant, c'est plus dangereux, ça fait endurer plus de risques aux pilotes. À mon sens, un meilleur équilibre serait de réduire le nombre de courses sprints."

Le calendrier MotoGP 2024 prévoit 22 Grands Prix, et donc 44 courses.

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Le calendrier MotoGP 2024 prévoit 22 Grands Prix, et donc 44 courses.

S'ils alertent sur la surcharge, les pilotes savent aussi l'importance du renouvellement du championnat et plusieurs d'entre eux ont rappelé leur volonté de participer à l'effort collectif visant à augmenter la popularité du MotoGP. "Je comprends aussi la position du championnat. Les circuits étaient vides l'an dernier", a admis Aleix Espargaró. "Ils disent qu'il y a eu beaucoup plus de spectateurs et ils pensent que c'est grâce aux courses sprint. […] Je ne suis pas certain [que ce soit le cas]." Sans compter les considérations très pragmatiques... "Le business, c'est le business. On doit l'accepter et c'est notre boulot. C'est pour ça qu'on est payés", a ainsi rappelé Álex Márquez.

Une volonté de statu quo pour 2024

Dans ces conditions, comment les pilotes tentent-ils de faire entendre leur voix ? "Vous pensez qu'en Commission de sécurité, on n'a pas demandé à réduire les courses sprint ? À chaque Commission de sécurité, tous les pilotes [le demandent]", a fait remarquer Aleix Espargaró. "Pour moi, ils nous écoutent mais de l'autre côté, ils essaient d'améliorer le championnat et ce ne sont pas des magiciens. Ils ne savent pas exactement quoi faire, donc ils tentent des choses. Certaines sont bonnes, d'autres non, certaines personnes prennent du plaisir de chez eux et avec d'autres choses, les pilotes souffrent sur les circuits. Pour moi, ils essaient d'améliorer notre championnat."

Fabio Quartararo, lui, déplore le manque d'unanimité sur le sujet. "Tant qu'on ne signera pas un accord tous ensemble, les pilotes, je pense qu'il sera difficile de dire quoi que ce soit", a-t-il fait remarquer. "Je suis sûr que certains pilotes aiment les sprints, mais moi je n'aime pas ça du tout, alors qu'est-ce qu'on fait avec les sprints ? C'est une situation très difficile."

"Personne n'a la réponse parfaite pour améliorer le championnat", a souligné Aleix Espargaró. "OK, je critique le programme et le calendrier mais en même temps, je reconnais que la Dorna travaille dur et essaie de changer la situation. Ils ont quelqu'un de nouveau [Dan Rossomondo, directeur commercial, ndlr] pour essayer d'améliorer les choses, ils ont modifié le programme, ils essaient de nous rapprocher des fans... Ils essaient des choses. Il faut mettre ça en place parce qu'ils essaient d'améliorer le championnat, mais de l'autre côté, les pilotes en souffrent."

Après cette première année d'expérience, l'organisateur ne semble en tout cas pas disposé à changer son fusil d'épaule. Interrogé par GPOne, Carlos Ezpeleta, directeur sportif du MotoGP, a en effet prévenu que les sprints avaient vocation à rester un rendez-vous fixe à chaque week-end.

"Nous aimons avoir le même format tous les week-ends, compte tenu de l'impact que cela a pour les fans et la TV, avec des chiffres qui ont été impressionnants. La stratégie pour le sprint est différente par rapport au dimanche, à tel point qu'on a vu beaucoup de vainqueurs différents. Nous allons parler avec les équipes, mais notre objectif est de poursuivre ce que nous sommes en train de faire", a affirmé l'Espagnol.

Un débat qui semble donc clos, mais qui risque bien de renaître la saison prochaine si l'agenda s'avère tout aussi exigeant, voire plus, que cette année.

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