Analyse

Pourquoi Ricciardo peine à s'adapter chez McLaren

Les premiers pas de Daniel Ricciardo chez McLaren ont été difficiles, même si l'Australien semble être sur la bonne voie. Encore faut-il confirmer après une adaptation complexe à sa nouvelle écurie.

Daniel Ricciardo, McLaren MCL35M

Daniel Ricciardo, McLaren MCL35M

Steven Tee / Motorsport Images

Que ce soit Sergio Pérez, Carlos Sainz ou Daniel Ricciardo, les pilotes qui ont changé d'écurie en 2021 ont connu un début de saison difficile – du moins par rapport à leurs coéquipiers respectifs. Pérez, Sainz et Ricciardo ont marqué 76 points à eux trois depuis le début de la saison, bilan toutefois bien pâle face aux 161 unités cumulées par Max Verstappen, Charles Leclerc et Lando Norris.

Ricciardo, lui, a peiné à prendre la mesure de la McLaren, c'est le moins que l'on puisse dire. Les deux pilotes ont affiché un niveau de performance équivalent lors des qualifications à Bahreïn, mais Norris était nettement plus compétitif à Imola et surtout en Algarve, où Ricciardo a connu l'ignominie d'une élimination en Q1, avec plus d'une seconde de déficit sur son partenaire. Pendant que l'Anglais trustait le top 5 en course, l'Australien finissait généralement avec une bonne vingtaine de secondes de retard.

La raison ? Des essais hivernaux réduits à leur plus simple expression – trois jours, soit une journée et demie par pilote – et une MCL35M aux caractéristiques forcément différentes de la Renault R.S.20 que pilotait Ricciardo l'an dernier. "La voiture a tendance à récompenser une technique un peu différente, un style un peu différent", analysait l'intéressé au Grand Prix du Portugal. "C'est la manière dont on tourne, dont on utilise le frein et dont on réaccélère. C'est un peu unique. Je travaille donc là-dessus sur le simulateur et j'essaie de le mettre en application [en piste]. Naturellement, nous prenons confiance avec la manière dont la voiture glisse et se déplace."

"Je pense que les caractéristiques générales de la voiture, telles qu'elles sont actuellement, m'empêchent d'utiliser mon style dans certains virages. Il semble que dans la majorité d'entre eux, la meilleure manière de piloter la voiture soit un style différent. J'essaie d'informer les ingénieurs d'où sont les faiblesses et de la manière dont j'aimerais piloter la voiture."

"Ce sont les choses comme le freinage ou la manière dont j'accélère. Certaines sont uniques, et j'imagine qu'il me faut encore être un petit peu conscient de ça, et travailler pour que ça devienne naturel. Cela requiert encore un peu de réflexion. Je pense que les virages rapides sont un peu plus faciles, on lance la voiture dedans et on tient. Mais dans les virages plus longs, on est dans le virage pendant longtemps, et il faut être relativement délicat et précis. La voiture est sensible et fonctionne bien de certaines manières mais pas d'autres, et j'essaie de m'autoprogrammer pour apprendre comment la piloter plus vite. Je suis de retour à l'école !"

Daniel Ricciardo, McLaren, arrive sur la grille de départ

D'après le directeur technique James Key, c'est notamment au freinage – un des principaux atouts de Ricciardo – que le nouveau pilote McLaren peine à s'adapter : "Le freinage fait une grande différence en matière de temps au tour, et Dan a toujours été un freineur très, très fort. On a vu certains de ses dépassements auparavant, il les a accomplis en tapant très tard sur les freins. C'est certainement un de ses points forts."

"Je pense qu'en changeant de voiture, il faut toujours s'adapter un peu à la sensation au freinage. Je pense donc qu'il y a beaucoup d'aspects différents. Le système de freinage lui-même n'est souvent pas le facteur majeur : nous utilisons tous des matériaux très similaires, des systèmes très similaires, etc. Au niveau de la sensation sur la pédale, dans une certaine mesure, il y a donc un peu de variabilité."

"Cependant, le mordant et la performance du freinage elle-même sont souvent très similaires. Je pense que les différences se font avec les choses comme le frein moteur – la manière dont il fonctionne et la manière dont on le règle en conséquence –, la manière dont fonctionne le châssis, la manière l'aérodynamique fonctionne et soutient la voiture dans certaines conditions. Il y a différentes conditions de freinage dans certains types de virage. C'est là que les différences se font vraiment ressentir."

Quant au directeur d'équipe Andreas Seidl, il a souligné que les circonstances avaient probablement amplifié les difficultés de Ricciardo. "En fin de compte, je pense que ce sont des choses mineures qui sont probablement exacerbées dans des conditions à faible adhérence, comme [au Portugal] et à Imola également avec la piste séchante", a estimé l'Allemand. "On a vu lors de la séance d'essais libres que cet écart [en Q1] n'est vraiment pas représentatif de ce qui le sépare actuellement de Lando."

