Analyse

Plafond financier : le feu vert soulage, le test de crédibilité demeure

Toutes les écuries de Formule 1 ont respecté le plafonnement budgétaire en 2022, mais cette annonce de la FIA, bien que provoquant un soulagement légitime, ne met pas fin aux suspicions ni à l'épreuve de force que doit endurer le système.

Les pilotes se préparent à partir pour le tour de chauffe

Après des semaines de rumeurs dans le paddock quant à une décision imminente concernant le plafonnement budgétaire, l'annonce survenue mardi selon laquelle aucune des dix écuries n'avait rien à se reprocher a soulagé beaucoup de monde. En effet, plus la FIA tardait à annoncer ses conclusions après avoir analysé les dépenses 2022, plus il y avait de risques de voir une ou plusieurs écuries jugées en infraction. Après la controverse déclenchée par les dépenses excessives de Red Bull en 2021 puis le malaise suscité par la nature de la sanction infligée, une nouvelle infraction aurait cette fois été explosive.  

La longue attente a donné lieu à des positions variables de la part des acteurs du paddock. Certaines écuries penchaient pour un feu vert donné à tout le monde par la FIA, d'autres s'attendaient à un scénario avec une sanction pour chaque équipe, tandis que quelques-uns pensaient que l'affaire se concentrerait à nouveau sur une ou deux structures ayant enfreint les règles.  

Cette année, la FIA a multiplié les enquêtes, posant également de nombreuses questions aux écuries et procédant à des inspections approfondies dans les usines. À tel point qu'aucune des écuries de pointe évoluant à la limite du plafond budgétaire n'a pris pour acquis la certitude d'être dans les clous. Les patrons d'écurie ont certainement passé du temps sur leur téléphone avec leur directeur financier pour essayer d'avoir une idée plus précise de la date à laquelle la FIA enverrait les certificats de conformité.  

La confirmation par la FIA que toutes les équipes ont respecté le règlement satisfera tout le monde, mais elle ne mettra certainement pas fin aux suspicions visant certaines écuries qui pourraient encore trouver des moyens de contourner la réglementation. Et c'est ce doute persistant, aussi infime soit-il, qui demeure la plus grande épreuve à surmonter.  

Il est en effet admis dans le paddock que le plafonnement budgétaire ne peut être une réussite que si les écuries ont une confiance totale dans le fait qu'il soit appliqué correctement. Si cette confiance disparaît, alors cet outil utile pour limiter les dépenses devient poussière.  

Le président de la FIA, Mohammed Ben Sulayem, et le PDG de la Formule 1, Stefano Domenicali.

Le président de la FIA, Mohammed Ben Sulayem, et le PDG de la Formule 1, Stefano Domenicali.

"Nous sommes dans la deuxième année du Règlement Financier, et je veux être optimiste car je vois des éléments positifs", a rappelé à Monza le PDG de la Formule 1, Stefano Domenicali. "La stabilité financière a considérablement augmenté la valeur des écuries mais, comme c'est toujours le cas lorsqu'une variable nouvelle et complexe est introduite, le système doit être à la hauteur pour la gérer, et toutes les parties concernées doivent être en mesure de le faire. La crédibilité passe par la garantie que tout soit contrôlé dans les moindres détails. Et en cas d'infraction, il doit y avoir une sanction sportive exemplaire, une sanction qui dissuade définitivement les écuries d'enfreindre les règles."

Maintenir la confiance 

Cette confiance autour du plafonnement budgétaire est importante à plus d'un titre. D'abord parce que les écuries n'ont pas accès aux comptes de leurs concurrents, ni aux motifs sur lesquels se fonde la FIA pour rendre son verdict. De même qu'il serait injuste que le législateur divulgue des informations techniques sur ce que font les écuries pour respecter le règlement, il serait absurde qu'il dévoile des détails confidentiels sur les dépenses des concurrents.  

Dans le même temps, les écuries doivent faire confiance au système, car toute contestation est désormais impossible : la décision de la FIA de délivrer des certificats de conformité au plafond budgétaire est irréversible. Contrairement aux règlements techniques, où une écurie peut porter réclamation après une course, la réglementation financière est gérée différemment.  

Certes il existe une procédure permettant aux écuries de soumettre des rapports à la FIA si elles estiment qu'un adversaire a enfreint le plafond. Cependant, il faut le faire entre le 1er janvier et le 30 avril de l'année qui suit l'exercice budgétaire concerné. Le délai est donc échu pour ce qui concerne les comptes 2022. De plus, l'article 6.11 du Règlement Financier de la Formule 1 énonce : "Il n'y a pas de possibilité de faire appel d'une décision de l'Administration du Plafond Budgétaire de délivrer un certificat de conformité à une écurie".  

