Sainz : "Je ne sais pas pourquoi je donne cette impression"
Doté d'une cote qui reste celle d'un très bon pilote mais pas d'un grand, Carlos Sainz s'interroge.
Demandez aux acteurs du paddock de citer les meilleurs pilotes du plateau, et les réponses sont généralement similaires. Max Verstappen, Lewis Hamilton, Fernando Alonso ; éventuellement Sebastian Vettel sur la base de son palmarès d'exception, ou encore des Charles Leclerc et autres George Russell compte tenu des promesses qu'ils laissent entrevoir.
En revanche, le nom de Carlos Sainz n'est que rarement mentionné dans un tel contexte. Dans l'ombre de Max Verstappen chez Toro Rosso, battu par Nico Hülkenberg chez Renault, Sainz a pris de l'envergure aux côtés du rookie Lando Norris dans une écurie McLaren en pleine ascension, ce qui lui a permis de remplacer Sebastian Vettel chez Ferrari.
Or, les quelques coups d'éclat se font trop rares pour celui qui n'a signé qu'un meilleur temps en qualifications et une victoire en 18 Grands Prix cette saison, mais qui ne démord pas de ses capacités.
"Je ne sais pas pourquoi je donne cette impression [de ne pas avoir un grand talent pur]", déplore Sainz. "Une chose dont je suis vraiment sûr, c'est que tous les coéquipiers qui ont été avec moi, tous les directeurs d'équipe, tous les ingénieurs qui ont étudié mes données, ils me considèrent comme un très grand talent. Car je sais qu'ils ont vu ce dont je suis capable. Ils savent que je suis super rapide sous la pluie – c'est habituellement la caractéristique d'un pilote talentueux – et je suis toujours au niveau en qualifs."
"Si le reste du paddock ne le voit pas, peut-être que c'est ma faute et que je ne me mets pas en valeur. Dans la presse, ou quand je parle de mes tours qualificatifs, je ne dis pas : 'Oh, j'ai fait le tour de ma vie'. Ce n'est pas mon genre. Peut-être qu'un pilote peut y contribuer en se félicitant : 'Je fais la meilleure saison de ma carrière. Je fais les meilleurs tours qualificatifs'. Et cela incite peut-être tout le monde à dire 'Oh oui, oui !'. Je ne suis pas comme ça." D'aucuns y verront une référence à Fernando Alonso, habitué à ce genre d'hyperbole.
Fernando Alonso et Carlos Sainz : deux approches différentes de l'autopromotion
Sainz ne se formalise pas non plus de l'écart avec Leclerc en qualifications, lui qui encaisse un score de 13-4 sur les séances pertinentes depuis le début de l'année. Lorsqu'il lui est demandé pourquoi il est si loin de son coéquipier sur un tour, l'Ibère répond : "C'est intéressant, car je ne trouve pas que ce soit le cas. Au début de l'année, je n'étais nulle part au niveau des sensations avec la voiture, mais par exemple, à Bahreïn et à Djeddah, je me suis battu pour la pole position et j'étais très proche. À Miami, à Monaco et au Canada sur le sec, j'étais très rapide également. Mais chaque fois que j'abordais un relais de course, j'avais l'impression de ne pas pouvoir faire chaque tour comme en qualifs. Comme si j'étais à deux doigts d'avoir un accident." Il ajoute : "C'est plus le rythme de course que je dois continuer à améliorer."
Au moins y a-t-il eu cette victoire au Grand Prix de Grande-Bretagne, qui a fait de lui le second vainqueur ayant pris le plus de départs avant de s'imposer pour la première fois : 150, à comparer aux 180 de Sergio Pérez. De quoi se débarrasser d'une incessante rengaine.
"Pour moi, c'étaient surtout ces commentaires typiques : 'Est-ce que Carlos gagnera un jour ?'" explique le pilote Ferrari. "Et je dois répondre à cette question auprès des médias, des fans, de ma famille ou de mes amis. 'Elle arrivera quand, la victoire ?' Au moins, je n'ai plus besoin de le dire. Elle est là. Je me mets ça dans un coin de la tête. Je n'ai plus à expliquer à quiconque que oui, ça va venir ; ne t'inquiète pas, je vais gagner."
Et maintenant qu'il est plus à l'aise avec la F1-75, l'Espagnol a bon espoir de se maintenir à un niveau plus élevé. Car en début de saison, surtout avec 11 podiums avant sa première victoire, les questions se multipliaient – y compris pour l'intéressé.
"Cette voiture va-t-elle jamais me donner la confiance que j'avais avec celle de l'an dernier ? Vais-je un jour trouver le bon pilotage pour mener cette voiture au niveau que je sais être capable d'atteindre ?" évoque Sainz. "Ce n'est toujours pas une voiture que j'aime, franchement, quant à son pilotage, je dois encore réfléchir beaucoup en pilotant. Et je ne la pilote pas encore complètement naturellement. Mais je sais au moins que si je rassemble tout, je peux être au niveau."
Propos recueillis par Jonathan Noble et Roberto Chinchero
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