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Les cinq clés du génie de Lewis Hamilton

Vainqueur des trois derniers titres consécutifs, écartant autoritairement tous ses rivaux, qu'ils soient en dehors ou dans sa propre équipe, Lewis Hamilton s'est sans doute établi comme le meilleur pilote de sa génération. Mais qu'est-ce qui rend le Britannique si fort ?

Le vainqueur Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1, dans le Parc Fermé

Le vainqueur Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1, dans le Parc Fermé

Andy Hone / Motorsport Images

Les saisons 2017 et 2018 avaient été présentées comme un affrontement épique entre deux Champion multi-titrés, une lutte pour la suprématie entre deux pilotes grandioses, taillés dans la même étoffe, mus par des machines différentes mais tout aussi prestigieuses : Lewis Hamilton chez Mercedes et Sebastian Vettel chez Ferrari. Ce duel de titans a finalement débouché sur deux couronnes mondiales pour le Britannique, qui aura dans les deux cas fait s'effondrer le défi proposé par le duo germano-italien. Que le grain de sable dans la mécanique de Maranello s'appelle fiabilité, friabilité, imprécision, manque de rigueur, etc., le résultat est toujours le même : c'est Hamilton qui a rejoint Fangio dans la légende.

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La saison 2019 devait sonner comme une revanche. Tout le monde s'y préparait. Ferrari s'est mis en ordre de bataille, a choisi de faire confiance à la jeunesse et au talent de Charles Leclerc aux côtés d'un Vettel intronisé dès le début comme le leader naturel. Finalement, tout s'est rapidement écroulé et, pendant que la Scuderia ployait sous le poids d'une philosophie aéro non encore maîtrisée, d'une gestion des pilotes discutable et d'une fiabilité chancelante, Hamilton prenait progressivement le large sur son seul adversaire, Valtteri Bottas. Et même si le Finlandais a montré du mieux, il n'est pas lui faire injure de dire qu'il en manque encore pour espérer pousser son équipier dans ses retranchements.

Bilan : Hamilton est désormais seul dans la légende avec six titres, un seul pilote ayant fait mieux que cela. Le Britannique est le roi incontesté de la F1 moderne. Et voici les qualités sur lesquelles il a su bâtir sa domination.

1. Le talent pur pour le pilotage

Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 W10

Hamilton n'a jamais manqué de vitesse pure, en particulier sous la pression de l'exercice des qualifications. En 2017, en Italie, sous la pluie, il s'est permis de ravir, devant les tifosi, le record de poles à Michael Schumacher. Ce record est aujourd'hui à 88 poles, 20 de plus que le Baron Rouge.

La pluie, justement, le Britannique y brille très souvent même si en Allemagne cette année, une micro erreur lui aura coûté très cher en l'envoyant sur la patinoire de la piste de dragster d'Hockenheim. Mais un an auparavant, sur le même circuit, sa vitesse démoniaque en gommes slicks sur un tracé humide avait poussé Vettel à la faute et fait dérailler la saison du pilote au numéro 5.

Mais il ne s'agit pas seulement d'être un pilote incroyablement bon. Le génie de Hamilton réside dans sa capacité à se montrer à son meilleur niveau lors des moments-clés, et à trouver de nouvelles manières de progresser pour ne pas être sous l'éteignoir de ses rivaux, et notamment de la nouvelle génération qui débarque. Ces trois dernières saisons ont regorgé d'exemples de cela, que ce soit en qualifications ou en course.

Mais son plus grand talent est peut-être encore ailleurs, dans la capacité d'Hamilton à élargir ses horizons, à se concentrer sur le moindre détail pouvant rendre sa vie plus simple et l'aider à être aussi constant au haut niveau. "Depuis que je suis en Formule 1, j'ai la capacité de piloter comme je le fais aujourd'hui", disait-il après son cinquième titre en 2018. "Mais naturellement, chaque année vous essayez toujours de mettre la barre plus haut, de travailler dans tous les domaines : comment se préparer, comment se mettre dans le bon état d'esprit, comment être performant dans la voiture avec votre ressenti, comment apprendre à équilibrer la voiture et [évaluer] les risques par rapport aux bénéfices, comment vous communiquez avec les gars avec lesquels vous travaillez étroitement, pour extraire le meilleur en eux."

