Allison chez Renault/Lotus : innover n'a pas toujours payé

Actuel chef technique de l'écurie Mercedes, James Allison est revenu sur son illustre carrière en Formule 1 pour GP Racing, et notamment le moment où il a pris du galon chez Renault.

Fernando Alonso, Renault R29

Photo de: Sutton Motorsport Images

Entre deux passages à Maranello, James Allison a fait son retour au sein de la structure d'Enstone, rebaptisée Renault puis Lotus, de 2005 à 2013. C'est à ce moment-là que sa carrière a pris son envol : aérodynamicien de premier rang chez Benetton et Ferrari, il est devenu directeur technique adjoint de Renault F1 Team aux côtés de Bob Bell, qu'il avait côtoyé à Enstone de 1997 et 1999. Bell avait lui-même épaulé le directeur technique Mike Gascoyne chez Benetton/Renault de 2001 à 2003 avant de prendre sa place.

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Cependant, celui qui a véritablement impressionné Allison en jouant un rôle manifestement majeur dans les titres mondiaux remportés par la marque au losange en 2005 et en 2006, c'est Dino Toso. Aérodynamicien en chef, Toso n'a pas pu exprimer son talent pendant longtemps, puisqu'il est décédé d'un cancer à l'âge de 39 ans, mais il a néanmoins marqué Enstone de son empreinte.

"Renault avait l'homme le plus exceptionnel qui soit, Dino Toso, comme directeur de l'aéro – un homme charismatique, talentueux, intelligent", énumère Allison. "Sa vision a joué un rôle majeur dans la transformation de Renault, d'une voiture pas compétitive du tout en 2001 à jouer la victoire en 2003, puis à remporter le titre."

Bob Bell, Mercedes AMG F1 et James Allison, directeur technique de Lotus

Bob Bell (Mercedes) et James Allison (Lotus) en 2012

"Or, un cancer très agressif avait été diagnostiqué à Dino, et le pronostic était pessimiste. Malgré la chimio et la radiothérapie qu'il endurait, il a continué de travailler avec beaucoup de compétence et un courage qui force l'admiration. Bob voulait permettre à Dino de le faire jusqu'à ce qu'il sente ne plus en être capable. Mais Bob savait aussi qu'il devait chercher quelqu'un qui puisse prendre le relais si Dino devait prendre du recul."

"Bob m'a donc recruté de chez Ferrari sur cette base, comme directeur technique adjoint. Dino était parfaitement au courant et soutenait mon arrivée. Et il a défié tous les pronostics de ses médecins, il a continué d'apporter à Renault une contribution incroyable pendant un bon bout de temps après ça, période durant laquelle il s'est marié, est devenu père, et l'écurie a remporté deux championnats."

"J'ai fait de mon mieux pour prendre mes marques comme directeur technique adjoint et, quand Dino a finalement succombé à sa maladie [à l'été 2008, ndlr], mon rôle est devenu utile en lui-même. Grâce à la générosité de l'équipe, qui m'a permis de trouver un rôle et d'en faire un succès, quand Bob est passé à autre chose [Bell est devenu directeur d'équipe en 2009], je me suis retrouvé nommé directeur technique. Je n'avais rien prévu de tout ça : les choses arrivent, et on espère juste être là et être utile."

James Allison, directeur technique, Renault F1, discute avec Greg Baker, ingénieur n°1

James Allison a eu quelques problèmes à résoudre chez Renault en 2009

Un Allison qui voulait éviter tout excès d'ambition s'est ainsi retrouvé au sommet d'une écurie double Championne du monde, mais la révolution technique mal négociée en 2009, le scandale du Crashgate et le retrait de Renault allaient grandement lui compliquer la tâche. La Renault R29 a dégringolé à la huitième place du championnat des constructeurs, portée à bout de bras par le remarquable Fernando Alonso.

"C'était une période étrange", concède Allison. "Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles nous avons fait du mauvais travail sur cette voiture : nous avions conçu un KERS à l'arrache, et il était incroyable vu le peu de ressources que nous avions à dépenser là-dessus, mais il était lourd, voire encombrant. Il y avait la nouvelle réglementation aéro sur laquelle avaient débouché les recommandations du groupe de travail sur les dépassements, et notre voiture n'avait pas une aérodynamique suffisamment sophistiquée pour cette nouvelle ère."

"Nous avons fait du mauvais travail, et je crois que cela a précipité le retrait de Renault, le rachat par Genii Capital, la transformation en Lotus et la période suivante où l'on se sentait assez aventuriers, voire flibustiers. Avec un très petit budget, nous avions de grandes ambitions, soutenues par une équipe technique absolument brillante. Nous avons pu batailler avec des écuries plus puissantes pendant plusieurs saisons et défier la gravité pendant un bon moment, car nous n'avions pas le budget pour ça."

Sous la houlette d'Allison, l'écurie s'est alors fait remarquer par quelques innovations qui n'ont pas toujours porté leurs fruits, avec notamment des échappements vers l'avant en 2011, que le passage aux pneus Pirelli n'a pas favorisé d'après l'Anglais. "Tim Densham et l'équipe de design ont signé un véritable exploit en réalisant ce que le groupe aéro avait demandé, mais c'était finalement une mauvaise piste dont ma décision de dire 'oui' était responsable", admet-il. Il y a aussi eu les suspensions interconnectées à l'avant et à l'arrière (FRIC) en 2013, qui contribuaient à une meilleure gestion de l'usure des pneus mais étaient difficiles à exploiter.

Bruno Senna, Lotus Renault GP R31

L'innovante Renault R31, aux mains de Bruno Senna

"Ces projets ont quand même payé, car l'écurie était dynamisée d'avoir le courage de faire des choses que d'autres personnes ne faisaient pas. C'était quelque chose de similaire avec le DAS [direction à deux axes, système présent sur la Mercedes de 2020, ndlr], qui a duré une saison – le bénéfice n'est pas seulement le temps au tour, c'est que les gens aient le sentiment de faire partie d'une équipe innovante, qui explore des territoires inconnus."

Il n'aurait pas fallu grand-chose pour que l'écurie mette la clé sous la porte en 2015, peu avant son rachat par Renault, mais elle a tenu bon, et d'après Allison, ce n'est pas un hasard. "Il y a plus ou moins des équipes heureuses et des équipes malheureuses", analyse-t-il. "L'ambiance était bon enfant à Enstone, il y avait une cohésion et une loyauté qui ont permis aux gens de voir plus loin que la précarité des finances. Ils ont le mérite d'avoir donné de nombreuses chances à l'écurie."

"En tant que l'un des leaders de l'équipe, je considérais que c'était à moi d'essayer de maintenir la structure à flot, de conserver les talents que nous avions si minutieusement accumulés, de garder leur confiance. Et ça m'allait de faire ça, car j'y croyais moi-même, je sentais que nous faisions quelque chose d'exceptionnel."

"Mais une fois que l'on cesse d'y croire – et l'on sait que les bons ingénieurs qui ont une famille et un prêt à rembourser reçoivent des opportunités d'autres entreprises qui ne sont pas dans un tel péril financier – on ne peut pas continuer de répéter 'reste avec nous, continue de croire en notre avenir'. Ce n'est pas correct, de la part d'un leader. C'est pourquoi je suis parti. Ça faisait mal, car j'étais profondément fier de ce que nous avions accompli." Et le chapitre suivant, chez Ferrari, n'allait pas être particulièrement fructueux

Avec Stuart Codling

Felipe Massa,  Ferrari F138 et Romain Grosjean,  Lotus E21

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