Comment Mercedes et Ferrari ont succombé au supplice de la planche
Retour sur les éléments techniques qui expliquent la rare disqualification subie par Lewis Hamilton et Charles Leclerc au Grand Prix des États-Unis 2023 de F1.
La disqualification de Lewis Hamilton et de Charles Leclerc après le Grand Prix des États-Unis constitue la première fois depuis des années que des voitures ont enfreint les règles sur le patin. En fait, dans l'histoire de la F1, il y a eu assez peu d'épisodes où l'on a constaté que ces planches étaient trop usées, la plus célèbre étant la disqualification de Michael Schumacher lors du Grand Prix de Belgique 1994.
Il est donc d'autant plus curieux que, dans une zone de la voiture où les équipes sont très attentives à ce qu'il n'y ait pas de marge d'erreur, deux des meilleures équipes aient trébuché au cours du même week-end de course.
Les explications sur la manière dont les infractions au règlement se sont produites semblent claires comme de l'eau de roche, ce qui explique pourquoi les deux équipes ont simplement dû accepter leur sort auprès des commissaires après que l'on a constaté une usure excessive du patin.
Comme l'a déclaré Toto Wolff, le patron de Mercedes : "D'autres ont bien fait les choses là où nous avons échoué et il n'y a pas de marge de manœuvre dans les règles. Il faut l'accepter, apprendre et revenir plus fort le week-end prochain."
Ce que disent les règles sur le patin
La tolérance entre le succès et l'échec en matière de légalité du patin est infime, étant donné qu'il ne peut y avoir plus d'un millimètre d'usure entre une planche fraîchement posée et une planche qui a subi toutes les contraintes d'une course. Pour vérifier la conformité aux règles, la FIA est en mesure de mesurer l'usure du patin au niveau de quatre trous de 50 mm de diamètre percés dans la surface à des endroits spécifiques désignés par le Règlement Technique.
Dans le cas de Leclerc et Hamilton, c'est le trou le plus à l'arrière qui a échoué au test. Ce trou doit être positionné sur la ligne médiane de la voiture entre 825 mm et 1025 mm en avant de l'axe de l'essieu arrière. Comme on peut le voir sur l'image principale, cela offre en soi une certaine variabilité quant à l'usure des différentes voitures, étant donné qu'il n'y a pas de point spécifique pour le trou de perçage, contrairement aux trois trous à l'avant du patin.
Les trous percés dans la planche (qui, soit dit en passant, n'est plus en bois, mais en matériau composite) sont entourés de patins en titane encastrés. Ceux-ci offrent une protection supplémentaire contre l'usure et leur designe est strictement réglementé. C'est un domaine que la FIA surveille de près avec cette nouvelle génération de voitures, et elle a déjà émis plusieurs directives techniques en réponse à des incohérences dans leur conception.
Lewis Hamilton devant Charles Leclerc.
Un point de discussion intéressant après les disqualifications est que la FIA n'a pas vérifié les planches sur toutes les voitures. Il s'agit d'une procédure normale, car il serait impossible pour l'instance dirigeante de vérifier la conformité de tous les aspects de chaque voiture après chaque séance de qualifications et chaque course. C'est pourquoi elle sélectionne à chaque fois des éléments aléatoires sur des voitures aléatoires afin de vérifier la conformité.
À cette occasion, la RB19 de Max Verstappen, la SF-23 de Charles Leclerc, la W14 de Lewis Hamilton et la MCL60 de Lando Norris ont toutes été choisies pour vérifier l'état de leur patin. La Red Bull et la McLaren ont reçu le feu vert, contrairement à la Ferrari et à la Mercedes.
Les éléments déclencheurs
La raison technique pour laquelle les patins étaient trop usés est simple à expliquer : les voitures roulaient trop bas par rapport au sol, ce qui les a érodés au cours du week-end.
La cause de ce phénomène réside dans le choix de la hauteur de caisse à l'arrière, un élément que les équipes modifient chaque week-end. Mais elle peut également être influencée par les charges de carburant et même l'utilisation du DRS, car la charge aérodynamique monte ou abaisse sur la voiture.
Les équipes disposent normalement de beaucoup de temps lors d'un week-end de Grand Prix pour régler la hauteur de caisse de manière à ce que la planche ne risque pas de s'user, mais que la voiture soit suffisamment basse pour offrir des performances maximales.
Cependant, cet équilibre s'avère plus difficile à gérer lors des courses sprints, les équipes ne disposant que d'une seule séance d'essais – au lieu des trois d'un week-end normal – pour fixer leurs réglages avant les qualifications. En raison de ce programme plus condensé, il n'est pas possible de réaliser les programmes de simulation de qualifications et de course qui sont régulièrement effectués.
