Le premier test "sidérant" de Schumacher en F1
Longtemps pilote le plus victorieux de l'Histoire de la Formule 1 avant d'être détrôné par Lewis Hamilton, Michael Schumacher avait impressionné dès ses premiers tours de roue au volant de la Jordan 191, révèle Andrew Green.

C'est moins d'une semaine avant ses débuts en Grand Prix, et quelques jours seulement après l'arrestation du pilote Jordan Bertrand Gachot pour l'agression d'un chauffeur de taxi, que l'écurie irlandaise a fait appel à Michael Schumacher, grâce à l'insistance de son manager Willi Weber. Jordan a invité l'Allemand de 22 ans à tester la Jordan 191, et le résultat a époustouflé Andrew Green qui, déjà à l'époque, faisait partie des techniciens de la structure désormais dénommée Aston Martin.
"J'étais son ingénieur données à l'époque, en plus de concevoir la suspension et de m'occuper des essais en soufflerie. Telle était la nature de l'équipe, nous avions tous plusieurs casquettes", se remémore Green dans le podcast Beyond The Grid. "Nous nous sommes rendus sur la version Sud du circuit de Silverstone, de l'autre côté de la route par rapport à notre usine, à l'été 1991. M. Gachot s'est trouvé dans l'illégalité, et Eddie a dit : 'On va tester ce Michael Schumacher, il va courir pour nous à Spa'. Aucun d'entre nous ne savait grand-chose à son sujet. À l'époque, nous n'avions pas Google pour essayer de savoir ce qu'il faisait."
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"Je crois que Trevor Foster était son ingénieur à l'époque. [Michael] est monté dans la voiture, a fait ses premiers tours, et on voyait d'emblée qu'il attaquait. On sait qu'il ne faisait pas des manières. Et devant nous, il y avait une assez grosse zone de freinage. En seulement deux ou trois tours, tous les freins étaient au rouge et on voyait qu'il attaquait vraiment fort. Et Trevor l'a fait rentrer au stand après son premier run. Il a dit : 'Je sais que tu découvres. Tu devrais sûrement ralentir un peu. N'attaque pas trop fort, trop tôt.' Et Michael l'a regardé, interloqué. 'Je n'attaque pas encore. Je n'attaque pas, là. Je suis en train de comprendre la voiture.'"

"Et [Foster] a répondu : 'D'accord, alors… qu'est-ce que tu comprends de la voiture ?' Et Michael a récité les caractéristiques de la voiture comme nous les avions entendues dans la bouche des pilotes lors des courses précédentes, jusqu'aux détails mineurs du comportement de la voiture et de la manière dont elle pouvait être utilisée. Même pas seulement ce qu'étaient les caractéristiques mais comment elles pouvaient être utilisées dans une course et comment nous devrions régler la voiture pour la course afin de contribuer à ceci ou de changer cela."
"Et nous étions complètement sidérés. Nous n'avions jamais vu quelqu'un monter dans la voiture pour la toute première fois et être capable de nous dire exactement ce que faisait la voiture et comment nous devrions la régler. Et ça, c'était en cinq ou six tours, je crois. Il savait exactement ce que faisait la voiture. Ses commentaires rejoignaient complètement [ceux d'Andrea de Cesaris et Gachot]. Et ils pilotaient la voiture depuis une demi-saison. Lui l'a fait en six tours. Il nous était clair que ce gars-là était relativement talentueux."
Et sur le Circuit de Spa-Francorchamps où il a écrit une grande partie de sa légende, Schumacher s'est illustré dès les essais libres, relégué à une demi-seconde de son coéquipier Andrea de Cesaris lors de la première séance, avant de lui coller 2,7 secondes dans la deuxième. Lors des deux phases des qualifications, ce sont neuf puis huit dixièmes qui séparaient les pilotes Jordan, à l'avantage de l'Allemand. Ce dernier a malheureusement été trahi par son embrayage dès la première boucle de la course.
"Son talent était juste évident, dès les premiers tours", affirme Green. "Il était juste extrêmement rapide. Et Andrea… il s'est fait surprendre. Il ne s'attendait pas à ce qu'un coéquipier débarque et lui montre comment piloter. Mais il faut reconnaître à Andrea qu'il s'est simplement mis à travailler dur. Il a épluché sans relâche les données de Michael, dès la première fois qu'il s'est rendu compte que Michael était extrêmement rapide. Il a tout épluché. Et il s'est hissé au niveau de Michael ce week-end-là."

"Bref, la rapidité de [Michael] était éblouissante. Je pense que sans nos quelques problèmes, malheureusement, lors de cette course… Michael manquait évidemment d'expérience sur les départs, ce pour quoi il ne pouvait pas s'entraîner, et il s'est fait prendre au piège. Malheureusement, il a cassé l'embrayage au départ. Mais cette voiture n'allait jamais finir la course, de toute façon. Le moteur avait été modifié. Nous ne nous en étions pas rendu compte avant, et il consommait trop d'huile. Il n'y avait donc pas suffisamment d'huile dans le réservoir pour finir la course, mais Andrea a montré ce dont la voiture était plus ou moins capable. Et il était bien parti pour signer un résultat phénoménal, sans aucun doute, mais il en a été autrement."
Tandis qu'Alain Prost, Gerhard Berger et Jean Alesi – qui menait la course – ont été trahis par la mécanique, Andrea de Cesaris réalisait effectivement une performance remarquable et a profité des abandons devant lui pour se hisser à la deuxième place… avant que son moteur ne lui fasse défaut à trois tours du but. Et Green est convaincu que Schumacher aurait lui-même pu monter sur le podium s'il avait conclu la saison avec Jordan au lieu de rejoindre Benetton : "Sans le moindre doute. À Spa – avec des si, on met Paris en bouteille – il pouvait jouer la première ou la deuxième place. J'aurais mis mon argent sur lui."

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À propos de cet article
Séries | Formule 1 |
Pilotes | Michael Schumacher |
Équipes | Jordan |
Auteur | Benjamin Vinel |
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