Hongrie 2007, les coups bas du duel Alonso-Hamilton

Il y a 15 ans, le Grand Prix de Hongrie 2007 était le théâtre de l'épisode le plus tendu de la rivalité entre Fernando Alonso et Lewis Hamilton chez McLaren.

Lewis Hamilton, McLaren MP4-22, devant Fernando Alonso, McLaren MP4-22, à la sortie des stands

Lewis Hamilton, McLaren MP4-22, devant Fernando Alonso, McLaren MP4-22, à la sortie des stands

Steven Tee / Motorsport Images

Alors que l'on sait désormais que Fernando Alonso et Lewis Hamilton partageront encore au moins une année ensemble en Formule 1 l'an prochain, l'Espagnol s'étant engagé avec Aston Martin et le Britannique disposant d'un contrat courant jusqu'à fin 2023 chez Mercedes, retour sur l'un des plus célèbres épisodes de leur rivalité, celui des qualifications du Grand Prix de Hongrie 2007.

Rappelons tout d'abord que cette épreuve, la 11e des 17 que comptait la campagne, se tenait dans un contexte particulier, à la fois en interne et en externe...

Divorce et Spygate

En interne, les tensions entre le double Champion du monde en titre et le rookie, mais surtout entre l'écurie et ses pilotes, ont déjà eu raison de la cohésion de la structure alors dirigée par Ron Dennis. Ce dernier, qui aura pourtant beaucoup fait pour tenter de ménager les susceptibilités des deux hommes (chacun des deux camps se sentant tour à tour trahi d'une façon ou d'une autre), n'aura pas réussi à se dépatouiller de l'épisode de Monaco.

En Principauté, alors qu'Alonso domine sans coup férir la course et possède une dizaine de secondes d'avance sur Hamilton, il doit en fin d'épreuve ralentir car ses étriers de frein surchauffent. Ce faisant, le jeune Champion GP2 en titre gagne du terrain. Se retrouvant sous pression, l'Espagnol doit augmenter le rythme et s'agace de cette situation qu'il juge inutilement dangereuse ; chez McLaren, on demande alors à Hamilton de ralentir pour ne pas prendre de risque.

Cette décision de Ron Dennis va être à l'origine de l'embrasement. Alonso gagne, suivi de près par Hamilton. Après la course, le dirigeant britannique explique au double Champion du monde qu'il a dû ordonner à Hamilton de ralentir. Il demande donc à Alonso de se montrer conciliant avec le rookie sur ce sujet. Mais cela n'a pas du tout l'effet escompté : alors qu'il voulait signifier qu'il allait gérer la situation et qu'Alonso n'avait pas à s'en préoccuper, ce dernier, furieux, croit comprendre que la victoire ne lui est revenue que parce que l'équipe a intimé l'ordre à Hamilton de ralentir.

Fernando Alonso devant Lewis Hamilton au GP de Monaco 2007

Fernando Alonso devant Lewis Hamilton au GP de Monaco 2007

Mais du côté de Hamilton, les choses sont tendues également : il est aussi très mécontent d'avoir dû ralentir et le fait savoir dans la presse. L'enchaînement des événements et la décision finale de lui interdire toute attaque le contrarient au point qu'il va lancer, après la course : "Je dois vivre avec ça. J'ai le numéro 2 sur ma voiture et je suis le pilote numéro 2."

Publiquement, alors que la situation réelle était à l'opposé de ce que souhaitait Dennis, ce qui ressort est que McLaren semble donc avoir manipulé le résultat de la course en figeant les positions, privant Hamilton d'une chance de victoire. Une interprétation qui ne va pas arranger les choses du côté d'Alonso qui n'adressera désormais que rarement la parole à Dennis. Six courses plus tard, arrive la Hongrie... dans le contexte du "Spygate".

L'affaire du Spygate a éclaté à la fin du mois de juin. Suite à la découverte de documents confidentiels de Ferrari entre les mains d'un des responsables de McLaren, Mike Coughlan, Woking est soupçonné d'avoir espionné la Scuderia. Au terme d'une première procédure, fin juillet 2007, si la FIA reconnaît la possession de documents confidentiels (un dossier de plus de 700 pages fourni par Nigel Stepney, ancien chef mécanicien de Ferrari et toujours membre du team au moment des faits), elle ne prononce pas de sanction en l'absence de preuves de leur utilisation par McLaren, tout en se réservant le droit de rouvrir l'enquête si de nouveaux éléments apparaissaient.