En maintenant l'intensité nécessaire à la victoire, saison après saison, l'énergie trouvée par Hamilton en étant libre de faire ce qu'il veut et d'aborder la Formule 1 de la façon qui est la sienne ne doit pas être sous-estimée. C'est assurément un composant clé dans l'alchimie qui lui a permis de devenir encore meilleur.

2. La confiance en soi

Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1, 1st position, celebrates victory

Vettel a souvent été décrit, à juste titre, comme un pilote avec une résilience extraordinaire sur le plan mental, à savoir sa capacité à absorber très rapidement le choc de ses erreurs et les mettre de côté, presque comme si rien ne s'était passé. S'il le pouvait, il ne changerait rien au fameux départ de Singapour 2017, puisqu'il a toujours affirmé qu'il n'aurait jamais pu prévoir le départ fulgurant de Kimi Räikkönen depuis la seconde ligne sur la grille. De même, sa sortie de piste au Grand Prix d'Allemagne 2018 n'est qu'une simple erreur, aux grosses conséquences. Il n'y a plus rien à faire, il faut avancer. Mais cette attitude ne peut pas masquer le fait que Vettel craque régulièrement sous la pression.

Quadruple Champion du monde ou pas, cela doit ronger votre confiance. Sans doute parfois jusqu'à créer une spirale négative comme celle qui l'a complètement noyé en fin de saison 2018 et dont les effets se sont encore fait sentir en 2019. Une erreur en engendre une autre, qui en engendre une autre et, avant que vous ne vous en rendiez compte, les gens remettent en doute vos capacités et se demandent si vous avez encore "le niveau".

Par le passé, Hamilton a connu de nombreux "jours sans". Fernando Alonso a longtemps été considéré comme un meilleur pilote, en tout cas un pilote plus complet, notamment parce que l'Espagnol ne connaissait pas de trous tels que ceux dans lesquels le Britannique pouvait tomber de façon imprévisible et inéluctable.

Mais les trois dernières saisons, qui ont permis à Hamilton de devenir sextuple Champion du monde, suggèrent qu'il a évolué vers une perspective plus robuste, plus implacable, avec une plus grande capacité à aller puiser en lui et à trouver ce dont il a besoin pour parvenir à faire le travail quand les choses ne vont pas dans son sens. "Habituellement, ce qui se passe dans ce genre de scénarios, c'est que vous sur-pilotez. Ça vient avec l'expérience, de ne pas sur-piloter, de presque laisser les choses venir un peu à vous dans la voiture. Le sur-pilotage contrôlé est quelque chose que je peux faire. Nous sur-pilotons tous à certains moments [...] pour faire face aux problèmes avec les pneus ou autre."

Tous les pilotes doivent combattre le besoin de sur-compenser les limites de leur voiture. Comme Hamilton le reconnaît, il en est aussi parfois coupable. Mais sa perspective aujourd'hui a changé et la limitation des dégâts n'est plus un gros mot. Faire évoluer son pilotage au rythme où la voiture s'améliore au fil de la saison, en acceptant de faire le dos rond, est une des grandes qualités du Hamilton de la période 2017-2019, cela ayant été particulièrement notable lors des secondes parties des saisons 2017 et 2018, quand il a extrait tout ce qu'il était possible d'extraire de ses voitures, en phase de progression, alors que Vettel peinait à limiter les dégâts au moment où Ferrari stagnait. 

La confiance d'Hamilton en ses capacités lui offre un plus grand sens de la mesure et l'éloigne des risques inutiles parfois pris par certains de ses concurrents. 

