Bottas, dans le piège et sur un fil

Le Grand Prix de France n'est qu'une preuve de plus du rôle à la fois central que pourrait occuper mais aussi des problèmes que risque de poser (et de se poser) Valtteri Bottas chez Mercedes.

Valtteri Bottas, Mercedes

Valtteri Bottas, Mercedes

Steve Etherington / Motorsport Images

Il semble assez aisé de dire que si Valtteri Bottas avait fait preuve face à Max Verstappen du même calme et de la même opiniâtreté que face à Sergio Pérez, Mercedes aurait eu une plus grande chance encore de remporter le Grand Prix de France avec Lewis Hamilton. Toutefois, ça n'a pas été le cas : sans même avoir à lancer d'attaque, le Néerlandais a vu le Finlandais aller tout seul à la faute pour lui ouvrir grand la porte de la seconde position et un boulevard vers son équipier.

D'aucuns ont vu dans cette séquence de la mauvaise volonté de la part de Bottas, dans un contexte où les rumeurs sur la fin de collaboration prochaine avec Mercedes sont de plus en plus insistantes. Toutefois, l'on se gardera bien d'aller dans cette direction, au vu de sa course qui a été globalement bonne jusqu'alors.

Le vrai problème de cette fin de GP pour Bottas, en dehors du fait qu'il a sur le plan personnel perdu le podium, c'est qu'elle montre à quel point cette lutte pour le titre pourra se jouer sur le niveau de performance des seconds pilotes. Même s'ils ont chacun commis des erreurs lors de cette première partie de saison, Verstappen et Hamilton se sont clairement détachés.

 

Et bien que cela puisse paraître prématuré au vu du nombre de courses restantes, l'heure des choix forts est déjà venue pour Mercedes. Chez Red Bull, la donne est claire depuis le début : Pérez est un numéro 2. Sa course du Castellet l'a parfaitement traduit : sur un rythme inférieur et une stratégie différente, le Mexicain a d'abord servi d'épouvantail pour Mercedes. Avant le passage de Verstappen à deux arrêts, il était un obstacle ; après, il est devenu la seconde mâchoire d'un étau, remontant sur les pilotes Mercedes grâce à ses gommes plus fraîches.

Red Bull manquait désespérément ces dernières saisons d'un pilote en capacité de prendre des points aux Mercedes et de les empêcher de se jouer de Verstappen en le piégeant stratégiquement. Désormais, ce n'est plus le cas et même si Pérez est légèrement en retrait, le fait qu'il soit confortablement devant le reste du peloton permet de l'utiliser comme une arme.

C'est un rôle que Bottas connaît bien. Quand bien même son statut n'est pas celui d'un numéro 2, en tout cas pas désigné comme Pérez, il a eu par le passé à jouer ce rôle. Et il l'a d'ailleurs joué avec brio, notamment lors des saisons 2017 et 2018, quand planait sur la domination Mercedes la menace Ferrari.

Fin 2017, à ce titre, nous mettions en avant cette tâche ingrate mais déterminante de lieutenant qu'avait joué le Finlandais au cours de la saison, et surtout l'avantage qu'en tirait Mercedes quand, dans le garage Ferrari, Kimi Räikkönen était rarement en position de faire pencher la balance en faveur de Sebastian Vettel.

 

Pour Mercedes, le Grand Prix de France est donc particulièrement frustrant : si Pérez a été un problème pour déployer une stratégie différente, Bottas était tout à fait placé pour en être un également pour Red Bull. A minima, le stand pouvait s'attendre à ce que son pilote ralentisse la progression de Verstappen, l'espace d'un ou deux tours au mieux, d'un demi-tour au pire. Mais là, le numéro 77 a craqué seul dès le premier freinage du duel et n'aura coûté que quelques dixièmes, à peine, au Néerlandais alors qu'il a manqué une poignée de secondes à Hamilton.

Évidemment, on ne peut pas faire fi du contexte qui entoure Bottas, de la pression de devoir très bien faire dans un environnement où il n'est déjà plus vraiment en capacité de jouer le titre, où son avenir semble s'assombrir, mais où on attend de lui qu'il soit capable de rivaliser avec les adversaires de l'équipe. Sa situation est celle de tous les paradoxes, sorte de "pilote de Schrödinger" : tant que l'on n'a pas ouvert la boîte, Bottas est à la fois un reconductible en puissance et en instance de départ, dans l'obligation de jouer le jeu de l'équipe mais aussi dans la nécessité de ne pas s'effacer sur le plan individuel.

Mais là où sa position est encore plus complexe, c'est que Mercedes sait disposer dans ses rangs d'un pilote mobilisable quasi immédiatement et qui n'aura aucun problème à jouer les porteurs d'eau de luxe car il n'aura pas grand-chose d'autre à jouer en 2021. Si l'épisode du GP de Sakhir 2020 a prouvé quelque chose, c'est bien que George Russell, pilote du vivier de la marque à l'étoile, pressenti pour occuper un baquet dans l'écurie officielle l'an prochain, est tout à fait capable d'être propulsé au volant et de se montrer performant d'emblée.

 

L'on peine à croire que cela puisse se produire, mais Bottas affiche clairement depuis quelques semaines un comportement moins "corporate" : est-ce le signe que les choses sont scellées ou simplement une volonté d'être moins enfermé ? À ce stade, nul ne le sait et Toto Wolff salue publiquement le fait que son pilote s'exprime même si cela va à l'encontre de son écurie. Mais alors que la lutte pour les titres mondiaux est à couteaux tirés et, ces derniers temps, penche en faveur de Red Bull, les sautes d'humeur vont finir par être un problème si elles s'accompagnent d'erreurs en piste comme au Castellet.

D'autant que Mercedes va devoir forcément raffermir encore plus sa position et faire de Bottas un vrai numéro 2, c'est-à-dire un pilote qui devra sacrifier toute ambition personnelle pour permettre d'aider au mieux son équipier à être titré.

La remise en cause de sa stratégie est une chose, mais Bottas n'a pas le palmarès et la constance d'un Hamilton d'une part, mais n'a surtout pas été à la hauteur de son rôle ce dimanche d'autre part. Certes les choses n'ont pas été rendues faciles par des pneus très usés en fin de course mais son duel avec Pérez a prouvé qu'il pouvait faire mieux que ce qu'il a fait face à Verstappen.

En bref, Bottas est plus que jamais sur le fil et piégé par sa propre situation. Quelle que soit l'issue de son aventure Mercedes en fin de saison, pour 2021 il ne peut plus être dans l'esprit de son équipe qu'un lieutenant efficace. Si même cela il ne parvient plus à le faire et que ce type de prestation se répète, la détérioration de la relation va s'accélérer à vitesse grand V. Et il n'y aura peut-être pas de scrupules à tirer le rideau plus tôt que prévu...

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