Les 10 secondes de la discorde

Sur le plan sportif, avant d'aborder la manche du Hungaroring, la situation au championnat est très serrée : Hamilton mène avec 70 points au compteur, devant Alonso qui totalise 68 unités. Chez Ferrari, Felipe Massa et Kimi Räikkönen suivent avec 59 et 52 pts. Malgré sa jeunesse et son inexpérience, le Britannique impressionne en tenant tête au double Champion en titre, qui ne s'attendait pas vraiment à ne pas bénéficier d'un statut de numéro 1 incontesté, alors que rien n'est pourtant inscrit en ce sens dans son contrat.

Le tracé du Hungaroring semble devoir convenir aux McLaren par rapport aux Ferrari en raison de l'appui qu'il demande. Aussi, sans surprise, lors des qualifications, la lutte fait rage entre les deux pilotes McLaren. En début de Q3, Hamilton mène les débats avec 1'19"781. C'est alors que se produit un événement gravé dans les mémoires : alors qu'Alonso est aux stands pour changer de pneus, son équipe le maintient sur son emplacement une vingtaine de secondes, avant que "l'homme à la sucette" ne l'invite à repartir.

Mais l'Espagnol n'obtempère pas immédiatement et patiente une dizaine de secondes de plus... avec Hamilton coincé derrière lui. Le timing étant très serré, une fois ressorti des stands, le Britannique ne peut pas rallier la ligne d'arrivée suffisamment vite pour pouvoir faire un autre tour. Alonso, lui, le peut, pour deux secondes, et parvient à lui souffler la pole position, en 1'19"674.

Lewis Hamilton devant Kimi Räikkönen au GP de Hongrie 2007

Lewis Hamilton devant Kimi Räikkönen au GP de Hongrie 2007

Les images de la réalisation TV internationale montrent un Ron Dennis mécontent quitter le muret des stands et demander au préparateur d'Alonso de le suivre. L'ambiance autour de cette situation est étrange, et l'on pense alors que l'Espagnol a agi "gratuitement". La réalité est toutefois plus nuancée : lors de la première tentative de Q3, Alonso devait sortir devant Hamilton mais c'est l'inverse qui s'est produit. Quand il a été demandé au Britannique de laisser passer l'Espagnol, il a refusé estimant que Räikkönen était trop près derrière eux.

"Selon les circuits et l'essence embarquée, l'un ou l'autre de nos pilotes, alternativement, est légèrement avantagé car il brûle un peu plus de carburant que son coéquipier, et part donc un peu plus léger", expliquera Dennis en référence à une règle de l'époque. "C'était au tour de Fernando de disposer de ce petit avantage et le temps qu'il a passé à brûler son carburant était correct. C'est Lewis qui n'a pas inversé les positions comme il était convenu et qui a malheureusement dû attendre derrière Fernando."

Devant la polémique, la FIA se saisit de l'affaire. McLaren doit justifier le fait d'avoir voulu retenir 20 secondes Alonso au stand et l'Espagnol doit lui expliquer pourquoi il est resté 10 secondes de plus. L'écurie expliquera avoir voulu éviter le trafic au moment de refaire sortir son pilote et ce dernier expliquera qu'il s'est inquiété des pneus installés sur sa voiture lors de ces fameuses 10 secondes. Aucune de ces explications ne convaincra les commissaires.

Lewis Hamilton et Fernando Alonso après les qualifications du GP de Hongrie 2007

Lewis Hamilton et Fernando Alonso après les qualifications du GP de Hongrie 2007

Et la FIA sera particulièrement sévère comme le montre la conclusion de la décision rendue le soir-même : "L'explication donnée par Alonso quant à la raison pour laquelle, à l'expiration de la période de 20 secondes, il est resté dans sa position d'arrêt au stand pendant 10 secondes supplémentaires n'est pas acceptée. Les commissaires estiment qu'il a inutilement gêné un autre pilote, Hamilton, et qu'en conséquence il sera pénalisé par une perte de 5 places sur la grille."

