Analyse

Plus que la Yamaha, c'est Quartararo qui a su évoluer vers le titre

Trop inconstant en 2020, Fabio Quartararo apparaît cette année infaillible au guidon de la Yamaha. Mais plus que les progrès opérés par la machine, c'est sûrement la transformation du pilote français qui l'a ainsi placé au sommet, en capacité de remporter son premier titre de Champion du monde MotoGP dès cette semaine.

Fabio Quartararo, Yamaha Factory Racing

Fabio Quartararo, Yamaha Factory Racing

Dorna

Dimanche 24 octobre 2021, circuit Marco Simoncelli à Misano, Italie. Ce pourrait être le rendez-vous de Fabio Quartararo avec son premier titre mondial, le tout premier de la France dans la catégorie reine des Grands Prix. Alors qu'il n'est plus opposé qu'à un seul adversaire dans la lutte pour le titre, le fait d'être en capacité de coiffer la couronne avec deux courses d'avance sur la fin du championnat témoigne de la supériorité du jeune Niçois sur cette campagne.

En tête du classement général depuis la cinquième manche, justement son Grand Prix national, Quartararo a pris de l'envergure au fil des mois. Seul pilote des trois catégories du championnat à avoir empoché des points à chaque course, il s'est indéniablement affirmé comme l'homme de l'année avec à ce jour cinq victoires sur un total de dix podiums. Cette solidité contraste avec sa saison 2020, où les trois victoires qu'il avait décrochées étaient alors restées ses trois seuls podiums de la campagne.

S'il était entré en force dans le championnat avec un doublé à Jerez, il apparaissait plutôt perdu au moment de le clôturer, et cette dégringolade de sa confiance se reflétait dans ses performances puisqu'il n'avait alors marqué que 19 points lors des six dernières manches. Encore leader après le neuvième Grand Prix, il terminerait finalement huitième après la 14e et dernière course.

Plusieurs éléments ont rapidement été mis en avant pour expliquer que le titre ait ainsi pu échapper à celui qui faisait figure de favori encore deux mois plus tôt. L'impact du COVID-19 sur le gel du développement et le manque de tests a notamment été aisé à évoquer, de même que la responsabilité de Yamaha avec une moto erratique. Au guidon de la même version de la moto, Maverick Viñales et Valentino Rossi pouvaient eux aussi y voir une explication à leur propre manque de performance, alors que Franco Morbidelli, qui pilotait une spec différente, a été en mesure de finir la saison en force pour se classer deuxième.

Seulement, la saison 2021 très réussie de Fabio Quartararo ne peut pas uniquement être expliquée par les progrès réalisés sur sa machine une fois le développement à nouveau permis. "La moto de 2021 et celle de 2020 sont assez similaires. On pourrait résumer en disant que la nouvelle moto est un peu plus légère, mais pas beaucoup plus", explique à Motorsport.com un technicien travaillant à l'atelier Yamaha. Et, cette fois, les performances des autres pilotes dotés de la même moto servent de contre-exemple aux conclusions hâtives de l'an dernier, car le #20 est bel et bien le seul à avoir pu allier performance et constance cette année dans ce petit groupe.

"Ce Fabio-là aurait été champion l'année dernière"

Comment peut-on alors expliquer la métamorphose de Fabio Quartararo ? Notre interlocuteur reprend : "Le changement le plus évident a été réalisé par Fabio. Cette instabilité dont il a été pris la saison dernière avait également touché Valentino et Viñales. Mais ils l'ont conservée avec la M1 de 2021, alors que Quartararo non. Cela montre, en somme, qu'à la fois le problème et sa solution ne se trouvaient pas dans la moto. C'est Fabio qui, cette année, et grâce à sa solidité, a laissé Maverick sans excuses au point qu'il ait fini comme il l'a fait, en passant chez Aprilia. Je suis convaincu que ce Fabio-là aurait été champion l'année dernière."

