F1 2024 : Quels enjeux techniques pour la saison à venir ?
Avec le retour de l'effet de sol en 2022, Red Bull a vu juste en matière de concept. Ses rivaux pourront-ils affiner leurs packages pour lui donner du fil à retordre en 2024 ? Voici en tout cas les grands enjeux techniques de la saison à venir !
Autrefois, lorsqu'une équipe dominait une saison de Formule 1, on pouvait réagir en modifiant arbitrairement les règles dans le but de resserrer le peloton pour l'année suivante. Rappelez-vous quand la domination Ferrari au début des années 2000 a été "miraculeusement" stoppée par la règle interdisant les changement des pneus en 2005 et que Bridgestone a pris une mauvaise direction dans ses composés.
Il n'y a pas eu de telles réactions face à la dévastation totale et complète du reste du peloton par Red Bull en 2023. Contrairement aux modifications apportées l'année dernière à la formule de l'effet de sol, qui comprenait un petit changement au niveau de la hauteur du plancher afin de limiter les effets délétères du marsouinage, les règles de 2024 sont en fait les mêmes que celles de l'année dernière.
La "convergence" est le mot clé dans ce contexte. La théorie dominante est que, avec des règles stables, Red Bull commencera à atteindre un point de rendements décroissants tandis que les autres équipes poursuivront leur courbe ascendante. Il semble que la plupart d'entre elles soient prêtes à suivre l'équipe de Milton Keynes dans sa direction de développement très payante, même si nous ne verrons que plus tard dans quelle mesure.
Avec relativement peu de changements par rapport à 2023 sur d'autres aspects, il semble presque que 2024 sera un année "2023+", donnant aux équipes l'occasion de réparer les erreurs de la saison dernière. Il y a fort à parier qu'elles saisiront chacune des occasions qui pourraient s'offrir à elles pour déloger Red Bull de la tête du classement. Non pas que l'équipe championne soit prête à céder si facilement le contrôle...
Quelles seront les tendances du design F1 en 2024 ?
Habituellement, les aperçus de la saison commencent par l'exploration des nouvelles règles et des nouveaux éléments, mais il n'y a que très peu de changements. Il est beaucoup plus pertinent d'examiner les caractéristiques que la plupart des équipes incluront probablement dans leur modèle 2024 ; deux années d'un ensemble réglementaire globalement inchangé devraient fournir de nombreuses données permettant de déterminer si une certaine philosophie de conception vaut la peine d'être suivie.
Le marqueur le plus évident de cette évolution au cours des deux dernières saisons a été la conception des pontons, un domaine qui est devenu inextricablement lié au design du plancher – le vrai filon de développement à haute valeur ajoutée depuis la réintroduction des "tunnels Venturi" dans le langage de la F1. Et, en raison de la rareté des photos montrant les planchers dans toute leur splendeur, ces derniers sont longtemps restés un secret bien gardé. Du moins, jusqu'à ce que la Red Bull RB19 de Sergio Pérez soit soulevée par une grue après son accident lors des qualifications du Grand Prix de Monaco, provoquant une avalanche de flashs de la part de photographes opportunistes...
Le peloton F1 semble converger vers le design du ponton à la Red Bull, mais c'est le plancher qui constitue le plus grand facteur de différenciation en matière de performances.
En théorie, la plupart des équipes suivront Red Bull dans le design de leur voiture pour 2024. Après tout, les deux dernières saisons ont montré que les RB18 et RB19 étaient les meilleures du peloton. Mais même en réussissant à copier exactement la voiture de l'année dernière, elle n'offrirait qu'un niveau de performance similaire ; les autres équipes doivent non seulement comprendre les éléments clés sur lesquels reposent les succès de Red Bull, mais aussi y apporter leur propre valeur ajoutée.
