Analyse

Séparation de Razgatlioglu et Yamaha : quelles implications en MotoGP ?

Il y a quelques semaines encore, le nom de Toprak Razgatlioglu était sur toutes les lèvres dans le paddock MotoGP, le Turc étant vu comme une véritable menace pour Franco Morbidelli chez Yamaha. Mais lundi, le pilote Superbike a été annoncé en partance pour BMW. Un coup de tonnerre qui n'est pas sans conséquences en MotoGP.

Toprak Razgatlioglu, Pata Yamaha WorldSBK

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Toprak Razgatlioglu, Champion du monde Superbike en 2021, a été annoncé en début de semaine en partance de Yamaha vers BMW, qu'il rejoindra la saison prochaine. Cette séparation avec le constructeur japonais, pour lequel il court depuis quatre ans, intervient quelques semaines seulement après un test que le pilote turc a réalisé au guidon de la YZR-M1 et qui avait alimenté les spéculations quant à son possible passage en Grand Prix sous la bannière d'Iwata.

Les dirigeants du programme Yamaha avaient assisté en personne à ces essais, durant lesquels Razgatlioglu avait été encadré par Cal Crutchlow, pilote essayeur du constructeur, pour prendre ses marques au guidon de la MotoGP.

Cependant, malgré l'enthousiasme généré par ce roulage, Lin Jarvis avait vite modéré les attentes à court terme. "Je dirais que le plus gros problème pour nous, c'est de savoir si nous aurons une place. Nous n'aurons que deux places [en 2024, sans équipe satellite] et, pour ces deux places, nous avons vraiment besoin de quelqu'un qui sera d'emblée rapide. Et peut-être que Toprak aurait besoin de plus de temps pour être rapide", avait souligné le patron du programme.

À l'époque, début avril, il est peu probable que les commentaires de Lin Jarvis aient eu un quelconque lien avec le transfert finalement annoncé cette semaine de Razgatlioglu vers BMW. Selon les informations de Motorsport.com, aucune offre n'avait encore été faite par le constructeur allemand début mai, lorsque le WorldSBK a couru à Barcelone.

Durant ce même week-end, le Turc avait lui aussi exprimé une certaine réserve au sujet de son test, ayant perçu les grandes différences de pilotage entre le Superbike et le MotoGP. Cette semaine, au moment d'annoncer son départ de Yamaha, il a évoqué "une opportunité" en MotoGP, mais a rappelé que la moto ne lui avait pas convenu autant que les dérivées de la série qu'il connaît bien. Il explique avoir donc décidé de rester en WorldSBK et avoir alors eu besoin d'un "nouveau défi".

À quel point Toprak Razgatlioglu a véritablement eu cette "opportunité" ? Ce n'est pas clair. Lin Jarvis n'a pas fait de mystère quant au fait que Yamaha ne disposera probablement pas d'équipe satellite en 2024 et qu'il lui faudra, aux côtés de Fabio Quartararo, d'un second pilote capable de se montrer d'emblée performant dans son équipe d'usine. Cette place est actuellement occupée par Franco Morbidelli, en difficulté depuis son arrivée dans la formation officielle fin 2021, mais qui constitue néanmoins "le choix numéro un" de Yamaha. Dans le cas où l'Italien ne devait pas rester, le nom de Jorge Martín, actuellement dans le groupe Ducati avec le team Pramac, circule depuis plusieurs mois.

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Quoi qu'il en soit, la décision de Toprak Razgatlioglu de rester en WorldSBK a été accueillie avec une grande déception, car elle laissera probablement sans réponse une question qui se pose depuis longtemps désormais : quelle aurait été sa valeur en MotoGP ?

Toprak Razgatlioglu, Pata Yamaha WorldSBK

Toprak Razgatlioglu est celui qui a récemment eu les meilleures chances de passer du WorldSBK au MotoGP

La superstar turque ne manque pas de soutien et son talent de pilote ne fait aucun doute. Certes, ses deux jours d'essais avec Yamaha à Jerez n'ont pas fait trembler le chronomètre, les informations qui ont filtré ayant fait état d'un écart d'une seconde sur Cal Crutchlow. Mais il faut dire que deux jours constituent un délai bien court pour s'adapter à une moto complètement différente de celle à laquelle il est habitué et, avec le temps, il est probable qu'il aurait pu trouver la clé de la performance. Cependant, le constructeur n'a pas ce temps, ayant besoin d'un pilote rapide dès la saison prochaine et n'ayant pas encore de certitude quant au fait de disposer d'une équipe satellite, et donc de quatre motos sur la grille, en 2025.

