Ce qu'il faut retenir des essais de Barcelone
Les trois jours d'essais à Barcelone ont permis aux pilotes et aux équipes de se faire une idée précise de la nouvelle ère de la Formule 1.
La semaine d'essais hivernaux à Barcelone a été très intéressante, notamment en raison de l'apparition inattendue du porpoising (également connu sous le nom de marsouinage), un phénomène que les équipes n'ont visiblement pas réussi à anticiper. Ce problème a été un sujet de discussion majeur, et il devrait le rester un petit moment, mais il y a aussi d'autres conclusions à tirer de ces trois journées d'essais.
Est-ce que le pilotage des F1 2022 est agréable ?
Les pilotes ne savaient pas trop à quoi s'attendre en roulant pour la première fois dans leur nouveau bolide équipé des nouvelles roues 18 pouces de Pirelli à Barcelone, l'augmentation du poids minimum ayant été une grande source d'inquiétude. Mais une fois en piste, les 20 titulaires de la grille ont eu de bonnes sensations.
"Je dois dire que [les voitures] sont amusantes", a expliqué Pierre Gasly. "Je me suis senti assez chanceux de pouvoir connaître la voiture la plus rapide de l'Histoire l'an dernier, évidemment elles étaient incroyables à piloter. Je pense que notre point de départ en matière de performance n'est pas si éloigné de [2021] donc, en prenant en considération tout le développement que nous allons voir au début de la saison et au cours des prochains mois, je pense que nous verrons des performances plutôt similaires."
Néanmoins, certains ont déploré l'augmentation du poids, rendant les voitures un peu moins agiles. "Les voitures sont toujours amusantes à piloter. Je me rappelle de l'époque où les voitures étaient beaucoup plus légères. C'est le seul inconvénient, seulement le poids. Je pense qu'elles sont trop lourdes", a commenté Sebastian Vettel. Son ancien coéquipier chez Red Bull, Daniel Ricciardo, a ajouté : "Avec de telles voitures lourdes et moins d'appui aérodynamique, je m'attendais probablement à pire, ou à une voiture un peu plus difficile à piloter. Mais pour l'instant, l'équilibre a l'air bon."
Comment ont évolué les performances par rapport à 2021 ?
Dès les premiers tours de roue, il est devenu clair que les F1 de 2022 étaient bien plus rapides que ce qui avait été prévu à l'écriture des nouvelles règles. Pour l'heure, il est impossible de dire à quel point les temps de 2022 sont proches de ceux de 2021 puisque personne n'a osé montrer son vrai potentiel en Espagne.
Tous les pilotes de la grille ont fait part de leur satisfaction quant aux performances de leur voiture dans les virages à haute vitesse, là où l'effet de sol est le plus efficace. En revanche, comme l'avaient démontré les essais sur simulateur, les voitures sont devenues moins agiles dans les portions plus serrées à cause du poids supplémentaire.
"Je pense que nous avons vu que chaque équipe est bien plus rapide que les quatre secondes de retard [par tour] qui étaient prévues. Mais la performance à haute vitesse est clairement similaire à ce que nous voyions l'an dernier. C'est assez impressionnant", a affirmé George Russell, et Carlos Sainz a lancé : "[Les sensations] à haute vitesse sont évidemment super parce que l'on est collé au sol et la voiture produit un appui continu. C'est vraiment agréable au pilotage."
Est-ce qu'il sera plus facile de dépasser ?
Selon les pilotes qui ont réussi à suivre leurs adversaires à Barcelone, la tâche est aujourd'hui plus facile que par le passé, ce qui était le grand objectif des règles de 2022. La véritable réponse ne sera donnée qu'au moment du premier Grand Prix, quand les pilotes seront en condition de course et que le DRS entrera en jeu, mais les premiers signes sont positifs.
"J'ai suivi quelques voitures et ça a l'air d'être plus facile de rester derrière", a estimé Max Verstappen. "Au moins, nous n'avons pas cette étrange perte d'appui où, soudainement, nous avons beaucoup de sous-virage ou de survirage. Bien sûr, je ne m'attends pas à ce que cela disparaisse définitivement et que l'on puisse coller le diffuseur [de la voiture de devant] en raison des vitesses des F1, mais ça a l'air d'être plus sous contrôle."
Charles Leclerc a quant à lui vécu une expérience curieuse : en se rapprochant de la voiture de devant, sa capacité à la suivre diminuait... puis augmentait en se rapprochant davantage ! "C'est assez intéressant parce que l'on peut suivre la voiture de devant entre trois secondes et une seconde [d'écart]", a expliqué le Monégasque. "Ensuite, entre une seconde et cinq dixièmes, le feeling est similaire à celui que j'avais l'an dernier. Et entre cinq dixièmes et 'extrêmement proche', c'est bien mieux que l'an dernier. C'est bien, c'est intéressant. Je devrais faire un peu plus de tours dans la voiture mais c'est prometteur."