Ce que nous ne nous attendons pas à voir, c'est Ferrari ou Mercedes revenir à leurs précédents concepts de pontons. Plutôt que la solution en rampe (ou downwash) à la Red Bull, Ferrari et Mercedes ont d'abord persisté à proposer leurs propres variantes de la philosophie "inwash". La différence initiale résidait dans les différentes méthodes pour activer davantage de performance venant du plancher, que ce soit par la répartition de la pression à sa surface ou par la mise en place d'une plus grande zone de basse pression derrière la voiture afin d'améliorer la succion sous la carrosserie. Bien que les deux équipes soient restées sur leurs positions au début de l'année 2023, Mercedes a abandonné sa solution "zéro ponton" et a opté pour une variante à rampe à Monaco (initialement prévue pour Imola), tandis que Ferrari a abandonné ses "baignoires" pour le concept downwash en Espagne.
Les deux équipes ont été quelque peu limitées par l'architecture déjà en place, puisque les châssis et les éléments internes ne peuvent pas être modifiés aussi facilement dans la Formule 1 actuelle, où les dépenses sont plafonnées. Le directeur technique de Mercedes, James Allison, a révélé que l'équipe avait perdu 0,2 seconde lors de son passage au concept de rampe, mais que ce sacrifice était justifié par le plus grand potentiel de développement qu'il offrait. Avec un design "propre" pour 2024, construire une voiture autour de ce concept est beaucoup plus réalisable.
Le concept de downwashing, on peut tous s'asseoir à une table et le dessiner, ce n'est pas un problème. Mais le diable est dans les détails et nous progressons grâce à beaucoup de détails sur la voiture - Jody Egginton
Il serait surprenant de voir une quelconque divergence par rapport au concept de ponton à rampe, à moins que quelqu'un ne trouve une interprétation extraordinaire qui produise un appui constant et d'excellents temps au tour. Les variations résideront dans la manière dont les aérodynamiciens choisiront d'implémenter ces pontons ; Aston Martin et Alpine, ainsi qu'une poignée d'autres équipes, ont cherché à améliorer la direction de l'écoulement de l'air sur le dessus grâce à un canal intégré aux pontons. Mais la prudence reste de mise : créer quelque chose sur la base d'un design réussi est une chose, créer quelque chose de réussi en est une autre.
Comme l'a dit le directeur technique de VCARB, Jody Egginton, les détails sont importants à mesure que les voitures convergent. "Toute réglementation amène une convergence", a-t-il déclaré à Motorsport.com. "Red Bull, McLaren et quelques autres équipes ont montré des directions de développement très intéressantes, et tout le monde regarde ce que tout le monde fait. Et à la base, notre concept est un concept de downwashing, qui n'est pas différent de celui d'un certain nombre d'autres équipes. Mais le diable est dans les détails."
"Il y a des voitures qui ne montent sur aucun podium [mais] qui proposent des choses vraiment intéressantes. On se penche toujours sur ce que les autres font, et il s'agit [ensuite] de tout mettre bout à bout et de comprendre. Il faut comprendre. Le concept de downwashing, on peut tous s'asseoir à une table et le dessiner, ce n'est pas un problème. Mais le diable est dans les détails et nous progressons grâce à beaucoup de détails sur la voiture."
Chaque équipe est confrontée au dilemme risque/récompense lorsqu'il s'agit du design du plancher et de la hauteur de caisse.
Le dessous des F1
C'est la technologie du plancher qui reste l'élément le plus important. Depuis que les règles ont été révisées pour 2022, la nature des planchers à tunnels Venturi produit une oscillation dans la fenêtre de performance de chaque voiture, avec une évolution de la performance entre les virages à basse vitesse et les virages à haute vitesse. Élaborer le plancher en fonction de la plus grande plage possible de performances dans tous les types de virages est l'objectif principal, en particulier dans les situations de faible vitesse. Comme l'appui aérodynamique généré augmente en fonction du carré de la vitesse pour un corps en forme d'aile, ce à quoi ressemble fortement un plancher Venturi, l'accent est mis sur la maximisation des autres variables qui affectent l'appui aérodynamique afin de générer plus de charge à basse vitesse.
Si Red Bull devait avoir une faiblesse, ce serait dans ces conditions ; son plafond de performance réduit à Monaco et ses difficultés ultérieures à Singapour suggèrent qu'il s'agira d'un domaine clé de recherche pour la RB20. Comme l'ont suggéré quelques figures du paddock, ce n'est probablement pas une coïncidence si l'équipe sœur AlphaTauri (devenue VCARB) a trouvé une incroyable efficacité dans ce domaine, en particulier avec l'amélioration de son plancher au GP d'Abu Dhabi qui a clôturé la saison l'année dernière.