3. La supériorité dans les confrontations directes

Bataille entre Sebastian Vettel, Ferrari SF90 et Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 W10

La capacité d'Hamilton à gérer brillamment les situations de luttes roue contre roue n'est pas seulement liée au fait qu'il fait se produire des choses en course et peut dépasser ses rivaux. Hamilton n'est peut-être pas le "dépasseur" le plus spectaculaire de la F1. Mais il n'en est pas loin. Et ce qui est peut-être le plus extraordinaire est sa faculté à rapidement évaluer quel niveau de risque et quel niveau de récompense ces situations peuvent apporter.

Durant les trois premières saisons de l'ère turbo hybride, Hamilton l'a démontré dans le duel fratricide avec Nico Rosberg. L'Allemand est rarement ressorti vainqueur de leurs confrontations directes, au point d'employer à plusieurs reprises des méthodes à la légalité discutable pour tenter d'y parvenir, avec un succès modéré.

Durant les trois dernières, il s'est souvent frotté à Vettel. Il n'est pas vraiment nécessaire d'insister sur les erreurs de l'Allemand, mais elles traduisent, et parfois de façon directe, que s'il n'est sans doute pas aussi mauvais que d'aucuns ont bien voulu le dire, il manque en tout cas d'une certaine dose de constance et de précision dans ces situations.

Le meilleur exemple est peut-être le Grand Prix de Bahreïn 2019, qui plus est lors d'une course où Ferrari possédait la meilleure voiture. En lutte pour la seconde position, Hamilton s'est servi d'un vent de face pour dépasser par l'extérieur, dans le difficile virage 4, un Vettel qui n'a eu pour seule réponse qu'un énorme survirage dû à une accélération trop franche qui l'a envoyé en tête-à-queue. Le pilote au numéro 5 est souvent apparu légèrement maladroit dans ce type de luttes, comme son héros d'enfance Michael Schumacher, alors que l'époque où Hamilton s'accrochait de façon répétée avec Felipe Massa semble loin derrière lui.

Hamilton n'a malgré tout pas une domination totale sur ses adversaires, considérant parfois qu'une attaque ou une résistance trop âpre lui desservirait plus qu'autre chose. Certaines luttes avec Max Verstappen ces dernières saisons l'ont montré : en Malaisie, en 2017, il n'offre qu'une défense modérée face au Néerlandais au moment de lutter pour la tête ; aux États-Unis, en 2018, il sort bien trop large de l'enchaînement de virages du dernier secteur en tentant de dépasser le #33 tout en se ménageant une marge de sécurité alors que le titre n'était pas assuré ; en Hongrie, en 2019, son attaque osée au virage 4 l'a une nouvelle fois vu garder ses distances face au pilote Red Bull.

C'est un autre exemple de ce qui fait sa force : le discernement. Il faut parfois refuser, provisoirement ou indéfiniment, le combat, et surtout face à des adversaires qui ne jouent pas sur le même tableau. Le cas de Monza cette année est également révélateur : certes, la lutte avec Charles Leclerc est allée loin du côté du Monégasque, mais pas du côté du Britannique. Celui qui n'était alors "que" quintuple Champion du monde a cédé pour ne pas tout perdre.

"La discipline est la clé de la réussite", a expliqué Hamilton au sujet de son approche globale des courses. "L'expérience de savoir quand attaquer et comment ne pas attaquer ; tout ne se gagne pas dans le premier virage ou même dans le deuxième. Il faut toujours penser au jeu sur le long terme, mais aussi à maximiser à court terme."

4. La force mentale

Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1

On dit souvent que dans le sport de haut niveau, la victoire ou la défaite se jouent tout autant dans les recoins de l'esprit d'un athlète que sur le terrain. Nico Rosberg avait mené cette guerre dans un effort concerté (qui s'est finalement avéré réussi) pour briser Hamilton et combler son déficit au niveau du pilotage. Vettel ne manque pas de force mentale, mais il est un être émotif et ces émotions prennent par moment le dessus sur lui.