Daniel Ricciardo, McLaren MCL35M rejoint la piste devant Lando Norris, McLaren MCL35M

En somme, celui qui a fait ses débuts en Formule 1 il y a dix ans et participé à près de 200 Grands Prix a dû se remettre en question. "C'est dur à encaisser car je suis désormais un vétéran de la F1, et donc, pourquoi aurais-je besoin de temps ?" lançait Ricciardo de manière purement rhétorique.

"Je fais l'expérience de l'arrivée dans cette équipe, et tout le monde me traite un peu comme un rookie, mais d'une certaine manière, c'est vrai : je suis un rookie dans cette voiture et cet environnement. Je ne suis certainement pas rookie, mais après Imola, j'étais contrarié de ne pas avoir fait mieux. Or, Andreas [Seidl] et Zak [Brown, PDG de McLaren Racing] me disent juste : 'Détends-toi, mec, ça va venir'. Enfin, j'essaie de ne pas trop me détendre, mais je suis conscient que ça finira par venir."

Effectivement, au Grand Prix d'Espagne, il y avait du mieux. Ricciardo a pris en confiance avec les évolutions apportées à la MCL35M au niveau de l'aileron avant et du fond plat ; il a ainsi battu de Norris de quatre dixièmes en qualifications avec la septième place, alors qu'il était bien plus en retrait en essais libres. Ayant beaucoup travaillé sur le simulateur par ailleurs, l'Australien a alors salué l'impact des réglages. "Cela m'a permis de mieux piloter, avec plus de confiance", a-t-il indiqué.

"La voiture était délicate [en essais libres], je n'avais simplement pas beaucoup de confiance dans les virages rapides, à vrai dire. Je pense que [les progrès] se sont vus [samedi]. Nous étions très rapides dans le premier secteur [où se trouve le virage 3, une interminable courbe rapide, ndlr], où j'ai signé le meilleur temps à plusieurs reprises. Une fois qu'on est dans le premier virage, on saute sur l'accélérateur et on tient. Et j'avais certainement la confiance pour ne pas lever le pied [dans ce virage en qualifs]. Et nous avons apporté des évolutions. Je pense que nous avons amélioré les réglages pour faire fonctionner les évolutions. C'est probablement ainsi que nous avons trouvé le rythme."

Cette performance qualificative représentait-elle une avancée majeure ? "Il reste des virages de la piste où je suis encore en train de trouver mon chemin, pour ainsi dire", a-t-il répondu. "C'est donc une mini-avancée, disons. Tout le monde le dit, ça prend du temps de se mettre à niveau, et de plus, je trouve que Lando pilote exceptionnellement bien. Ces deux facteurs ont posé des problèmes, j'imagine."

Daniel Ricciardo, McLaren MCL35M, se bat avec Sergio Perez, Red Bull Racing RB16B

La course s'est également bien passée à Barcelone, Ricciardo se payant le luxe de résister à la Red Bull de Sergio Pérez pendant 46 tours et prenant la sixième place à l'arrivée, avec plus de 30 secondes d'avance sur Norris. Pour autant, tout n'est pas encore parfait. "J'ai fait un petit pas en avant ce week-end, il y a eu des moments de la course où je savais que j'allais aborder le virage – parfait – et en sortir rapidement. Et d'autres moments où je bloquais l'avant, où je perdais un peu l'arrière, c'est délicat", analyse-t-il. "La plupart du temps, ça se passait bien, mais je continue de faire quelques erreurs çà et là. Je vais donc continuer de travailler pour trouver la solution."

Et chez McLaren, chacun est impatient de pouvoir exploiter pleinement l'inestimable expérience de ce septuple vainqueur en Grand Prix. "J'attends désormais avec beaucoup de hâte les week-ends où il se sentira vraiment à l'aise avec la voiture, car je pense que nous en verrons les vrais bénéfices, non seulement en matière de vitesse mais aussi d'expérience, nous aidant à développer la voiture davantage avec Lando, qui est évidemment très expérimenté lui aussi, maintenant qu'il est dans sa troisième année avec nous", souligne Andreas Seidl.

"En tant que directeur d'équipe, ce dont j'ai besoin, c'est simplement deux pilotes qui se poussent dans leurs retranchements, eux-mêmes mais aussi les autres voitures en piste. Car si l'on veut se maintenir dans cette bataille au championnat des constructeurs, il faut toujours avoir deux voitures au rendez-vous, avec deux pilotes toujours en mesure de marquer de bons points." Jusque-là, c'est le cas ; McLaren reste d'ailleurs sur neuf Grands Prix consécutifs avec les deux voitures dans les points, du jamais vu depuis 14 ans pour l'équipe. Le duel avec Ferrari pour la troisième place du championnat des constructeurs s'annonce toutefois féroce, et les recrues de ces deux écuries légendaires, Ricciardo et Sainz, pourraient bien faire la différence dans cette bataille.

Daniel Ricciardo, McLaren MCL35M, Carlos Sainz Jr., Ferrari SF21

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