La concurrence interne, l'une des fiertés de Ducati

Avec une présence supérieure à celle des autres marques sur la grille MotoGP, Ducati applique également une stratégie qui peut intriguer. Le constructeur italien défend en effet la concurrence interne entre ses quatre équipes et en fait l'une de ses forces.

Francesco Bagnaia, Ducati Team, Jorge Martin, Pramac Racing

Souvent attaqué pour sa présence massive sur la grille MotoGP, Ducati cherche à faire valoir son approche de la course, résolument ouverte à la concurrence… interne. Avec huit pilotes dans son groupe, le constructeur entend en effet maintenir la plus grande ouverture possible pour que chacun parvienne à maximiser ses chances.

C'est le système que défendent les responsables du programme, rappelant que les données sont accessibles d'un box à l'autre. Et personne ne se prive en effet d'aller y jeter un œil attentif, au point que cette absence de confidentialité a véritablement fait partie de la base de travail des pilotes Ducati à certains moments dans la saison. Et ils ne se sont pas cachés non plus de s'être jetés sur les données de Marc Márquez dès qu'il s'est essayé au pilotage de la Ducati, à Valence.

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"Nous n'avons pas peur de nos pilotes et de la compétition au sein des équipes Ducati, sans quoi nous ne fournirions pas de motos d'usine à Pramac et de motos gagnantes aux autres équipes satellites", explique Davide Tardozzi à Motorsport.com. "Nous partageons les données et nous ne le ferions pas si nous avions peur. Nous donnons toutes les mises à jour aux pilotes qui les méritent. Si nous avions peur, nous ne le ferions pas, nous aurions une approche différente."

Selon le team manager de l'équipe officielle, ce fonctionnement a été l'un des éléments ayant contribué à faire progresser la marque au fil des années : "La concurrence entre les équipes Ducati a élevé le niveau au sein de Ducati, alors nous sommes heureux d'avoir cette concurrence interne qui nous a fait grandir en termes de données. Nos ingénieurs sont heureux d'avoir huit possibilités de voir ce qui se passe avec la moto."

Marco Bezzecchi a gagné trois fois avec la Ducati de 2022 cette saison.

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Marco Bezzecchi a gagné trois fois avec la Ducati de 2022 cette saison.

Depuis 2023, deux groupes clairement distincts existent néanmoins parmi ces huit machines : l'équipe d'usine et le team Pramac Racing disposent du modèle de la saison en cours, tandis que VR46 et Gresini Racing alignent des motos de la saison précédente.

Dans ces deux groupes, des différences peuvent apparaître sur la base des résultats ou des choix personnels des pilotes, à l'instar des chemins différents pris par Jorge Martín et son coéquipier jusqu'alors, Johann Zarco, en matière de carénage aérodynamique. En revanche, lorsqu'une nouvelle pièce est développée par les ingénieurs Ducati, elle est proposée simultanément aux pilotes d'usine et à ceux de Pramac, ce qui a permis à Martín de se caler sur le matériel de Bagnaia pour livrer face à lui une lutte à armes égales au championnat.

L'an dernier, en revanche, ce fonctionnement s'était en quelque sorte retourné contre Martín puisque le team Pramac avait dû garder la nouvelle spec moteur que l'équipe d'usine, poussée par Bagnaia, avait remisée au placard à la dernière minute. Ces choix engagent en effet chacune des équipes, et non les pilotes individuellement comme dans le cas du carénage.

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"C'est très clair. Nous avons huit Ducati que nous traitons de manière honnête. Ce qu'ils méritent est écrit sur le contrat qu'ils ont. Et ils peuvent voir toutes les données des autres pilotes", assure Davide Tardozzi.

Cette organisation a fait naître une situation singulière, celle d'un Pecco Bagnaia devant défendre son titre face à des pilotes appartenant à d'autres équipes Ducati, en dépit de son propre statut de pilote officiel. Déjà challengé en 2022 par Enea Bastianini et sa Ducati de la saison précédente, il a été confronté en 2023 à Marco Bezzecchi, dont le matériel présentait le même retard, puis surtout à Jorge Martín, avec qui la bagarre s'est inscrite dans la durée.

"Nous n'arrêterons jamais aucune des autres équipes face à l'équipe d'usine. Ils ont le droit de faire au mieux, de disposer de toutes les informations pour nous battre", résume Davide Tardozzi. "C'est à eux d'avoir les meilleurs pilotes et les meilleures performances. Gigi [Dall'Igna] est Ducati et il a huit possibilités de gagner ; je suis Ducati Lenovo et j'ai deux possibilités de gagner les courses. Donc c'est à ces équipes de battre les autres. C'est la mentalité de Gigi et celle de Ducati."

"C'est quelque chose qui nous pousse à être meilleurs, à faire de meilleures choses et à fournir la meilleure moto aux pilotes. Martín n'a rien eu de moins que nous cette année, il a eu exactement ce que nous avions et exactement au même moment. Nous n'avons jamais apporté de nouvelles pièces sans avoir la possibilité de fournir ces mêmes pièces à Pramac."

"Nous pensons que le fait de donner la meilleure moto et les meilleures chances aux autres équipes [Ducati] est quelque chose qui nous aide et nous avons décidé de suivre cette politique depuis 2015. Je pense que cela nous a immédiatement apporté des résultats à ce moment-là, et d'une certaine manière nous nous poussons nous-mêmes à être meilleurs. Y compris maintenant, alors que nous avons une moto très compétitive, nous ne pensons pas qu'il soit juste de donner moins aux équipes satellites parce que nous pourrions stopper notre croissance. Nous voulons être poussés par les autres à progresser, encore et encore."

Avec une moto devenue dominatrice en MotoGP, cette approche est pourtant risquée. Gigi Dall'Igna lui-même ne cachait pas, lorsqu'approchait la fin du championnat, qu'il serait préférable pour les partenaires de Ducati de voir gagner Pecco Bagnaia, et non Jorge Martín dont la moto affiche le soutien de sponsors liés au programme privé de Pramac Racing. La question s'était déjà posée l'an dernier, quand Enea Bastianini avait réussi à tenir tête au pilote d'usine et à lui arracher plusieurs victoires. Les responsables de Borgo Panigale ont alors toujours défendu leur position, refusant de brider les pilotes satellites en leur imposant des consignes et se limitant à demander à chacun de ne pas mettre en péril la victoire d'une Ducati.

L'an prochain, le risque induit par cette philosophie pourrait être décuplé, maintenant que Marc Márquez a intégré le groupe. La GP23 avec laquelle il courra n'ayant plus à prouver sa valeur, il y a fort à parier que l'Espagnol va devenir le plus gros obstacle sur la route des pilotes officiels. Dans l'équipe d'usine, on sait donc que chaque aspect devra être optimisé afin de se défendre, et cela implique notamment les quelques erreurs commises par Pecco Bagnaia en 2023, que Davide Tardozzi aimerait voir disparaître. "Au final, il faut que l'on s'améliore en étant poussés et aidés par les équipes satellites. Nous pensons qu'il vaut mieux ne pas les arrêter, ne pas les rabaisser par rapport à nous, car c'est à nous de montrer que nous sommes meilleurs", conclut le team manager.

Propos recueillis par Lewis Duncan

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