Cependant, Russell a noté que les nouvelles voitures n'offraient pas un effet d'aspiration aussi puissant en ligne droite que la génération précédente, ce qui suggère qu'il ne sera peut-être pas si facile de se dégoter une opportunité de dépassement cette saison.
Qu'en est-il des problèmes de visibilité ?
À la fin de l'année dernière, les pilotes ayant roulé au volant des F1 2022 sur simulateur ont noté que leur visibilité était réduite en raison de la taille des nouvelles roues 18 pouces et des éléments aérodynamiques situés près du train avant. Ces inquiétudes se sont concrétisées une fois que les vraies voitures ont pris la piste. Bien que les pilotes aient assuré qu'ils s'habitueraient à ce changement, ils ont néanmoins prévenu qu'il pourrait être particulièrement difficile de naviguer sur les circuits en ville, plus étroits.
"Les pneus sont un peu plus gros donc la visibilité est un peu différente", a déclaré Verstappen. "C'est moins un problème sur une piste comme [Barcelone], je pense, [mais] quand nous irons sur des circuits urbains, ce sera un peu plus difficile."
Ricciardo a fait remarquer que la position plus basse des voitures, qui ne sont plus inclinées vers l'avant, avait également un impact sur le champ de vision des pilotes. "C'est un peu plus difficile avec la visibilité", a-t-il dit. "En fait, les voitures cette année sont plus carrées, plus plates. Donc, ça fait remonter le nez de la voiture et cela change un peu ce que nous voyons, nous voyons moins ce qu'il y a autour de nous. Nous nous y habituerons mais ce n'est pas bon pour le moment."
Est-ce que le marsouinage va durer toute l'année ?
À Barcelone, les équipes ont passé les trois journées d'essais à chercher des moyens de contrôler les effets du marsouinage. Les ingénieurs sont tombés d'accord pour dire que le phénomène faisait partie du concept des F1 de 2022, il faudra donc un certain temps pour régler le problème sans compromettre les performances, l'une des solutions actuelles étant de faire rouler les voitures à une hauteur bien supérieure aux réglages optimaux.
Contrôler le marsouinage sur les différents circuits du calendrier ne sera pas facile, et le fait que les équipes n'ont pas réussi à anticiper le phénomène après de longs mois de développement en soufflerie, sur ordinateur et sur simulateur indique qu'un long et dur labeur les attend.
"Nous avons été un peu pris par surprise, je pense que ça a été le cas pour toutes les équipes ou la plupart d'entre elles", a commenté Jan Monchaux, directeur technique d'Alfa Romeo. "J'imagine que nous allons régler ça avec quelques modifications, principalement sur le fond plat, qui nous permettrons de nous rapprocher un peu plus de nos performances optimales."
"Mais dans l'état actuel des règles, je m'attends aussi à ce que nous devions régler [la voiture] un peu plus haut que ce que nous pensions tous au début. La question sera de savoir à quel point, est-ce que ce sera plus de haut de 3 à 5 mm ou de 20 mm? J'espère que ce sera cinq parce qu'il y aura alors moins de choses à revoir sur la voiture."
Le directeur technique de McLaren, James Key, a suggéré qu'il faudrait quelques courses pour que les équipes comprennent pleinement les problèmes. "Je suis sûr que c'est quelque chose que tout le monde va régler. C'est un sujet un peu brûlant parce que c'est très visible mais, en fin de compte, il y aura des solutions entre les réglages et le développement aéro, où l'on découvrira comment le gérer. Je ne pense pas que ce sera un grand sujet de discussion après les cinq ou six premières courses."
Le marsouinage est peut-être responsable de la fiabilité hasardeuse observée à Barcelone. Les équipes ayant subi des pannes devront agir avant les essais de Bahreïn. Le fait que les voitures roulent plus près du sol que celles de la génération précédente crée aussi d'autres préoccupations, notamment le risque de trop user le plancher et d'écoper d'une pénalité, sans parler du danger que représentent les vibreurs.
L'optimisation de la hauteur de caisse sur différents circuits est donc l'un des plus grands défis de 2022 et Barcelone n'était que le premier pas vers l'inconnu. Mais les équipes sont confrontées à de nombreux autres challenges également, dont les nouvelles roues 18 pouces de Pirelli. Les enveloppes du manufacturier italien n'ont pas vraiment monopolisé l'attention en Espagne mais ce sera probablement le cas lorsque le championnat se dirigera vers des destinations aux températures plus chaudes et que les pilotes commenceront à explorer les limites de performance des nouvelles voitures.
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