Portrait

Quartararo, le champion qui a changé les règles, comme Márquez

Précoce quand il dominait tous les championnats espagnols, Fabio Quartararo a été jusqu'à pousser à la mise en place d'un changement de règlement, comme Marc Márquez quelques années plus tôt. Son parcours mondial s'est pourtant révélé compliqué, jusqu'à la révélation une fois arrivé dans la catégorie MotoGP.

Marc Marquez, Repsol Honda Team, avec le Champion du monde Fabio Quartararo, Yamaha Factory Racing

Marc Marquez, Repsol Honda Team, avec le Champion du monde Fabio Quartararo, Yamaha Factory Racing

Gold and Goose / Motorsport Images

Le MotoGP a consacré cette année un nouveau champion, Fabio Quartararo. Arrivé en Grand Prix en 2015 grâce à un changement de règlement ayant abaissé l'âge minimum d'entrée spécifiquement pour lui, le Français a longtemps été comparé à Marc Márquez, notamment pour cette raison, avant de connaître une ascension tortueuse, assez atypique de nos jours.

Né à Nice le 20 avril 1999, le jeune Fabio commença la moto à quatre ans. D'emblée piqué par la passion des deux-roues, d'abord les trottinettes puis les motos, et très vite repéré pour sa maîtrise des engins autant que pour sa vitesse, l'enfant prodige put compter sur le soutien parental pour disputer de premières courses, s'éloignant régulièrement de sa région PACA pour passer les frontières italienne ou espagnole. Et puis il s'installa tout bonnement de l'autre côté des Pyrénées et il y gagna tout. Vainqueur de la Coupe catalane Promovelocidad dans les catégories 50cc (2008) et 70cc (2009), il s'imposa ensuite dans le Championnat méditerranéen de vitesse, en 80cc (2011) et Pré-Moto3 (2012), avant d'accéder au Championnat d'Espagne de Moto3.

Pour ses débuts à l'échelon le plus élevé de la course moto dans le pays, il pilotait une FTR-Honda de l'équipe Wild Wolf Racing, dirigée par l'ancien pilote Juan Bautista Borja. Deuxième de sa première course dans la catégorie, à Barcelone, il manqua le top 5 lors des cinq épreuves suivantes et glissa dans le classement. Mais celui que l'on surnommait déjà El Diablo allait pourtant réussir à remporter les trois dernières et à chiper le titre à Marcos Ramirez pour un point d'écart.

Fabio Quartararo devenait alors le deuxième pilote non espagnol à remporter le CEV, après Stefan Bradl en 2007. Et à 14 ans et 218 jours, il s'emparait du record de précocité, précédemment détenu par Aleix Espargaró. Il avait brillé à tous les échelons et venait désormais d'accrocher à son palmarès le titre devant servir de sésame pour intégrer le Championnat du monde. Problème, il était encore loin des 16 ans requis pour cela, un minimum d'âge qui avait été revu à la hausse en 2010.

Resté en CEV en 2014, Quartararo passa alors à l'équipe junior Estrella Galicia 0,0 dirigée par Emilio Alzamora. Avec une Honda, l'Azuréen écrasa sa discipline en remportant neuf courses et en terminant deuxième des épreuves qu'il n'avait pas pu s'adjuger, pour sceller une nouvelle victoire au championnat avec cette fois pas moins de 127 points d'avance. Son nom avait alors traversé la frontière pour commencer à circuler dans les allées du paddock mondial. On parlait de ce "nouveau Márquez" qui avait tout d'un petit prodige et promettait de faire vivre de belles heures aux Grands Prix. Pourtant, selon le règlement, il allait encore devoir attendre et redoubler une nouvelle fois ses classes en Espagne.

En août 2014, la Commission Grands Prix annonça cependant une modification du règlement qui allait tout débloquer. Si l'âge minimum requis pour courir en Grand Prix restait de 16 ans, une exception était concédée à destination des jeunes pilotes titrés en FIM CEV Moto3. Quatre lignes qui allaient tout changer : "Dans la catégorie Moto3, une exception en faveur du vainqueur du Championnat FIM Moto3 Junior permettra à celui-ci de concourir dans la catégorie Moto3 du Championnat du monde FIM des Grands Prix de la saison suivante, même s’il n’a pas atteint l’âge minimum de la classe."

Il n'en fallait pas plus pour que cette nouvelle règle soit surnommée "la loi Quartararo", le jeune pilote devant fêter ses 16 ans le 20 avril 2015. S'il avait dû attendre de passer ce cap, il aurait manqué les trois premières courses de la saison mondiale avant d'enfin pouvoir s'aligner sur la grille Moto3. En 2002, cela avait été le cas de Jorge Lorenzo, arrivé en cours de week-end durant le troisième Grand Prix, ses 15 ans (l'âge requis à l'époque) correspondant au jour des qualifications.

Deux ans plus tôt, un autre talent précoce nommé Marc Márquez avait lui aussi été à l'origine d'un changement de règles. Jusqu'alors, en effet, il était établi que les rookies ne pouvaient faire leurs débuts dans la catégorie MotoGP sur une moto d'usine. Cette règle fut supprimée en juin 2012, devenant ainsi "la loi Márquez" puisque le pilote espagnol, lancé dans sa quête du titre Moto2, allait bientôt être officialisé dans la catégorie au sein de l'équipe Repsol Honda.