Tous les calculs de hauteur de caisse effectués pendant cette séance EL1 doivent tenir compte du roulage compétitif supplémentaire qui est ajouté au programme du week-end, puisqu'il y a des séances compétitives en plus qui ont lieu une fois que les réglages des voitures sont verrouillés.
Le patin de la McLaren MCL36.
En outre, les équipes ne sont pas en mesure de vérifier l'usure de la planche aussi librement qu'elles le font normalement une fois que les voitures sont dans le parc fermé, de sorte qu'il y a une certaine part de supposition qui s'ajoute à l'équation.
Nous avons déjà vu cette année, comme avec Alpine à Bakou, des équipes se rendre compte après le sprint que la hauteur de caisse était trop basse et qu'il y avait un risque que la planche soit trop usée lors de la course principale. Les voitures ont alors été retirées du parc fermé pour modifier la hauteur de caisse et sont parties de la voie des stands.
Ferrari a révélé après la course avoir passé du temps pendant les EL1 à augmenter la hauteur de caisse de ses voitures afin de trouver un réglage optimal pour le week-end de course, une fois que l'impact des bosses est devenu évident. Mais il est clair que la voiture n'a pas été suffisamment surélevée.
Il est intéressant de noter que les conditions météorologiques ont pu jouer un rôle dans le déroulement des événements. Un vent plus fort que prévu, ainsi qu'un changement de sa direction, ont peut-être eu pour effet de faire descendre la voiture plus bas dans certaines zones de la piste que lors des essais, avec pour conséquence de pousser encore plus la planche contre le sol.
La situation à Austin a également été compliquée par la nature bosselée du circuit, décrite par Max Verstappen comme n'étant pas à la hauteur des standards de la F1.
Un autre facteur potentiel serait également lié aux pneus, car ce n'est peut-être pas une coïncidence si les deux voitures qui ont été victimes des problèmes de patin étaient celles des quatre qui avaient effectué des relais d'ouverture prolongés (16 tours pour Verstappen, 17 pour Norris contre 20 pour Hamilton et 23 pour Leclerc).
Nous savons qu'au fur et à mesure que les pneus s'usent, la bande de roulement diminue, ce qui non seulement réduit l'adhérence, mais permet également à la température de s'échapper plus facilement. Cela peut se traduire par des pressions plus basses lorsque les pneus approchent de leur fin de vie, ce qui a pour conséquence d'abaisser la hauteur de caisse.
Dans le cas d'Hamilton et de Leclerc, ils ont effectué des premiers relais plus longs sur le pneu médium afin de créer un décalage stratégique par rapport à Verstappen et Norris. Cela aurait pu ouvrir la porte à une usure supplémentaire de la planche à ce stade de la course, alors que la voiture était encore assez chargée en carburant.
Le parc fermé.
Des leçons à en tirer
Tous ces éléments se sont conjugués pour pousser la Mercedes et la Ferrari hors des limites tolérées. Comme l'a expliqué Andrew Shovlin, responsable de l'ingénierie de piste chez Mercedes : "Malheureusement, c'est l'un des pièges du format sprint où nous avons une seule heure de course avant le parc fermé."
"Le fait de ne pas rouler avec une charge de carburant correspondant à celle de la course lors des EL1, combiné à un circuit aussi bosselé et aux zones de la piste où les pilotes doivent positionner la voiture pendant le Grand Prix, tout cela a contribué à des niveaux d'usure plus élevés que prévu. Nous allons en tirer les leçons."
Il sera intéressant de voir si, sur les circuits bosselés où se déroulent les sprints – notamment à Interlagos – les équipes modifient désormais leur programme en EL1 pour s'assurer d'effectuer au moins un run avec beaucoup de carburant afin de mieux comprendre les implications en termes de hauteur de caisse.
En outre, les disqualifications d'Hamilton et de Leclerc vont probablement susciter un nouveau débat sur la question de savoir si les règles du parc fermé sont bien adaptées aux week-ends sprints, en ce sens qu'elles contraignent les équipes à des réglages très précoces. Alors que l'on parle d'un remaniement du format des courses sprints, les règles du parc fermé pourraient bien être modifiées afin d'éviter une répétition de ce qui s'est passé à Austin.
Et si Ferrari et Mercedes se sentent un peu lésées, elles seront peut-être un peu soulagées que leurs autres pilotes n'aient pas subi le même sort, étant donné que les contrôles d'après-course n'ont pas été effectués sur toutes les voitures.
La question que tout le monde se pose maintenant est de savoir combien d'autres voitures auraient échoué aux contrôles de la planche si la FIA avait examiné tous les concurrents.
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