Hamilton n'est pas un robot non plus, mais il semble avoir tiré une leçon de son expérience avec Rosberg. Il semble y avoir en lui une nouvelle force. Valtteri Bottas a été submergé, pour s'assurer que la menace ne viendrait pas de l'intérieur, et il remue souvent subtilement le couteau dans la plaie de Vettel à l'extérieur de la voiture, comme par exemple quand, en 2018, il avait dit avoir attendu le dernier tour de Q3 en Australie pour signer une pole autoritaire car il voulait "effacer le sourire de [son] visage".

Le célèbre incident sous Safety Car de Bakou en 2017, quand Vettel a mis un coup de roue délibéré au Britannique, a révélé une fragilité que Hamilton a su pouvoir exploiter. 

Il n'y peut-être pas de meilleure métaphore visuelle de la supériorité de Hamilton dans ce domaine que la vidéo de 2018 le montrant sereinement remonter la ligne des stands sur sa trottinette en contournant Vettel au dernier moment alors que son rival, qui paraît frustré, s'écarte presque du chemin et interrompt sa course. Le langage corporel crie "Je t'ai eu exactement où je le voulais".

"Je ne pense jamais 'Je te tiens'", a cependant répliqué Hamilton. "Je n'utilise pas cela mentalement. Mais regardez [le champion du boxe Floyd] Mayweather : je ne pense pas l'avoir déjà vu ne pas avoir l'air de savoir qu'il allait gagner, même si son adversaire est plus grand ou autre."

Il peut ne pas le penser mais en Italie en 2018 par exemple, il a piloté comme s'il "tenait" Ferrari à Monza et Hamilton a même décrit cette course, où il a battu les deux pilotes de la Scuderia en partant derrière eux sur la grille pour l'emporter devant des tifosi médusés, comme étant "probablement le coup le plus dur sur le plan psychologique" qu'il ait pu infliger en 2018. 

Hamilton tempère cela mais il sait également que les choses peuvent vite tourner en votre défaveur si vous laissez vos adversaires vous faire perdre la tête...

5. La construction d'une équipe

Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 celebrates with Toto Wolff, Mercedes AMG F1 Director of Motorsport

Michael Schumacher est souvent considéré comme la référence quand il s'agit d'évoquer la capacité à inspirer les gens autour de soi pour accomplir de grandes choses et atteindre de nouveaux sommets. Il a été le pilier central autour duquel Jean Todt et d'autres ont changé le destin de Ferrari après une terrible période au début des années 1990. 

La Scuderia a beaucoup progressé durant les trois premières saisons après l'arrivée de Vettel, mais la pièce finale du puzzle continue de lui échapper depuis 2017. Maurizio Arrivabene disait, avant de quitter son poste de directeur de Ferrari, que Maranello avait les moyens de gagner mais se rendait coupable de céder sous la pression. Le double échec de 2017 et 2018 a d'ailleurs sans doute contribué à l'arrivée de Leclerc aux côtés d'un Vettel dont il est possible de penser qu'il n'a plus totalement convaincu au sein de sa propre équipe. Et le fait d'avoir été battu dès la première année de collaboration avec le Monégasque valide peut-être plus encore ce choix, a posteriori.

Hamilton, d'un autre côté, a galvanisé Mercedes face à la nouvelle menace qu'à constitué Ferrari. L'Étoile a placé toute sa confiance en lui, lui permettant d'aborder le challenge de la F1 à sa façon, et ils récoltent les fruits de cet investissement. Vettel est peut-être le pilote qui a le plus été inspiré par les méthodes de Schumacher, mais au fur et à mesure c'est Hamilton qui semble en être le digne héritier.

"J'ai ce grand groupe de personnes à utiliser ; ils sont mes outils, mes soldats", lançait Hamilton en fin de saison passée. "Si ces gars n'étaient pas aux bonnes positions, je ne pourrais pas extraire ce que j'ai en moi. Mon travail est d'essayer d'extraire le maximum de chacune des personnes ici. La façon dont vous l'entretenez et en tirez parti a été déterminante cette année. On s'est vraiment écoutés et on s'est vraiment battus."

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