De quoi Visa Cash App RB est-il le nom ?
Visa Cash App RB, voici un nom qui a déjà énormément fait parler depuis son officialisation. Pourtant, ce qui se cache derrière cette nouvelle appellation n'a rien de vraiment nouveau en Formule 1.
Face au titre de cet article, les plus drôles d'entre les lecteurs répondront "d'une écurie". Et c'est vrai que c'est drôle, mais c'est aussi, tout simplement, une réalité.
Depuis l'annonce, déjà pressentie suite à ce qui ressemblait à une maladresse de la part de l'équipe sur ses réseaux sociaux, du changement de nom d'AlphaTauri en Visa Cash App RB, chacun y est allé de son commentaire. Pour ce qui est de l'aspect esthétique ou agréable du nom, tout le monde aura son avis sur la question, et ce n'est pas très important. Quoi qu'on en pense, ce sujet n'en sera bientôt plus un, quand chacun se sera habitué. Après tout, les commentateurs ou fans de cyclisme parviennent bien depuis des décennies à citer les noms complets des équipes sans rechigner.
Mais une partie des avis globalement très négatifs à la réception de cette information reposaient sur l'idée que ce nom était le symbole d'une tendance de fond dérangeante pour la Formule 1, que cela montrait que la discipline était en mutation avec des intérêts commerciaux, marketing, plus décomplexés et invasifs que jamais. Et là, en revanche, on ne peut pas être d'accord.
Insérer (plus ou moins intelligemment) des sponsors dans des noms d'écuries, voire carrément ne pas utiliser le nom usuel de l'équipe/du constructeur dans son nom officiel, ce sont là des pratiques qui ne datent pas d'hier. De "Gold Leaf Team Lotus" en 1968 à "Aston Martin Red Bull Racing" en 2018, en passant par "Marlboro Team Texaco" (McLaren) en 1974, "Fila Sport" (Brabham) en 1983 ou bien "Red Bull Sauber Petronas" en 1997, les exemples ne manquent pas. Les listes d'engagés pour les Grands Prix sont pleines de ces opérations marketing qui, à en juger par certaines réactions, montreraient que la F1 des années 2020 aurait particulièrement changé.
Non, la F1 n'a pas changé sur ce plan. Et ce qui n'a pas changé non plus, c'est qu'une identité reste une chose importante pour une marque. Car dans tous les exemples cités plus haut, et qu'importe l'importance que pouvait avoir ces sponsors, il ne reste aujourd'hui que les noms des constructeurs historiques comme repères essentiels. Paradoxalement, le cas de Visa Cash App RB nous le rappelle en négatif.
Un plan très bien mené par Red Bull
Le logo de l'équipe "Oracle Red Bull Racing".
On peut le regretter, mais le plan mis en place par Red Bull pour sa seconde écurie est très intelligent. En réduisant à peau de chagrin le nom qui aurait pu être utilisé pour désigner l'équipe sans parler de ses sponsors, à savoir "RB", l'on se retrouve, notamment dans les médias, un peu contraints de citer les sponsors.
Dire "AlphaTauri" ou Toro Rosso", c'est évidemment impensable car faux ; dire "Racing Bulls", ce n'est pas faire référence à l'écurie engagée dans la discipline mais à l'entreprise derrière elle (comme Sauber était l'entreprise derrière "Alfa Romeo" et sera derrière "Stake", comme "Manor" était l'entreprise derrière "Marussia" en 2015) ; dire "RB", ce serait la pratique la plus proche de ce qui a cours, mais c'est assez maigre, pas forcément très parlant et surtout risque de créer une confusion avec l'autre écurie de Red Bull. Alors "Visa Cash App RB", certes ça accroche un peu, mais pour le moment, cela ressemble à la solution à la fois la plus respectueuse des faits et la moins susceptible de créer la confusion.
Au final, et alors même que l'on n'a pas encore vu à quoi ressemblerait leur voiture, c'est à l'avenir que l'on saura si ce nom restera ou pas, si une pratique se démocratisera : peut-être finira-t-on tous par adopter "Racing Bulls" dans un élan de contestation du modèle ou bien, pour respecter la coutume, généralisera-t-on "RB". D'aucuns militent pour que l'acronyme "VCARB" (prononcé "vicarb") soit utilisé, puisque c'est comme ça que l'on désigne l'équipe en interne. Mais en faisant ce choix, la tâche n'est pas aisée pour les commentateurs en particulier. C'est tout le principe de ce que Peter Bayer, le PDG de l'écurie, évoquait quand il parlait de façon décomplexée d'une identité "générique" fin 2023.