"L'explication donnée par l'équipe quant à la raison pour laquelle elle a gardé Alonso à l'arrêt pendant 20 secondes après la fin de son changement de pneu et a donc retardé le propre arrêt au stand de Hamilton n'est pas acceptée. Les actions de l'équipe dans les dernières minutes des qualifications sont considérées comme préjudiciables aux intérêts de la compétition et aux intérêts du sport automobile en général. La pénalité à appliquer est que les points (s'il y en a) au Championnat des constructeurs de Formule 1 2007 qui reviendront à l'équipe en raison de sa participation au Grand Prix de Hongrie 2007 seront retirés."

Petits chantages entre amis

Le lendemain matin, quelques heures avant la course, en compagnie de son manager Luis Garcia Abad, c'est un Alonso furieux qui rencontre Ron Dennis. Le pilote lui demande alors de réparer le tort causé par Hamilton la veille. Et à l'appui de sa demande, l'Asturien menace tout bonnement McLaren de révéler à la FIA des e-mails compromettant au sujet de l'affaire du Spygate, prouvant qu'il y avait bien utilisation de données fournies par Stepney. En 2018, la BBC révélait même qu'Alonso avait notamment insisté pour que McLaren fasse tomber Hamilton en panne d'essence lors de la course, en échange de son silence.

Ron Dennis a semble-t-il alors demandé à Alonso de se taire avant de faire venir Martin Whitmarsh, son bras droit, en demandant à l'Espagnol de lui répéter le chantage qu'il venait de faire ; il s'exécute. Une fois Alonso et Abad partis, Dennis et Whitmarsh discutent de la suite, se mettant d'accord sur le fait de téléphoner à Max Mosley, le président de la FIA, mais aussi sur l'idée de ne pas permettre à un pilote qui venait de leur faire un tel chantage de disputer la course. Au téléphone, cependant, Mosley conseille à Dennis de ne pas choisir cette voie. Une demi-heure après la rencontre, Abad retrouve Dennis. Alonso veut finalement s'excuser après avoir perdu son sang-froid, et veut revenir sur l'ensemble de ses propos.

Ron Dennis et Fernando Alonso en 2007

Ron Dennis et Fernando Alonso en 2007

Renvoyé au sixième rang, Alonso ne pourra rien faire pour empêcher Hamilton de mener l'ensemble des 70 tours d'une course qu'il terminera devant un Räikkönen plus menaçant que prévu. L'Espagnol finira quatrième de l'épreuve, accusant désormais un retard de sept unités sur le Britannique. Après la course, une poignée de mains et des excuses en personne mettront fin à l'épisode du chantage. 

Un mois après la Hongrie, au terme d'une seconde enquête sur le Spygate demandée par Mosley après de nouvelles informations, l'accès à l'ensemble des e-mails de McLaren mettra en lumière un véritable espionnage qui aboutira sur une amende record de 100 millions de dollars infligée à l'écurie de Woking ainsi qu'une exclusion du championnat constructeurs. Si d'aucuns ont pu faire le lien entre le chantage d'Alonso en Hongrie ou le coup de téléphone de Dennis à Mosley et cette seconde enquête, l'ancien président de la FIA a affirmé avoir "déjà eu connaissance des e-mails", puisqu'en fait... Alonso en avait parlé à son agent Flavio Briatore, qui l'avait lui-même révélé à Bernie Ecclestone, qui l'a lui-même confié à Mosley.

Peu après, Dennis et Alonso se rencontreront pour négocier la libération contractuelle de l'Espagnol en fin de saison.

Lord de la suite de la saison, sur le plan sportif, la défaite sera totale pour McLaren qui manquera également le titre pilotes, au profit de Kimi Räikkönen. Malgré la rupture contractuelle, McLaren mettra un point d'honneur à laisser Alonso jouer sa chance jusqu'au bout face à Hamilton. Sur la piste, pour l'Espagnol, le titre 2007 se perdra notamment et surtout au Japon, sous le déluge, où Alonso s'accidentera seul et laissera son équipier signer un succès brillant et, croyait-on, décisif. Finalement, les deux hommes termineront avec 109 points chacun (le Britannique devançant l'Espagnol au nombre de deuxièmes places), une unité derrière le Finlandais de Ferrari.

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