L'an dernier, la réduction de 15 mm de la hauteur de toutes les surfaces du plancher a représenté un petit défi pour les équipes. Comme l'a expliqué Allison, Mercedes ne savait pas s'il fallait utiliser la réduction de la hauteur pour abaisser la voiture ou continuer à rechercher des gains d'appui en roulant à une hauteur plus élevée : "Il y a eu un grand débat en interne : devions-nous 'encaisser' ces 15 mm et abaisser la voiture, opérer dans une fenêtre plus petite de 15 mm parce que les voitures seront intrinsèquement moins rebondissantes ? Ou devions-nous continuer à faire ce qui nous avait réussi au cours de l'année [précédente], c'est-à-dire nous forcer à continuer de chercher plus d'appui là où c'est plus difficile, c'est-à-dire plus en hauteur ?"
"Le débat a fait rage en interne pendant un certain temps et la logique était à peu près la suivante : il est très difficile de prédire, parce que les outils [que les équipes de F1 peuvent utiliser] ne sont pas particulièrement bons pour cela, où le rebond va être subi. Il est beaucoup plus difficile de faire marche arrière après s'être retrouvé avec du rebond, que d'être trop haut, de ne pas rebondir, et d'abaisser progressivement [la voiture]. Il s'est avéré qu'on a été trop prudent..."
L'importance des suspensions
Il y a quelques années, un ancien designer de F1 a décrit le design des suspensions comme étant purement aérodynamique ; les équipes avaient largement convergé vers les meilleures solutions technique, et l'agencement des triangles ainsi que le choix entre poussoir et tirant reposaient uniquement sur ce qui fonctionnait le mieux en soufflerie. Avec les planchers modernes, les suspensions sont devenues une plateforme de plus en plus importante sur laquelle il faut s'appuyer.
Justement, le maintien d'une plateforme stable pour le fonctionnement du plancher est d'une importance vitale, en particulier compte tenu des pièces utilisées le long de la bordure de celui-ci pour assurer l'étanchéité du dessous. C'est pourquoi les équipes ont commencé à faire des expériences sur le positionnement des éléments de suspension à l'avant, car leur position par rapport au centre de gravité global peut conférer à la voiture des propriétés anti-plongée. Cela permet de s'assurer que, si la charge s'accumule à l'avant, le plancher ne perd pas en performance lors des moments de tangage (les mouvements d'avant en arrière).
Les modifications apportées aux suspensions seront également au centre des préoccupations lors du lancement des F1 de cette année.
Le peloton est actuellement divisé sur le design de la suspension arrière. McLaren, Red Bull, Alpine, Alfa Romeo et AlphaTauri ont toutes choisi de rouler avec une suspension arrière à poussoir en 2023, probablement à des fins de disposition, tandis que les autres ont opté pour une suspension arrière à tirant, qui a fait ses preuves. En ce qui concerne la suspension avant, toutes les équipes ont opté pour des poussoirs, à l'exception de McLaren et Red Bull. Mercedes disposera d'un tout nouveau package de suspensions pour 2024 ; reste à savoir si l'écurie passera dans le camp d'en face pour mettre en place un dispositif arrière à poussoir, mais un reformatage serait possible grâce à une nouvelle boîte de vitesses.
Il s'agit d'un difficile exercice d'équilibriste. En 2022, la plupart des équipes ont essayé de faire rouler leurs voitures très bas et avec des suspensions rigides, ce qui a eu pour effet de les faire marsouiner. Mais Red Bull a excellé grâce à sa capacité à générer un niveau comparable d'appui tout en faisant rouler la voiture légèrement moins bas, tandis que Ferrari a été capable de faire en sorte que le niveau de souplesse sur les vibreurs soit suffisant pour appuyer son efficacité dans les virages à basse vitesse en 2023. L'objectif des spécialistes de la dynamique du véhicule sera de trouver la configuration qui offre finalement un peu de tout dans le domaine de la tenue de route.