Toro Rosso, AlphaTauri, RB : un écho mais pas d'identité
Red Bull est la seule entreprise avec deux écuries en F1 et peut jouer sur les deux tableaux.
L'on en vient alors à ce que Visa Cash App RB symbolise réellement. Mais là encore sans rien nous apprendre : si l'on peut à ce point effacer les traces d'une quelconque identité dans un nom, c'est bien parce que l'identité n'est pas un enjeu ici. C'est bien parce que, depuis ses débuts, l'équipe basée à Faenza et qui est une émanation de Red Bull n'a jamais vraiment eu d'identité propre.
Toro Rosso était une simple traduction en italien de "Red Bull", AlphaTauri n'est qu'une marque de prêt-à-porter de Red Bull. RB ou Racing Bulls, ce n'est encore une fois qu'une référence à Red Bull, cette fois sans le clin d'œil à l'Italie. Il n'est pas question de dire qu'il n'existe pas d'identité propre à cette écurie, mais c'est une identité d'usine, pas une incarnation. Si l'on veut citer un exemple assez proche sans toutefois être identique, c'est bien l'équipe d'Enstone (que la presse anglosaxonne appelle fréquemment "Team Enstone"), dont l'identité forte en tant qu'usine ressort souvent à la fois en raison de son histoire dans la discipline depuis Toleman mais également parce qu'elle est presque un "État dans l'État" avec lequel il faut composer, qu'importe le nom de l'écurie.
Red Bull joue parfaitement le jeu de ses deux écuries : la première, actuellement leader sur le plan sportif, incarne l'identité de la marque (ce qui ne l'empêche pas d'ajouter "Oracle" dans le nom officiel de son équipe). La seconde peut alors servir d'opération marketing décomplexée. Cela ne veut d'ailleurs pas dire que les ambitions sportives sont remisées au placard, c'est même le contraire dans ce nouveau chapitre de Faenza.
Forcément, de l'autre côté, vous pouvez accoler tous les sponsors possibles : Mercedes-AMG Petronas restera Mercedes, Aston Martin Aramco restera Aston Martin, BWT Alpine restera Alpine, etc. Même Haas, dont le modèle est peut-être celui qui s'éloigne le plus de ce que l'on pourrait qualifier de "constructeur", avec un châssis signé Dallara et un maximum de pièces achetées à Ferrari, ne peut bazarder son identité puisqu'elle est la raison même de son engagement en premier lieu. Et pour Williams, même s'il ne faut pas présager de l'avenir car c'est peut-être le cas le plus tangent dans la liste, le nom est encore aujourd'hui porteur d'énormément d'héritage
Le nom "Sauber" s'est déjà effacé en partie ou totalement dans l'Histoire de la F1.
Et Sauber, me direz-vous justement ? Eh bien, là, c'est un peu à part : Sauber a une identité propre, a connu des succès en son nom (quoique la victoire au Mans en 1989 avec Mercedes montre déjà que la collaboration poussée est dans son ADN) et est une usine reconnue. Mais, en F1, Sauber s'est partiellement effacé du temps de BMW (qui agissait comme un vrai constructeur) et complètement au profit d'Alfa Romeo (qui n'était quasiment qu'un prête-nom). D'ailleurs, ce sera à nouveau le cas en 2024 et 2025 avec Stake (sans prise de contrôle) et puis en 2026 quand Audi arrivera (avec prise de contrôle). Sauber est à ranger dans cette catégorie de constructeurs versatiles, qui peuvent être de simples exploitants et dont l'identité demeure sans pour autant être mise en lumière. Mais là encore, sans mauvais jeu de mots, rien de neuf sous le soleil.
Ce qui change, en revanche, c'est indubitablement le contexte, avec une F1 très puissante commercialement et des écuries qui tentent de capitaliser dessus au maximum. Alors oui, il y a un côté un peu invasif dans la multiplication rapprochée dans le temps de ces exemples, mais ça n'en reste pas moins du déjà vu. Ce qui change aussi, c'est l'activité des entreprises qui sponsorisent, signe d'une économie et d'intérêts pour la F1 de la part de certains secteurs qui évoluent. Encore que, si l'on parle de Visa, il faut se souvenir que Mastercard était de la fameuse aventure Lola en 1997...
Bref, difficile de réellement parler d'une tendance de fond pour quelque chose qui a toujours existé et qui concerne des entités à l'identité déjà malléable. Sans doute vaut-il mieux parler d'une "tendance de forme", avec la recherche du meilleur moyen possible de mettre en avant des partenaires à une époque où chacun veut profiter de l'exposition de la discipline. C'est aussi la rançon du succès.
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