Fabio Quartararo, Estrella Galicia 0,0

Fabio Quartararo durant sa première saison en Moto3, en 2015

Depuis 2015, l'exception mise en place pour Fabio Quartararo a encore été retouchée, afin d'étendre la possibilité d'accéder aux Grands Prix avant 16 ans au vainqueur de la Red Bull Rookies Cup, et non plus uniquement à celui du FIM CEV Moto3. À l'origine de ce nouveau changement, les jumeaux Can et Deniz Öncü, qui s'illustraient alors dans la formule de promotion et qui étaient déjà demandés dans le Championnat du monde. Can Öncü allait ainsi créer la sensation en devenant cette année-là le plus jeune vainqueur en Grand Prix, lorsqu'il a remporté la course de ses débuts, le Grand Prix de Valence qu'il disputait en tant que wild-card après avoir triomphé dans la Red Bull Rookies Cup.

La tendance au rajeunissement des plateaux a toutefois été stoppée cette saison, marquée par les tragiques accidents de jeunes pilotes. L'âge minimum pour intégrer le Championnat du monde va désormais être porté à 18 ans et aucune exception du type de celle dont a bénéficié Fabio Quartararo n'apparaît pour le moment dans le règlement.

Un titre qui tord le cou au schéma classique

Malgré la précocité qu'il a affichée à l'adolescence et le palmarès particulièrement fourni qu'il s'est constitué en Espagne, le cas de Fabio Quartararo peut servir de contre-exemple aux aspirants champions de demain par rapport au schéma classique d'accession au plus haut niveau des Grands Prix. Car s'il était allègrement comparé à Marc Márquez durant ses années de formation, le Français ne confirma pas ce statut durant ses premières saisons dans les petites catégories mondiales.

Cela avait pourtant bien débuté, avec un premier podium dès son deuxième Grand Prix, à Austin, puis une première pole position à sa quatrième tentative, à Jerez. Il courait alors pour l'équipe Monlau, avec laquelle il avait remporté quelques mois plus tôt son deuxième titre en CEV, mais malgré cet encadrement rompu aux succès et son talent, il allait perdre pied au fil de la saison, jusqu'à décider de changer d'équipe en fin d'année, au grand dam d'Emilio Alzamora. Celui qui avait été à l'origine du changement de règlement lui ayant permis de faire son entrée en Grand Prix, en militant pour sa cause auprès de Carmelo Ezpeleta, se voyait privé de jeune talent encore à façonner.

Passé chez Leopard en 2016, où il retrouvait Christian Lundberg, avec qui il avait remporté son premier titre espagnol en 2013, Quartararo ne trouva jamais sa place aux côtés de ses coéquipiers Joan Mir et Andrea Locatelli, et ne pu obtenir aucun podium. Malgré un bilan maigre après ces deux premières années mondiales, il passa en 2017 à la catégorie Moto2, recruté par Sito Pons. Ce fut un nouvel échec, le Français n'apparaissant jamais dans le top 5 à l'arrivée des courses. Son parcours mouvementé le mena alors à rejoindre la structure plus familiale du team Speed Up, et ce fut le déclic.

Vainqueur à Barcelone et deuxième à Assen, il réussit à se faire remarquer durant la première moitié du championnat, alors même qu'il avait touché le fond au deuxième Grand Prix, en Argentine, avec une qualification en 28e position dont il se souvient aujourd'hui encore. Sa confiance retrouvée, il redevint un candidat intéressant pour les équipes, précisément au moment où le team Petronas SRT était à la recherche d'un pilote pour se lancer en MotoGP. Un temps pressenti, Dani Pedrosa décida de raccrocher et c'est sur Fabio Quartararo que Razlan Razali accepta de miser aux côtés de Franco Morbidelli, déjà recruté.

Le reste appartient désormais à l'histoire. Rookie de l’année en 2019, avec sept podiums et six poles, le Niçois se frotta très vite à Marc Márquez, qui vit en lui son adversaire le plus redoutable pour 2020. Finalement absent du championnat, l'Espagnol assista à distance aux premières victoires du #20 et à sa prise de pouvoir sur le championnat, avant son recul en fin de saison. Remobilisé pour 2021, Quartararo a cette fois réussi à réunir toutes les pièces du puzzle pour s'imposer et il est devenu, à 22 ans et 187 jours, le sixième plus jeune pilote titré dans la catégorie reine, derrière John Surtees (22 ans et 182 jours), Mike Hailwood (22 ans et 160 jours), Casey Stoner (21 ans et 342 jours), Freddie Spencer (21 ans et 258 jours) et le recordman, Marc Márquez (20 ans et 266 jours).

Par son parcours impressionnant en MotoGP et cette domination sur le championnat 2021, Fabio Quartararo a prouvé que ses difficultés dans les catégories inférieures n'avaient pas été un obstacle pour atteindre son but et devenir le premier Champion du monde français de la catégorie reine. Il est le 17e pilote à avoir remporté le titre 500cc/MotoGP sans avoir jamais été Champion du monde auparavant, ce qui n'était plus arrivé depuis Casey Stoner en 2007. Juste avant l'Australien, il y eut Nicky Hayden en 2006, l'Américain étant même le dernier exemple d'un pilote titré en MotoGP en ayant intégré les Grands Prix directement par la catégorie reine.

Historiquement, il était plutôt habituel de voir des pilotes américains et australiens arriver directement en 500cc, mais pour trouver un Européen titré au plus haut niveau sans avoir précédemment remporté les championnats inférieurs, il faut remonter à 1982, avec l'exemple de Franco Uncini. À l'inverse de Quartararo, désormais un grand nom du MotoGP alors qu'il y est arrivé en comptant seulement une victoire sur un total de quatre podiums en quatre saisons Moto3 et Moto2, bon nombre de ceux qui ont remporté les titres de ces catégories au cours de la dernière décennie ont disparu du Championnat du monde avant leurs 30 ans...

Le Champion du monde Fabio Quartararo, Yamaha Factory Racing

Fabio Quartararo après sa victoire au championnat MotoGP

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