Les petits ajustements techniques de 2024
En 2024, le statu quo demeure en grande partie dans le cadre réglementaire, mais il y a des retouches mineures, même si elles ne devraient avoir qu'un impact infime sur les performances. La principale nouveauté technique par rapport à la saison dernière concerne une petite ouverture sur le châssis qui permet aux pilotes de bénéficier d'un certain niveau de refroidissement en cas de chaleur extrême. Cette mesure fait suite aux conditions intenses du GP du Qatar de l'année dernière, au cours duquel Logan Sargeant a dû abandonner pour cause d'épuisement, Lance Stroll s'est plaint d'être au bord de l'évanouissement, tandis qu'Alex Albon et d'autres ont également dû recevoir des soins. L'écope de refroidissement sera située au-dessus de l'extrémité du châssis et sa taille est strictement réglementée afin qu'aucune équipe ne puisse en tirer un quelconque avantage. L'entrée d'air sera petite, mais elle devrait avoir un effet tangible sur le confort du pilote en cas de niveau d'humidité similaire.
Pour le bien du spectacle, on espère que la compréhension générale de la meilleure façon de progresser sous la réglementation actuelle offrira enfin la convergence promise
Il y a également des restrictions sur le nombre de composants de l'unité de puissance autorisés ; les moteurs à combustion interne, les turbo, les MGU-H et MGU-K ont été réduits de quatre à trois, malgré le calendrier plus long de 2024. Cela met naturellement encore plus l'accent sur la fiabilité, bien que le gel des unités de puissance signifie que les constructeurs sont en grande partie coincés avec ce qu'ils ont déjà. Il faut donc sans doute s'attendre à quelques pénalités supplémentaires sur la grille de départ lorsque la saison atteindra sa deuxième moitié.
Les cloisons de plancher et les ailettes de bord nécessitent également des modifications mineures dans leur structure ; aucun composant ou insert métallique ne sera autorisé, à l'exception des supports, des fixations et des petites zones de protection contre l'usure. Il s'agit là d'une question de sécurité, en particulier si l'un de ces éléments se détache du plancher en cas de crash. Et justement, les câbles de rétention des roues ont également été renforcés afin de limiter les risques de détachement.
Sur une note plus légère, les règles relatives à l'utilisation de flasques à LED ont été supprimées : elles avaient été initialement incluses pour "fournir des informations visuelles aux spectateurs", mais elles n'ont jamais été utilisées depuis la réintroduction des flasques de roues en 2022.
Le refroidissement des pilotes, la réduction du nombre d'éléments moteur ainsi que la structure des ailettes et des cloisons du plancher sont les principales modifications apportées aux règles techniques pour 2024.
L'importance du développement
Définir un concept pour une F1 est une chose, mais s'assurer qu'il a le potentiel de répondre positivement aux développements en est une autre. Prenez les difficultés de Haas en 2023, par exemple : l'équipe a eu du mal à apporter des évolutions tout au long de la saison car les simulations ne montraient que peu de progrès, et son important package d'améliorations du GP des États-Unis en octobre, avec le concept de ponton en rampe, n'a pas apporté le mieux attendu au niveau des performances. Au contraire, les améliorations ont été si négligeables qu'il s'agissait finalement plus d'une question de préférence entre les deux pilotes : Kevin Magnussen préférait la version la plus récente de la voiture, tandis que Nico Hülkenberg était revenu à l'ancienne.
À l'inverse, McLaren a créé une voiture qui n'était pas particulièrement rapide dans sa version initiale, mais qui a été réceptive à une série d'évolutions tout au long de la première moitié de l'année. Celles-ci l'ont catapultée du bas du classement à la lutte pour le podium, une progression que beaucoup chercheront à reproduire.
Pour le bien du spectacle, on espère que la compréhension générale de la meilleure façon de progresser sous la réglementation actuelle offrira enfin la convergence promise. Si c'est le cas, 2024 pourrait être une saison à ne pas manquer.
Quelle équipe sera la plus grosse surprise en 2024 ?
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