Le seul changement possible au-delà de cette date peut intervenir si quelqu'un dénonce une violation des règles avec des éléments suffisants pour que la FIA juge nécessaire d'ouvrir sa propre enquête. "L'Administration du Plafond Budgétaire peut accorder une immunité partielle ou totale à toute personne physique qui révèle des faits susceptibles de constituer une infraction […] et/ou qui fournit des preuves permettant d'enquêter sur ces faits et de les sanctionner", précise le Règlement Financier.

Cette dénonciation doit intervenir dans un délai maximum de cinq ans, ce qui est en soit assez dissuasif car peu d'écuries peuvent avoir la certitude absolue de conserver un membre de leur personnel aussi longtemps. Enfreindre les règles délibérément et risquer de voir ensuite ce mauvais comportement révélé au grand jour serait un jeu dangereux.  

Des examens plus approfondis  

Malgré la persistance des soupçons, les écuries devraient au moins se réjouir de la manière beaucoup plus approfondie avec laquelle la FIA a examiné les comptes 2022 par rapport à l'année précédente. Outre le fait que l'instance a augmenté son personnel au sein du département dédié au Règlement Financier, avec désormais dix personnes à temps plein au lieu de quatre, le niveau d'analyse auquel a été soumis chaque écurie a été sérieusement relevé.  

Le départ du Grand Prix d'Italie 2023.

Le départ du Grand Prix d'Italie 2023.

Les patrons d'écurie ont révélé que leur directeur financier avait reçu des questionnaires de plusieurs pages demandant plus de 100 points de clarifications afin d'éclaircir les éventuelles zones d'ombre. De plus, les visites d'usine comportaient des entretiens avec le personnel, la vérifications de certaines pièces, et un accès donné à la FIA aux systèmes informatiques, aux messages WhatsApp et à toutes les données qu'elle souhaitait pour vérifier que rien d'anormal ne se passait. C'est un niveau de détail que de nombreux directeurs d'écurie ont apprécié, même si l'effort à fournir pour répondre à toutes les exigences a parfois été intense.  

Il faut aussi souligner que le processus de la FIA est en constante évolution, car l'instance tire des enseignements des nombreuses demandes de clarification qu'elle reçoit du directeur financier de chaque équipe. Et si cette année le feu vert a été accordé à toutes les écuries, l'influence des activités non liées à la F1 pourrait constituer un nouveau sujet brûlant jusqu'en 2024, d'autant plus qu'une directive de la FIA a été publiée à ce sujet il y a quelques mois.  

La fameuse TD45 interdit effectivement le transfert en dehors du plafonnement budgétaire d'une propriété intellectuelle d'une activité non liée à la F1 vers une écurie. Mais elle n'est entrée en vigueur qu'au 1er janvier dernier. Ainsi, même si la FIA a affirmé ce mardi que l'analyse 2022 reposait entre autres sur un "contrôle approfondi" dans ce domaine, il faut s'attendre à ce que cela soit creusé davantage encore à l'avenir.  

Attraper les tricheurs  

La nature ultra-compétitive de la F1 génère une paranoïa constante sur ce que fait chaque concurrent, qu'il s'agisse d'éléments de la voiture, de systèmes astucieux ou de dépenses contournées, et les soupçons ne cesseront jamais. Néanmoins, le fait que pendant l'enquête si peu d'écuries se soient montrées totalement confiantes en leur propre innocence en dit long sur la rigueur des contrôles. Cela devrait garantir le fait que tout agissement malveillant aurait été découvert. "Si quelqu'un s'est montré cavalier ou a triché, on le découvrira", confiait le directeur de Mercedes, Toto Wolff, en début d'année.  

Pour que le plafonnement budgétaire soit une réussite, il est essentiel que ceux qui l'enfreignent soient pris en flagrant délit. Il s'agit sans doute du changement réglementaire le plus important jamais mis en place par la F1 pour assurer la survie des écuries, et tout doit donc être fait pour qu'il soit maintenu et qu'il fonctionne. C'est pourquoi la réaction des écuries au cours des prochaines semaines suscitera beaucoup de curiosité, qu'elles accueillent favorablement le verdict de la FIA ou qu'elles le remettent en question.  

Toto Wolff, directeur de l'écurie Mercedes.

Toto Wolff, directeur de l'écurie Mercedes.

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