La question du doublement des effectifs de Yamaha, qui a perdu son team satellite RNF cette année, est intrinsèquement liée à celle du destin de VR46. L'équipe de Valentino Rossi a souvent été associée à Yamaha par la rumeur, et ce d'autant plus depuis que Rossi est officiellement devenu ambassadeur de Yamaha, mais la méforme actuelle des M1 aurait de quoi refroidir VR46 qui a déjà gagné deux fois avec Ducati en ce début de saison et se trouve en tête du championnat des équipes après les cinq premiers Grands Prix.

La décision de Razgatlioglu ainsi que l'incertitude de Yamaha quant à la situation de son équipe satellite pourraient bien signifier que le transfert d'un pilote WorldSBK vers le MotoGP ne se concrétisera pas avant un certain temps.

Les derniers à être passés du Superbike au MotoGP à temps plein sont Eugene Laverty et Loris Baz en 2015, le Français étant resté en poste jusqu'à la fin de la saison 2017. Leurs meilleurs résultats ont été des quatrièmes places. Depuis, les pilotes venus du paddock WorldSBK n'ont fait que des apparitions sporadiques en Grand Prix. Si Lorenzo Savadori a disputé une partie du championnat 2021 avec Aprilia, c'était pour soutenir le constructeur dans la phase de transition qui s'est étalée entre la suspension d'Andrea Iannone et le recrutement de Maverick Viñales.

Jonathan Rea, Kawasaki Racing Team WSBK

Grand dominateur du WorldSBK pendant six ans, Jonathan Rea a refusé des offres en MotoGP

Les transferts réussis de Ben Spies (en 2010) et de Cal Crutchlow (en 2011), avec des victoires à la clé, commencent à vraiment dater. Et, depuis, les stars des dérivées de la série n'ont pas forcément cherché à rejoindre le MotoGP à tout prix.

Ainsi, Jonathan Rea, grand dominateur du WorldSBK durant ses six titres consécutifs entre 2015 et 2020, a longtemps fait partie des noms qui circulaient en MotoGP, mais il a refusé plusieurs offres. À l'époque, on estimait que quiconque souhaitait rejoindre le MotoGP devrait d'abord battre Rea en Superbike, ce que Razgatlioglu a finalement été le premier à réussir en 2021. Mais la porte a fini par se refermer pour Rea et elle pourrait ne pas se réouvrir pour Razgatlioglu s'il ne réussit pas chez BMW.

Or, si le MotoGP se désintéresse de Toprak Razgatlioglu malgré son talent et son aura, il est peu probable qu'il s'enthousiasme pour les autres pilotes du championnat. Álvaro Bautista, champion en titre, a déjà fait son temps en Grand Prix, tout comme Danilo Petrucci.

Un temps, Michael van der Mark s'est trouvé dans une situation similaire à celle de Toprak Razgatlioglu, considéré comme un pilote de MotoGP potentiel. Mais ses deux apparitions avec Tech3 en 2017, pour des remplacements, l'ont vu finir hors des points et les premiers rangs du Superbike se sont aussi éloignés, tandis qu'il a récemment cumulé les blessures. Alex Lowes a lui aussi réalisé deux piges avec Tech3, en 2016, et il s'en est un peu mieux sorti en marquant les points de la 13e place au Grand Prix de Grande-Bretagne, à 40 secondes de la victoire mais seulement une seconde de Eugene Laverty, alors titulaire. Mais tous deux sont trentenaires et ils ne sont plus aujourd'hui considérés comme des pilotes d'avenir pour un plateau MotoGP devenu ultra compétitif.

Parmi les pilotes actuels du WorldSBK, le seul autre profil avec Toprak Razgatlioglu qui pourrait prétendre à une place en MotoGP, c'est Remy Gardner, âgé de 25 ans. Champion du monde Moto2 en 2021, il a connu une saison dans la catégorie reine avec Tech3 et KTM, avant de perdre sa place, non sans amertume. Aujourd'hui, le calendrier beaucoup plus léger du WorldSBK et la rancœur conservée de cette expérience ont probablement modifié ses propres ambitions.

Razgatlioglu avait tout pour être celui qui rouvrirait la porte du MotoGP aux pilotes de Superbike. Aujourd'hui, compte tenu du manque général de candidats taillés pour les Grands Prix et le peu de succès connu ces dernières années par les pilotes WorldSBK en Grand Prix, où les talents ne manquent pas, il est difficile d'imaginer que quiconque puisse se voir offrir l'opportunité d'un tel transfert dans un avenir proche.

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