Fabio Quartararo, Yamaha Factory Racing

Fabio Quartararo

Quartararo n'a jamais eu de mal à admettre ouvertement avoir eu recours à un psychologue du sport pour tenter de s'apaiser et de corriger certaines réactions l'ayant parfois empêché d'optimiser ses performances. "Ça m'aide à être plus calme et plus concentré sur mon travail, à avoir plus de méthode", répond-il chaque fois qu'on l'interroge sur les avantages de cette démarche. Le travail avec un psychologue peut effectivement avoir un effet positif immédiat sur les performances des sportifs qui décident d'en consulter un. Et le fait de l'évoquer ainsi publiquement multiplie même ces avantages.

Assumer ses faiblesses et ses erreurs est devenu avec le temps une marque du Français. "Fabio n'a aucun problème à admettre quand il est en faute", nous explique Diego Gubellini, son chef mécanicien depuis son arrivée en MotoGP. Et pour Pep Font, psychologue du sport au Centre de haute performance (CAR) de Sant Cugat, près de Barcelone, c'est une démarche globale d'acceptation et d'assomption qui sert le pilote. "Accepter ces choses vous renforce grandement. Ce phénomène suit un schéma qui, en psychologie stratégique, est appelé 'avec la vérité, tu les vaincras'. Lorsque vous révélez cette faiblesse, ce que vous faites c'est que vous vous libérez. Cela vous rend fort et, aux yeux des autres, cela vous donne aussi l'air fort", explique celui qui a notamment conseillé Jorge Lorenzo, Nani Roma et Marc Coma, et qui suit depuis quelques mois les progrès de Raúl Fernández.

"La psychologie joue un rôle très important dans la performance sportive. Fondamentalement parce que le fait d'avoir la capacité de faire quelque chose en particulier, comme par exemple piloter une moto, ne signifie pas que vous allez le faire au bon moment et de la bonne manière. Pour réussir à le faire quand on le veut, il faut y travailler, et c'est de ça qu'il s’agit avec la psychologie", ajoute le psychologue.

Marc Marquez, Repsol Honda Team, Fabio Quartararo, Yamaha Factory Racing

Fabio Quartararo et Marc Márquez

Fabio Quartararo a grandi à tous les niveaux cette saison, et cela concerne notamment sa gestion de la pression. Selon Marc Márquez, c'est cela qui l'a ébranlé l'année dernière. "Jusqu'en 2020, Fabio n'avait jamais été en lice pour être champion, ni en Moto3, ni en Moto2. Maintenant, il a cette expérience. Il a déjà été en position de gagner un championnat et de ne pas y arriver. Cette fois, il a très bien géré cela", nous explique le pilote espagnol.

Non seulement Quartararo a effectivement su gérer son statut de favori cette année, mais il a aussi su imposer cette domination incontestée sans connaître le moindre accrochage avec ses adversaires. Et c'est loin d'être si banal à une époque moderne qui nous a habitués à tant de clashs et d'oppositions explosives ayant nourri la compétition, et ce encore assez récemment.

La composante mentale va de pair avec l'aspect émotionnel qui, dans le cas de Quartararo, joue un rôle tout aussi essentiel. Il a appris à gérer les déceptions qui, il y a quelques mois encore, engendraient chez lui une véritable rage. Il sait canaliser ses émotions et faire la part des choses, avec comme bénéfice de rester concentré et de livrer des performances bien plus constantes.

Mais celui que l'on a déjà vu craquer à plusieurs reprises depuis ses débuts mondiaux, comme lors de ses apprentissages difficiles en Moto3 et en Moto2 avant cette saison 2020 qui a tout eu des montagnes russes, pourrait-il se laisser à nouveau envahir en cas de difficulté future ? Pas forcément. Car pour son manager Éric Mahé, présent avec Thomas Maubant, son assistant, dans son environnement le plus proche sur les Grands Prix, la hausse des performances de cette année est avant tout le résultat d'un processus naturel : "C'est la progression logique d'un gamin qui est talentueux et très motivé, et qui devient de plus en plus expérimenté et de moins en moins nerveux."

En attendant de découvrir avec la suite de sa carrière ce qu'il parviendra à construire sur les enseignements de ces derniers mois, Fabio Quartararo a bien toutes les cartes en main pour aller au bout de son ouvrage cette saison et récompenser son travail par la consécration d'un titre mondial.

Fabio Quartararo, Yamaha Factory Racing, Francesco Bagnaia, Ducati Team

Fabio Quartararo et son rival pour le titre, Pecco Bagnaia

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